Sérieusement, je ne vais pas m'amuser à décortiquer l'article de GentleMec pour expliquer à quel point je le trouve répugnant, d'une part parce que je trouve qu'
Opium a déjà très bien résumé le problème ; et d'autre part parce que je n'ai pas envie d'y passer 3h00 et de me prendre la tête. C'est le genre de propagation de clichés qui me scandalise et, ironique ou pas, qu'on ne peut pas laisser passer parce que c'est vraiment le genre de sexisme ordinaire qu'on s'efforce de combattre au quotidien. Dire oui mais c'est drôle, il ne faut pas relever, ça n'est pas à prendre au sérieux, c'est un peu léger : c'est avec ce genre d'attitude qu'on les laisse s'ancrer au point qu'ils sous-tendent toutes nos conceptions sociales sans que ça ne choque personne. D'un autre côté, je ne pensais pas que cela allait susciter 3 pages de débat, car je trouve qu'en plus, vu comme il est mal écrit (j?insiste, je suis littérairement exigeante en plus d'être féministe) qu'il ne méritait pas autant d'intérêt.
Mais pour ajouter quelques autres choses qui me choquent à celles que mentionne très bien Opium, déjà, il y a le fait que le désir de l'autre soit envisagé comme une corvée à laquelle il faut souscrire parce que la société a suffisamment évoluée pour qu'on ne le considère plus comme automatiquement soumis. Au-delà du côté réac de la chose, c'est d'une tristesse ! Cela reflète une vision tellement désincarnée et égoïste du sexe, que je crois que la frontière est ténue entre ce type d'attitude et une propension à la violence sexuelle. Et puis en plus c'est réduire le rapport sexuel à une mécanique aberrante. Ça me fait penser un peu à
Sex and the City, série à laquelle je n'ai jamais adhérée : Carrie gérait son rapport à l'orgasme comme un tour de manège où chacun montait chacun son tour. Est-ce que tout l'intérêt n'est pas justement de tenir compte de l'autre, de façon à s'accorder, de se synchroniser, de s'harmoniser dans la relation sexuelle, plutôt que de tout calculer, de tirer à la courte paille qui jouit en premier, et puis de gérer tout comme un échange commercial, genre ok moi je te fais ci à condition que tu me fasses ça en échange ? C'est d'un ennui ! C'est d'un prosaïsme ! C'est tellement peu humain !
Dans la relation sexuelle, rien n'est dû : pas plus le cunni que la pipe. Tout se fait au ressenti : que ce soit le mec ou la fille, personne n'a jamais à se forcer à quoi que ce soit.
Plutôt que de contraindre l'autre à faire quelque chose qu'il n'a pas envie de faire, et de lui faire quelque chose dont on n'a pas envie par automatisme, ce n'est donc pas possible d'essayer de communiquer, de s'adapter ?
"Le cunnilingus n'est pas un dû" s'écrie-t-il. Quelle incroyable nouvelle. En matière de sexe, rien n'est dû. Pas plus le cunni que la pipe, seulement quand il s'agit de son propre plaisir, il ne songe pas à remettre les "conventions" en question. Conventions établies par qui d'ailleurs ?. On ne le saura jamais, mais lui semble convaincu qu'il existe une façon socialement admise de baiser, et se soucie de s'y conformer. (Au nom de quoi ? C'est franchement ridicule...)
Il s'aperçoit visiblement que sa partenaire lui fait une pipe un peu à contre-coeur (et comme tout ce qu'on fait à contre-coeur, apparemment c'est raté). Mais est-ce qu'il songe à un moment ou à un autre, à lui dire que si elle n'en a pas envie, elle n'y est pas obligée ? Quand elle lui fait comprendre qu'elle aimerait bien à son tour un cunnilingus, est-ce qu'il lui explique à un moment ou à un autre qu''il n'en a pas envie ? Si son plan cul était foireux, la vérité c'est qu'il en est tout aussi responsable : à force de ne tenir aucun compte de l'autre et en plus de se conformer à des stéréotypes venus de je ne sais où, il ne faut pas s'étonner de ne pas s'épanouir dans l'acte sexuel.
Et alors, le pompon est décroché, je crois, quand ce "jeune homme" trouve le moyen de perpétuer des clichés aussi culpabilisants et normatifs pour les hommes que pour les femmes. Je cite parce que j'ai du mal à croire que je sois la seule à avoir relevé :
"Selon aufeminin.com,
47 % des hommes déclarent avoir déjà simulé un orgasme, ce qui ne serait pas aussi compliqué qu?on pourrait le croire en l?absence d?éjaculation : les spermatozoïdes fantômes partent à la poubelle avec la capote !"
Hum.
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Quel est le lien entre simuler un orgasme pour un homme et la nécessité de dissimuler l'absence de sperme dans la capote ? Par cette petite phrase, il témoigne soit de la maladresse de son écriture, soit de son ignorance, soit de son engluement dans les stéréotypes sexistes, soit des 3, étant donné qu'il établit un lien direct entre orgasme masculin et éjaculation, ce qui est apparemment une source de culpabilisation pour de nombreux hommes qu'essaient ardemment de combattre les sexologues.
En effet, le plaisir masculin se manifeste par bien d'autres moyens que l'éjaculation. L'éjaculation est due à la stimulation de terminaisons nerveuses et tous les mecs ne sont pas égaux de ce point de vue : certains sont particulièrement sensibles (voire trop, d'où les éjaculateurs précoces) et d'autres éjaculent difficilement voire rarement, ce qui ne les empêche pas d'éprouver un plaisir intense et entier. Seulement à perpétuer cette idée selon laquelle le plaisir masculin c'est l'éjaculation, on établit un culte de la performance qui lèse de nombreux hommes, qui ont l'impression d'être en quelque sorte impuissants parce qu'ils ne parviennent pas à l'éjaculation ; et on culpabilise en même temps les femmes qui croient que s'ils n'éjaculent pas c'est qu'elles ne leur ont pas permis de ressentir du plaisir.
Bref, réussir en un seul article à la fois à donner une image dégradante des femmes, et à imposer aux hommes comme aux femmes la vision d'une sexualité normative et culpabilisante, c'est quand même fort !
Pour le reste, Opium a très bien résumé ma façon de penser.
Et puis un point de vue masculin ou un point de vue féminin ça n'existe pas. La construction du genre est culturelle : elle n'est en aucun cas liée au sexe biologique. Elle dépend des valeurs qu'on inculque et qu'on attribue dès la naissance en se basant sur une vision stéréotypée de ce que doivent être les garçons et les filles, qui sont la racine de la pensée sexiste. Un mode de pensée typiquement féminin ou masculin, ça n'existe pas en tant que tel (cf les travaux de Catherine Vidal), et c'est justement le genre d'idées qu'il faut combattre si l'on veut un jour parvenir à l'instauration d'une société égalitaire, non seulement pour ce qui est du rapport entre les hommes et les femmes ; mais aussi pour ce qui concerne les sexualités, c'est-à-dire le fait de sortir des rapports hétéronormés et donc d'accorder la même place dans la société aux communautés LGBT qu'aux hétérosexuels.
Et c'est d'autant plus vrai que, féministes ou pas, je connais des tas de mecs qui s'indigneraient autant que moi en lisant cet article révoltant ; qui se sentiront aussi lésés à sa lecture par la représentation des hommes qui y est effectuée qu'une femme pourrait l'être. Et pourtant je connais des mecs qui ont un langage pas franchement délicat : mais peu importe la façon dont ils parlent des femmes ; malgré leurs expressions peu châtiées, ils ne leur manquent jamais de respect, et là est toute la différence.
Ceci étant, je ne m'étendrai plus davantage sur le dégoût que m'inspire un tel "article", puisque d'autres que moi ont déjà extrêmement bien expliqué le problème et que ce post suffit pour ce que je désirais ajouter. (Il est un peu brouillon, mais bon, on est dimanche soir et je suis crevée.
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