J'avais envie d'en parler, j'avais même commencé un article. Je suis plutôt étonnée que personne n'ait parlé du coté culpabilité du fait d'être précoce, qui est plutôt le sentiment qui m'a toujours habitée. J'ai toujours plutôt mal vécu le fait d'être précoce, et j'ai rarement vu des témoignages négatifs, ce qui me faisait encore me sentir plus bizarre (pourquoi moi je le vivais mal, et pas les autres enfants précoces). J?aurais aimé lire des témoignages de personnes le vivant aussi mal que moi, mais je ne voyais que des histoires d?enfants heureux, avec 3-4 ans d?avance à l?école, alors peut être que mon histoire aidera une madz, à ne pas culpabiliser comme j?ai pu le faire.
Aussi longtemps que je m?en souvienne, je n?ai jamais aimé l?école. Il parait que j?adorais le CP, et que je n?ai pas voulu sauter cette classe pour rester avec ma maitresse, mais moi je ne m?en souviens pas. Je n?ai pas beaucoup de souvenirs de l?école primaire, mais l?école primaire s?est plutôt bien déroulée (contrairement à l'auteure), j?ai gardé la même classe pendant tout le primaire, et le choc a été plutôt grand à l?entrée au collège. Je suis passée d?une classe dans laquelle je connaissais tout le monde, à une classe dans laquelle je ne connaissais presque personne. En sixième, les petites réflexions « intello » et compagnie ont commencé. Je les ai particulièrement mal vécues. J?ai eu de gros problèmes de santé à cause du stress. Je m?ennuyais en cours, je ne travaillais pas mais je réussissais, et j?étais rejetée parce que « je passais ma vie à bosser ». Je n?ai jamais osé dire que je réussissais sans travailler. Je me sentais mal vis à vis de ceux qui travaillaient et ne réussissais pas. Et j?ai tout gardé pour moi.
En fin de sixième, j?ai passé un test de QI, pour voir. Mes parents voulaient comprendre pourquoi j?étais si malheureuse à l?école. Dans un système adapté j?aurais pu être en seconde. Et là, ce qui pour moi était normal est devenu une profonde injustice. Je n?avais pas à m?ennuyer à l?école, c?était l?école qui mettait délibérément une partie des enfants de côté, les sacrifiant pour le plus grand nombre. J?ai subis mon année de cinquième, avec les problèmes de santé, les absences récurrentes, et le mal-être. Puis en 4ème, ma meilleure amie a déménagé, cassant encore plus l?équilibre fragile que j?avais construit au collège. Les problèmes de santé sont repartis de plus belle, et finalement mes parents m?ont changée d?établissement scolaire. Je suis allée dans un collège privé, dans une classe « pour tête d?ampoule ». J?ai terminé mon collège sereinement, avec d?autres élèves qui semblaient mieux me comprendre, et en tout cas qui ne me rejetaient pas pour mes bonnes notes. J?ai gardé le même noyau de classe pendant mon lycée aussi, mais mon année de terminale a plutôt été catastrophique. Gros problèmes familiaux à la rentrée, j?ai raté le coche, et là, j?ai été rejetée parce que j?avais des mauvaises notes. Au lycée, ma classe de gentilles têtes d?ampoules était devenue une compétition géante à celui qui aura la meilleure classe préparatoire (Et moi, l?esprit de compétition je l?ai autant qu?un bisounours). J?ai perdu la plupart de mes « amis ». J?ai terminé le lycée avec un mal être qui finalement était resté enfoui depuis le collège. Il m?a fallu 3 ans pour me reconstruire.
J?ai été une enfant précoce, et j'aurais tout donné pour ne jamais l?avoir été. Je me demande constamment pourquoi moi ? Pourquoi moi je n?ai pas pu être heureuse avec mon don ? Je culpabilise de n?avoir pas réussi à être heureuse. Je culpabilise de ne pas utiliser mes capacités, et d?être heureuse à l?idée de faire un métier qui n?est pas prestigieux aux yeux de la société. Parfois j?ai honte, j?ai l?impression de gâcher mes capacités, des capacités que beaucoup auraient aimé avoir. Et je n?en parle pas. Personne ne me comprend. On me répond toujours « tu ne vois pas la chance que tu as ? ». Mais moi, je voulais juste être normale.
Maintenant, j?ai 23 ans. Je commence enfin à arrêter de culpabiliser. Parfois j?y pense encore, mais c?est moins douloureux. Mon copain m'a pas mal aidé à l'assumer. Quand il parle de la manière dont j'ai eu mon bac (avec mention alors que j'ai loupé 1/3 de l'année scolaire suite à de la phobie scolaire), et que je vois à quel point il est fier de moi, je me dis que j'ai pas à avoir honte de ce que je suis. Après j'en parle très peu, j'ai toujours peur qu'on pense que je me sens supérieure aux autres.
Sinon, pour ce qui est des professeurs, je pense surtout que c'est un problème de formation, moi ils n'ont jamais été méchants avec moi, mais on eu des réactions plutôt inadaptés, mais c'était parce qu'ils ne savaient pas comment réagir.
Désolée pour le pavé !