Je me suis longtemps posée la question concernant l'Asperger, car je dois avouer que Sherlock possède certaines attitudes, aptitudes et inaptitudes qui m'ont largement fait songer aux patients autistes que j'ai pu rencontrer. Je trouve d'ailleurs que l'hypothèse a assez bien été mise en valeur - même sans y apposer le nom du syndrome - au début de l'E3S1 lorsqu'il dit à Watson en parlant de son cerveau : "This is my hard drive ans it's only make sense to put things in there that are useful. Really useful. Ordinary people fill their heads with all kinds of rubbish, and that makes it hard to get at the stuff that matters." Qu'il admette avoir un fonctionnement propre loin de celui des gens ordinaires est à mon sens une particularité qui se rapprocherait de l'Asperger général, qui délaisse les connaissances "usuelles" au profit de ce qu'il juge utile et/ou digne d'être considéré. Tout comme la plupart des gens atteints de cette forme d'autisme, il développe alors un véritable génie proche de l'obsessionnel, hors de portée du commun et souvent au mépris des conventions, de ce qui se sait, ce qui se fait, ce qui se dit. Là-dessus, Sherlock est un assez bel exemple, car il apprend au fil des épisodes à se référer à John pour le tempérer dans ses comportements inadaptés : Seul, il ne comprend pas voire ne remarque pas l'impolitesse, le sentiment, l'émotion, l'étiquette. Il ne saisit pas pourquoi la femme en rose penserait à son enfant mort-né dans ses derniers instants de vie, ne saisit pas ou peu la violence de ses remarques envers Molly le soir du réveillon, ne distingue pas en quoi son comportement est dérangeant ou offensant. Sa nudité dans Buckingham Palace, ses caprices d'enfant, son exaltation à l'annonce d'un meurtre, les tirs sur le murs, les doigts dans le compartiment à glaçons. Seul, il n'a pas conscience de ce que sa personnalité déplace ou de ce qui détonne. Et c'est aussi pour cela que j'apprécie tant sa relation avec John, parce qu'il est le seul de qui il peut accepter une remise en place ou une tempérance, le seul qu'il peut accepter comme une boussole dans cet environnement trop grand pour lui mais trop petit pour son génie.
Autre trait qui appuie également mon sentiment : Sa naïveté absolue envers la Femme dans ce qu'elle a de plus sexuel, et sa virginité. Il est un enfant à retardement face à une Irène nue, ne développe rien d'autre qu'une incompréhension totale de ce qu'elle est et de ce qu'elle fait. Son génie ne le sert que pour l'aspect scientifique de ce corps féminin (la découverte de ses mensurations), mais il aborde cette femme sous une imperméabilité quasi parfaite. Qu'est-elle ? Pourquoi ? La suite de cet épisode est d'ailleurs assez savoureux à mes yeux, car il mène au pas son initiation au sexe opposé (non physiquement cependant) et au sentiment. Au trouble. A l'émotion. Elle n'est pas une boussole semblable à celle que John représente, mais un point précis auquel s'attacher malgré tout et un apprentissage de la gifle, la vraie, celle qui trahit et dégoûte. Elle lui a appris à jouer dans le coeur. (?I imagine John Watson thinks love?s a mystery to me, but the chemistry is incredibly simple and very destructive. When we first met, you told me that disguise is always a self portrait - how true of you - the combination to your safe, your measurements? But this, this is far more intimate, this is your heart and you should never let it rule your head. You could have chosen any random number and walked out of here with everything you worked for, but you just couldn?t resist it, could you ? I?ve always assumed that love is a dangerous disadvantage. Thank you for the final proof.")
Cette réplique, plus particulièrement, est d'une intensité forte car elle me donne la sensation d'un Asperger qui aurait découvert à quel point ce monde auquel il n'appartient pas est dangereux. Il se détache, évoque de loin, mais pour ma part me donne la sensation de parler de lui et de ce qu'il a découvert à ses dépens. Il est sorti dehors et - ébloui - s'en est pris plein la gueule, vulgairement, simplement.
(Peut-être est-ce d'ailleurs pour cela que j'aime tant ce personnage... Une réminiscence de ce qui a pu me toucher par le passé.)