Il y a plusieurs profs d'EPS passionnés dans ma famille et j'ai eu plusieurs profs pas mal au lycée, mais je trouve qu'il y a aussi pas mal de problèmes dans l'organisation de la discipline.
Je suis passée partiellement par la filière STAPS (qui forme massivement les futurs profs d'EPS) à la fac (en Master, parce que c'était en lien avec ma discipline qui n'était pas STAPS) et on étudiait le profil des profs de sport. Il y avait un truc qui m'avait marqué et qui recoupait pas mal mes propres observations, c'était que (à l'époque en tout cas), les femmes qui se retrouvaient en STAPS avaient tendance à adopter le point de vue "masculin" dominant, à vouloir se distinguer des autres femmes et donc à mépriser les jeunes filles "trop timorée" et "pas sportive". La culture de la filière STAPS avait des aspects géniaux et d'autres discutables, et c'est intéressant de les observer quand on sait que c'est là d'où viennent la majorité des profs de sport de l'école. Or, de mon côté, les profs qui m'ont donné le plus l'impression d'avoir du dédain pour moi pendant ma scolarité, c'était des femmes.
- En 6e, je me faisais harceler donc j'avais tendance à essayer de me faire la plus petite possible, et du coup ma prof d'EPS ne me supportait pas. A un des trimestres, on avait judo et la prof a soudainement décidé de me faire combattre une de mes harceleuses, qui était une redoublante et donc bien plus grande que moi et plus massive que moi, j'étais 90% sûre que la prof l'avait pas choisie au hasard, parce que cette meuf en plus arrêtait pas de se foutre de ma gueule ouvertement donc la prof avait bien dû le remarquer. Bref, j'avais vraiment l'impression de partir au casse-pipe sur le tapis a devoir lutté avec une nana baraque qui me déteste, mais ça a finalement bien tourné car au final, j'ai toujours eu une musculature assez puissante donc je me suis pas spécialement fait démonter par ma harceleuse et j'ai même senti qu'elle me respectait beaucoup plus après ça, parce que je lui avais super bien tenu tête. Mais clairement, ça m'a marquée que la prof nous fasse combattre toutes les deux avec tous les élèves en cercle qui nous regardaient. Franchement, quand j'y repense, c'est un peu n'importe quoi
- J'avais aussi un niveau très avancé en natation que je pratiquais depuis la maternelle en club, j'étais vraiment super bonne, mais le seul truc où j'étais pas terrible, c'était que j'avais un peu peur au plongeon donc en général, je sautais en piquet ou alors je faisais pas bien mon plongeon, je me courbais trop et je me retrouvais à faire un salto
. La prof d'EPS (une femme encore) a décidé que je ne savais pas nager après m'avoir fait passer des tests. Je ne sais vraiment pas du tout pourquoi car c'était vraiment totalement objectif de dire que j'étais dans le top 3 des meilleurs nageurs de la classe! J'ai présumé que c'était peut-être à cause de mon plongeon, mais son choix de groupe était vraiment radical. Elle m'avait envoyée avec les élèves qui ne savaient pas DU TOUT nager et on restait dans le petit bassin à faire LE PETIT TRAIN. Je ne sais pas si cet exercice à un sens pour quelqu'un qui ne sait pas nager car même quand j'ai appris à nager, je ne me souviens pas avoir fait le petit train dans le petit bassin, mais en gros, on se tenait les uns les autres par les épaules et on devait avancer en sautillant dans le bassin, en mode "la chenille qui redémarre" pendant la moitié du cours. On avait déjà 12 ou 13 ans, c'était pas en première section de Maternelle... et personnellement, je trouvais la situation extrêmement humiliante. Surtout que ma meilleure amie, avec qui je partais souvent en vacances à la mer et qui était pas du tout à l'aise dans l'eau, à qui j'avais appris pas mal de trucs pour nager dans la mer, et qui n'avait vraiment pas un niveau ouf (genre elle savait nager la brasse et savait à peu près quels mouvements il faut pour le crawl mais ne s'y hasardais pas, alors que moi je maitrisais les 4 nages) bah elle était dans le groupe des nageurs avancés, preuve que le niveau avancé aurait pas dû être inaccessible pour moi!
J'ai eu cette prof d'EPS plusieurs fois dans ma scolarité, et je ne pense pas qu'elle me détestait, mais je pense qu'elle avait une opinion sur les "filles timorées irrécupérables" et que je lui inspirais ça. Parce que franchement, la natation ça a vraiment été de loin mon meilleur sport dans toute ma vie, et j'étais déjà très bonne à l'époque, je ne comprends pas du tout comment quelqu'un dont enseigner les pratiques sportives est la profession pouvait ne pas voir que mon niveau était supérieur à la moyenne et carrément penser que j'étais incapable de nager (surtout que les tests que j'avais dû passer bah... il fallait faire des longueurs en brasse et en crawl et j'avais évidemment pas coulé ou fait le petit chien, donc c'était impossible de se dire que je n'avais jamais appris à nager!).
Après, au lycée, j'ai commencé à plus apprécier le sport. Je trouvais que les profs tenaient plus compte de nos avis, nous témoignaient plus de respect et semblaient moins nous voir comme des incapables si on ne performait pas dans un sport.
Et puis aussi, un point important je trouve parce qu'on blâme beaucoup les profs mais la différence entre collège et lycée, c'est que les mecs avaient tendance à monopoliser le sport au collège et à bousculer les filles moins douées ou à les exclure, et ça se ressentait dans les cours (au volley, ils nous poussaient pour récupérer le ballon par exemple et dans les sports d'équipe, ils nous hurlaient dessus facilement - du coup, on était pas très investies car on se sentait pas bienvenues) alors qu'ils étaient beaucoup plus inclusifs au lycée.
Je me souviens que j'avais beaucoup aimé notre semestre foot en Seconde alors que j'étais incapable de viser la balle correctement quand j'essayais de shooter dedans
Mais j'avais découvert le plaisir de courir derrière le ballon et les adversaires, et de défendre son équipe sur un terrain de vraie taille, et même si j'étais incapable de récupérer le ballon, je me sentais beaucoup plus appartenir à l'équipe, comme si les mecs bons en foot acceptaient que mon job c'était juste de gêner l'adversaire en lui courant dessus et que nos compétences étaient complémentaires : bref chacun faisait à la hauteur de ses possibilités. Les mecs étaient beaucoup plus relax et tolérants à 15-16 ans si on ne choppait pas la balle au bon moment qu'à 13 ans.
Sinon, j'ai fait une large diversité de sports du primaire au lycée grâce à l'EPS et ça pour moi, c'est vraiment un point positif. Je regrette simplement que l'esprit des cours aient plus semblé être centré autour de valoriser ceux qui "se bougent" et "réussissent" que nous initier vraiment à la discipline. Par exemple, en mobilisant les bons pratiquants pour aider les novices à comprendre le sport (au collège, les bons pratiquants avaient plutôt tendance à bloquer les novices pour ne pas perdre si yavait une équipe). Et je regrette aussi que les élèves aient été bousculés plus que rassurés face à des sports stressants. Par exemple, moi qui suis avancée et natation et qui n'aimait mon corps des masses, j'aimais malgré tout les sessions piscine du collège : preuve que si on se sent à l'aise avec l'idée de nager et l'environnement piscine, les complexes et malaises adolescents peuvent devenir secondaires dans l'approche du cours. Mais il faut que les adultes encadrants le comprennent et agissent avec délicatesse plutôt que de secouer trop fort les élèves réticents.
Bref, pour moi au-delà des profs d'EPS qui sont beaucoup critiqués, je trouve que la manière dont ces cours sont pensés reflètent pas mal certains courants de la culture française qui trouve normal que des adultes imposent aux enfants une certaine gestion de leur corps en leur niant une certaine autonomie en la matière et qui prônent une éducation assez autoritaire et paternaliste.