Je vais essayer d'apporter ma petite pierre à l'édifice.
C'est un débat qui me touche personnellement, d'abord parce que je suis en première année de médecine: si je réussis le concours, je serai peut-être dans ma vie confrontée à une situation où je devrais choisir d'euthanasier quelqu'un ou pas.
Ensuite, ma grand-mère exprime ses pulsions suicidaires en militant pour le droit au suicide assisté et a demandé à ses enfants d'appuyer sur la seringue quand elle le choisira (NB: ce n'est pas une insulte envers ceux qui souhaitent mourir ainsi: ma grand-mère a déjà fait une tentative de suicide et est atteinte de troubles bipolaires). Feue mon autre grand-mère a par ailleurs été sérieusement diminuée mentalement par un lupus dans sa jeunesse.
Enfin, j'ai été amenée jeune ( à 13 ans pendant mon stage de troisième en maison de retraite médicalisée) à m'occuper de personnes âgées souffrantes et très diminuées (par exemple, une personne incapable de bouger, de parler et presque de déglutir que j'ai assistée lors de ses repas).
Je n'utiliserai pas le terme "fin de vie" mais plutôt "mort" car je pense qu'il faut appeler un chat un chat.
Je suis personnellement contre la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté.
Tout d'abord, on ne peut pas abolir comme ça l'interdiction de tuer un autre être humain. C'est un interdit universel, qui est profondément ancré de nos cultures.
On peut se poser la question des transgressions possibles: je pense que ça peut ouvrir la voie à l'euthanasie systématique des handicapés, des malades mentaux, des vieux parce qu'ils coûtent trop cher, ils ne sont pas rentables, ils dérangent, ils ne font pas propre, ni lissé et ils nous renvoient à notre condition de mortel. Quid des pressions de la famille, de la société? Rares sont les personnes âgées souffrantes qui demandent la mort, c'est le plus souvent les biens-portants autour d'eux qui ne supportent pas la vision de la déchéance humaine.
Je pense que cette possible légalisation est le reflet de notre société très matérialiste: la mort interroge, inquiète, donc on la cache, on la médicalise et on la rend propre. Pourtant la vie n'a jamais été exempt de souffrances, la mort non plus et on veut nous le faire oublier. Je pense que c'est un refus de voir les choses en face, un refus d'accompagner les personnes au moment de leur mort. Au lieu de les écouter et de leur tenir la main, on préfère les faire mourir.
D'ailleurs, l'euthanasie empêcherait le développement des soins palliatifs (il y aurait une solution "plus simple"). Je soutiens que la loi Leonetti prévoit le nécessaire, mais qu'elle n'est pas correctement appliquée.
Je pense aussi que la mort est un moment à vivre paradoxalement: c'est le moment où on se retourne sur sa vie, où on fait le bilan de nos actions. Il faut du temps pour mourir, pour partir sans regrets. Qui peut le faire sous sédatif? Les sédatifs ne donnent qu'une impression de partir en paix (je ne parle pas de ceux qui ont besoin de sédatifs pour ne pas souffrir d'une pathologie grave).
Reste la question de la dignité, épineuse s'il en est. La dignité c'est "le respect que mérite quelqu'un" selon le Larousse. Aucun Homme n'est jamais indigne, car tout Homme mérite le respect, de la part de tous. L'euthanasie "pour la dignité", ça signifie que tel Homme ne mérite pas le respect à cause de sa maladie, de son âge et qu'il vaut mieux qu'il meure, car seule la mort rétablirait cette dignité. Il vaut mieux vivre dans la dignité, c'est-à-dire être accompagné et soutenu, car la dignité se joue dans le regard des autres.
Pour d'autres arguments, je vous conseille
ce blog.
Enfin, en tant que peut-être future soignante, je n'ai pas choisi de faire médecine pour appuyer sur la seringue qui va tuer la personne allongée dans son lit d'hôpital. C'est contraire au Serment d'Hippocrate: "Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément". La loi Leonetti, correctement appliquée, permettrait de soulager les patients agonisants. Tuer quelqu'un, c'est un poids moral trop lourd et une responsabilité trop importante pour que la société demande à un professionnel de santé de l'assumer. Là-dessus, je vous conseille
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Voici ce que je pense, et je m'aperçois que ce post est bien trop long. Merci à celles qui l'auront lu jusqu'au bout!