@gogo-nore :
Deux points :
Le féminisme, ce n'est en aucun cas établir un seuil de tolérance sur un plan professionnel ou sur une intelligence pour déterminer quelle femme on tolère ou non. Ce n'est pas dire à une femme, "Décarre, tu ne fais pas ce que j'attends de toi, tu n'es pas aussi intelligente que ce que je voudrais, donc je ne tolère pas ta présence dans l'espace public". Ça n'a strictement rien à voir.
J'aimerais quand même rappeler que cette "demeurée" (sic) que l'on devrait "critiquer plus sévèrement" parce qu'elle est "demeurée" et parce qu'elle "ne fait rien", la plupart d'entre nous ne la connait qu'à travers les émissions de télé-réalité.
C'est-à-dire qu'en fait, on ne la connaît pas.
Le principe de la télé-réalité, c'est quand même seulement de garder au montage les scènes qui jouent un rôle dans la narration du programme (donc, les relations entre les différents protagonistes - leurs amitiés, amours, jalousies, disputes, etc. - et celles qui sont reliées par le fil rouge de l'intrigue, qui constitue, il me semble, chez les Anges, à trouver du travail) et celles qui peuvent tirer un sourire - voire la moquerie - du téléspectateur. Et donc, voilà, on se retrouve forcément avec des lapsus, des erreurs de français, qu'elles soient de grammaire ou de vocabulaire ou de conjugaison, des erreurs en anglais, des situations qu'ils ne comprennent pas ou des choses qu'ils ignorent. Des phrases "cultasses moins pertinentes les unes que les autres" quoi. C'est un programme qui se veut être d'un certain type de divertissement, donc on ne garde que les prises sus-citées. Le propos de la télé-réalité, ce n'est pas de les voir écrire une thèse sur Louise Michel ou de lire Spinoza en V.O. hein, donc même si Nabilla ou Je ne sais qui de Je ne sais quelle téléréalité le faisait, tu ne le verrais pas.
Ce n'est qu'à travers cette caméra et ce montage qu'on connaît Nabilla et tous ces confrères de télé-réalités ; et donc, non, je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse les mépriser.
On en dit tous, des phrases cultasses, des trucs pas très pertinents, des trucs qui se veulent drôles. Sauf que dans la "vraie vie", on ne résume jamais les gens à ces petites phrases. On ne retient pas de Bidule que le fait qu'il avait mal accordé le mot "génial", de Truc qu'il ignorait que Léonard de Vinci était peintre, de Tartempion qu'il a eu une expression extraordinaire à base d'un "allô". Dans la "vraie vie", face à de "vrais gens", on accepte qu'ils sont autre chose, qu'on ne les connaît pas forcément de A à Z, qu'ils sont plus complexes que ce qu'ils paraissent, que l'image qu'ils acceptent de nous renvoyer. Mais dès qu'on aborde X ou Y qui s'est récemment illustrée dans une télé-réalité, soudainement, cette personne ne devient plus que celle qui ne sait pas accorder des adjectifs, qui est inculte, qui prononce des phrases non pertinentes.
Oui, je trouve ça prétentieux d'affirmer qu'il ne faut pas accorder le moindre crédit à quelqu'un de bête - bête selon qui, selon quoi ? - et encore plus quand on n'a en vérité aucune idée de la bêtise de la personne que l'on veut, par superbe, mépriser.
Et elle ne fait rien ? - selon quoi, selon quelles valeurs ? Explique-nous ce qu'est une vie qui mérite d'être vécue quoi. Pardonne-la d'avoir une autre conception de ce que doit être sa vie. Si elle se plaît à faire de la télé-réalité, d'avoir une tribune d'exposition telle que ce programme pour telle ou telle raison, si elle rêve de faire du mannequinat (d'après ce que j'ai cru comprendre, c'est ce qu'elle souhaitait faire non ?), et partir aux aux Etats-Unis, pourquoi devrait-on lui interdire, pourquoi devrait-on la mépriser ? Pardonne-la de vivre sa vie, pardonne-la de ne pas avoir écrit La Femme et les Mœurs ou de ne pas avoir décidé de se lancer dans la politique en arborant le drapeau noir, pardonne-la de ne pas marcher dans les pas de Louise Michel ou André Léo, ou de Carol Greider ou Hedy Lamarr, pardonne-la de ne pas être en bonne voie pour laisser son nom dans l'Histoire, pardonne-la de ne pas laisser tes propres valeurs dicter sa vie, pardonne-la de ne "rien faire", excepté vivre sa vie comme elle l'entend, selon ses propres valeurs, ses propres rêves, envies, ambitions, selon ce qu'elle est et selon qui elle est. Pardonne-lui cet horrible crime : elle ne vit pas sa vie comme tu aurais aimé qu'elle la vive, et elle n'est pas qui tu aurais aimé qu'elle soit.