Loin d'être surdouée, j'ai toujours été la première de la classe, la "boule", la "tête d'ampoule" qu'on jugeait ringarde parce qu'elle avait des bonnes notes.
Je dirais plutôt que le regard des autres élèves envers les bons élèves dépend beaucoup du milieu social.
A l'école primaire, aucun soucis rencontré par contre. Les maîtresses ont voulu me faire passer de la CM1 à la 6ème mais mes parents ont eu l'intelligence de refuser.
Bon, c'est vrai que je m'ennuyais à mourir en classe, mais je n'ai pas eu à subir ce qu'ont vécu tous les enfants qui ont sauté une classe et qui n'en avaient vraisemblablement pas besoin (pourquoi faire sauter une classe à la maternelle, sérieux? sur trois amies qui ont sauté une classe à la maternelle ou au cp, les trois ont eu de sacrées difficultés au collège, au lycée et ont eu avec justesse leur baccalauréat -sauf une, qui ne l'a pas eu, mais c'est une bosseuse, no worries for her..)
Mais qu'est-ce que j'en ai chié à la Terminale!
En seconde, j'étais avec des gens bosseurs, bien élevés, bien éduqués, de toutes origines ethniques mais tous ayant été élevés avec la valeur de l'école. Chacun cherchait à se transcender, à apprendre plus que possible, et si l'élève avait un bon résultat, on se louait mutuellement, c'était vraiment une bonne époque. Ils se sont tous dirigés vers un bac scientifique, et moi, littéraire.
C'est à partir de ma première Littéraire que tout a dégénéré. J'étais mélangée parmi des gens laxistes, ne connaissant pas pour la plupart la valeur de la connaissance et du travail. Tous les clichés s'y trouvaient: les emo so rebel qui fuck le systemmmmm werrrrr, les baba cool (les seuls sympas et ouverts d'esprit), les "jeunes drogués et alcoolisés", les racailles qui volent à l'étalage et n'hésitent pas à manquer de respect aux profs... Bref.
La première année, j'ai été considérée comme une bête de foire, "pourquoi tu réponds aux questions du prof, sérieux ça te sert à quoi?" "sérieux tu fais que travailler de tes journées ou quoi, t'as pas de vie?". Des petits préjugés et sarcasmes pas trop dérangeants, que j'ai supporté tant bien que mal, et j'ai essayé de garder les meilleures relations possibles avec chacun, je n'avais pas envie de snober qui que ce soit.
Mais en Terminale, retournement de situation, après le premier trimestre, à l'annonce des moyennes, des louanges des profs, la classe se ligue contre moi. Sur Facebook on m'assène de messages sensés me déstabiliser: "pourquoi tu fais genre tu sais tout, pourquoi tu te crois meilleure que nous ? Sérieux se la péter parce qu'on a de bonnes notes c'est pitoyable, va te pendre", et bien sûr, des messages groupés, qui, dans la vie réelle, se convertissent en regards noirs, en petites paroles blessantes en classe lorsque le prof m'interroge.
Lorsque je devais passer devant tout le monde pour faire un travail oral de groupe, c'était l'angoisse à chaque fois, les sentir m'insulter, me critiquer "elle est trop moche, regarde comme elle est habillée, avec ses collants couleur pisse", "elle est blanche comme un cul pourquoi elle se croit belle", "à ce qui parait elle a jamais baisé, ça se comprend avec le balai dans le cul qu'elle a" et autres suppositions sur ma vie privée, me glaçait et me crispait.
Après un énième message sur le profil Facebook de mes amies (oui, ils voulaient que je n'ai plus d'amis dans la classe), plus virulent que les autres, j'ai eu une irrésistible envie de disparaître de ce monde, j'avais fini par les croire, par croire que j'étais laide, mauvaise, hautaine, que personne ne m'aimerait car je dégage quelque chose de mauvais...
Mais dans mon cas, les profs ont été présents. Ils ont tous donné de leur personne pour me soutenir moralement, surtout mon prof d'espagnol, un homme formidable et craint par toute la classe. C'était un prof très froid, très autoritaire, mais c'était le seul professeur sincère avec les élèves, il m'a demandé ce qu'il se passait, car il avait remarqué les petites remarques des élèves à mon égard lorsqu'il m'interrogeait et que j'ouvrais la bouche.
J'ai éclaté en sanglot, je lui ai tout raconté, les menaces, les insultes, et il m'a pris dans ses bras avant de prendre son autre classe (formellement hein, n'y voyait rien de déplacé), m'a dit ce qu'il fallait que j'entende, ça m'a fait tellement du bien étant donné que mon père nous avait abandonnées quelques mois auparavant. Il en a parlé à tous les autres professeurs.
Ils m'ont tous soutenus, la prof de philo qui elle aussi a eu d'énormes problèmes avec les élèves de cette classe (insultes, menaces de mort), le prof d'histoire géo qui a convoqué les parents des plus gros cas, les profs d'anglais qui remontraient ceux qui me harcelaient à chaque fois qu'ils faisaient une remarque en douce. Evidemment, concrètement, ça n'a rien changé, ça n'a pas empêché les élèves de reprendre leur train train quotidien de défoulement et d'acharnement.
Les professeurs ne sont pas tous des gros cons qui ne bougent pas le petit doigt lorsqu'il y a du harcèlement en classe!
C'est dingue, rien que le fait d'écrire ça, ça me fait bouillonner, ça me fait pleurer toutes les larmes de mon corps...
J'ai passé mon bac L, en plein divorce de mes parents, vivant à 150 km de mon lycée car ma mère était violente, obligée de vivre chez les parents de mon copain, et même si je n'ai pas pu réviser et que je le regrettais amèrement, je me sentais tellement bien, sans cette classe pour me juger, je revivais, et j'ai quand même eu la mention très bien.
Bon voilà, pour résumer, oui, mes petits camarades de Terminale, je suis peut être la plus grosse connasse du monde, la plus laide qui n'a pas de vie au point de passer ses journées à travailler (lol?), il n'empêche qu'avec ma petite mention du bac, j'ai environ 200? par mois qui tombent avec ma bourse, je fais ce qui me plaît à la fac, je suis avec des gens géniaux qui aiment et partagent ma passion des langues, j'ai rencontré le consul du Japon, et je suis heureuse. Finalement, il y a eu du bon dans cette histoire, non?
J'espère tout de même que vous ne vous en sortez pas trop mal, sincèrement.
(euh, je viens de raconter ma vie là..? Pardon)