@Titpuce Dire que c'est une mode de trouver les choses racistes c'est remettre en question la légitimité de celles/ceux qui luttent contre le racisme contemporain. Que tu ne trouves pas ça raciste ne veut pas dire que ça ne l'est pas, et encore moins que le fait que d'autres jugent ça raciste soit illégitime. C'est peut-être une surprise pour toi, mais le rapport de domination sur la couleur de peau (c'est à dire le racisme) est encore réel en France : il a des répercussions sur l'accès à l'emploi, sur la représentation politique, sur les discriminations et les vexations du quotidien, etc.
A nous les Blanc.he.s ça fait des années qu'on nous répète que le racisme c'est les insultes racistes,
point, ou alors ça concerne uniquement l'entrée en boîte de nuit, vite fait. C'est sûr, si on s'arrête à ça, "sale Blanc" et "sale Noir" sont équivalents : tout deux seraient racistes. Idem pour "sale Chrétien" ou "sale Nonne" et "sale Musulman". L'équilibre dans le racisme : tout le monde est raciste donc personne n'est vraiment raciste, pas de raison de changer (c'est toute la logique de "Qu'est ce qu'on a fait au bon dieu" - d'ailleurs j'avais pas tiqué encore sur "
bon dieu"). Sauf que le racisme ne s'arrête pas à l'insulte reçue dans la rue. L'insulte raciste n'est que la partie émergée de l'iceberg.
Se concentrer sur l'insulte raciste c'est réduire le racisme à une affaire d'individus : un.e.tel.le m'a traité de "sale X", ya plus de respect, etc etc. Sauf que le racisme est un rapport de domination
systémique, institutionnel, qui retire des droits (je parle pas en terme de textes de lois, mais en terme d'application de ces textes) aux un.e.s ... pour les donner aux autres. Et c'est là que ça devient plus difficile, pour nous les Blanc.he.s, d'examiner le racisme
confortablement. Quand on limite l'accès aux magasins, à la rue, aux emplois, à la hiérarchie au sein des entreprises ..., à certaines personnes en fonction de leur couleur de peau (ou de leur genre, de leur validité, etc), ce sont
plus d'accès pour les Blanc.he.s. Car en France, les Blanc.he.s ne sont pas discriminé.e.s à cause de leur couleur de peau (de même que les chrétien.ne.s ne font pas arracher des parties de leur tenue vestimentaire parce qu'ils sont chrétiens) . C'est ce qu'on appelle le
privilège blanc.
Les luttes ne sont pas confortables pour les dominant.e.s, c'est quelque chose qu'il faut accepter si on se déclare antiraciste (entre autres). Et remettre en question la parole des racisé.e.s, c'est participer au système d'oppression qui dit à tou.te.s les racisé.e.s, sur tous les sujets : "rohlàlà mais naaan c'est pas raciste, je vais t'expliquer en fait moi je suis pas raciste donc c'est pas raciste". Ça se produit sur le racisme, comme ça se produit dans tous les rapports de domination ("rohlàlà les femmes vous avez rien capté à ce qu'est le sexisme, vous vous tirez une balle dans le pied à critiquer l'accès à l'emploi/le manque de représention politique/les blagues sexistes/le harcèlement de rue/le féminicide/etc etc etc etc ... a force de crier au loup ..."
).
Et si nous, les dominant.e.s, nous ne voyons pas le racisme dans certaines choses, c'est probablement parce qu'on est du bon côté du rapport de domination.
Et pour finir, les patisseries dont les noms ont été citées plus haut et dans l'article sont loin d'avoir disparu de nos boulangeries (j'en ai croisé une avant hier encore) : juste pour dire que le racisme ordinaire en France ne s'est pas arrêté en 1995.
Ou encore ça, qui date de cet été :
TW: insultes racistes
http://www.franceinfo.fr/actu/socie...terie-change-le-nom-de-ses-patisseries-560891