Je m'interroge beaucoup sur la notion même de "pervers narcissique", sans nier qu'il existe des personnes qui vont être à l'origine de relations toxiques et que cela peut être destructeur pour l'entourage.
Je dis peut-être une bêtise mais pour ce que j'en comprends, c'est un concept qui se base (quasiment?) exclusivement sur les faits rapportés par les personnes qui en auraient été victimes. Du coup, je trouve délicat de parler de diagnostic, ce qui implique l'existence d'une pathologie, d'un profil précis alors que ce sont des gens qui ne consulteraient pas et que les professionnels n'auront pas l'occasion de rencontrer plus d'une ou deux fois.
Par exemple, j'ai vraiment du mal à faire la différence entre ce concept et le trouble de la personnalité "narcissique" tout court (je vous laisse voir les critères du DSM IV et/ou de la CIM 10). Pareil, comment faire la différence entre le pervers narcissique qui n'aurait aucune empathie et une personnalité antisociale? Et si je veux continuer dans cette lignée, les personnes souffrant d'un trouble de la personnalité borderline peuvent également être très labile dans leur relation à l'autre et les mettre en difficulté.
Bref, je ne dis pas que ça n'existe pas. Néanmoins, je trouve dangereux que ce concept soit présenté comme un trouble qui pourrait être diagnostiqué alors qu'en fait... On n'en sait rien. Est-ce que certain(e)s ont plus d'information à ce sujet?
Bonjour,
je réponds longtemps après mais je viens de retomber sur ton commentaire, et je veux dire que j'appuie à 200% ce questionnement. Je suis psychologue et pour moi la notion de perversion narcissique pose problème (comme beaucoup de notions psy mais passons!!)
Déjà car comme tu dis, c'est la 1ère fois qu'on utilise, pour établir le diagnostic, le vécu subjectif d'une personne qui serait victime, et non le vécu propre du "pn". Pour moi c'est vraiment problématique. Déjà que la psychopathologie est quelque chose d'encore assez flottant (malgré le DSM et autres inventaires pseudo scientifiques), mais alors si on se met à utiliser le vécu d'une tierce personne pour en diagnostiquer une autre, ça devient vraiment douteux d'un point de vue scientifique.
Je n'ai pas d'avis sur l'existence ou non de la perversion narcissique en soi. Je pense qu'il est tout à fait possible que certaines personnes soient narcissiquement vrillées au point de se nourrir de la souffrance de l'autre, et d'agir dans leur propre intérêt aux dépens de l'autre. Mais pour moi, d'un point de vue éthique, on ne devrait pas partir de faits rapportés et SURTOUT de vécu subjectif pour diagnostiquer quelqu'un qui n'est même pas présent à ce moment-là.
Aussi, il faut poser la question de la victime : qui souffre d'une pathologie (s'il faut absolument en trouver une), le pervers qui fait souffrir ou bien...la personne qui en vient à devenir un "cadavre psychologique"? Je vois d'ici des foudres s'abattre sur moi à l'idée que je puisse "incriminer" les victimes, mais bien évidemment, ce qui est pathologique ou problématique n'est pas ici jugé en termes de "po bien" ou "faible". Ceci dit, je pense qu'il est impossible, dans les cas de récit de perversion narcissique, de différencier le vécu de la victime de celui du bourreau. Ils sont totalement liés. On est donc +, pour moi, dans une pathologie de la
relation, que dans une pathologie individuelle.
Je me permets aussi d'avoir cet avis car j'ai vécu une relation extrêmement toxique avec mon dernier ex. Je suis restée 2 ans avec lui, j'ai perdu 10kg, mes amis s'inquiétaient clairement pour moi, les gens me disaient "mais COMMENT tu peux laisser faire ci ou ça!?" et je faisais des attaques de paniques à n'en plus finir, à mesure que j'acceptais des choses inacceptables. Cette histoire est finie et quelques mois après la rupture, je ne me lancerais pourtant pas à qualifier mon ex de PN ; pour moi, c'est notre relation qui a été pathologique, pas sa personne ou la mienne. Pour moi, cet homme a des traits narcissiques, manipulateurs, pervers à un degré supérieur à la normale, mais de mon côté je suis aussi plus influençable et dépendante affective que la moyenne...Bref, on s'est tous les deux fait écho. Si je n'avais pas été réceptive, si je n'avais pas accepté certaines choses, si j'étais partie au premier signe louche, il n'y aurait pas eu de perversion narcissique. Un pn n'existe pas sans victime. On ne peut pas être pn tout seul. Donc peut-on être pn
en soi?
Ensuite, la petite conclusion un peu vague mais pas forcément inutile : les pathologies évoluent avec la société, et parfois, les classifications psychiatriques viennent poser des petits noms de maladies pour endormir les consciences et masquer des problématiques groupales, environnementales, sociales, professionnelles, etc. C'est ainsi que l'on va par exemple parler de TDAH (les mômes hyperactifs) mais pas forcément remettre en cause le système éducatif/scolaire - et on se retrouve avec des parents qui savent plus où se mettre parce que leurs gosses ne s'adaptent pas assez bien, comme s'ils étaient fautifs, comme si l'erreur était forcément chez eux ou chez le môme en question.
Il ne faut pas perdre de vue que la psychiatrie est une institution, et que les grandes institutions de l'Etat ne sont pas là pour faire la révolution. On va davantage essayer d'uniformiser et conformer les choses, et remettre certains problèmes sur le dos des citoyens est un excellent moyen de noyer le poisson et de ne pas remettre le fonctionnement de la Société en question. Créer le concept de perversion narcissique, donc recentrer le problème sur l'individu et lui seul, c'est ainsi éluder la grande méchante question sociale (exemple bateau pour illustrer : la pression professionnelle peut insécuriser les gens et les rendre tyranniques : ici c'est le milieu professionnel qui est en cause, pas l'individu lui-même).
Je crois qu'il faut garder en tête qu'une étiquette n'est pas une vérité, même si cela peut aider à s'y retrouver dans certaines situations. Mais m'est avis qu'il ne faut pas faire l'erreur de se fixer sur le détail, car c'est comme ça qu'on perd de vue l'image globale et qu'on passe à côté des vraies questions.
Voilà...Salut!