Je ne trouve pas ça totalement idiot non plus. On a beau entendre crier sur tous les toits que Photoshop est partout, ça n'empêche que les images s'impriment dans le cerveau. Pour un public influençable et encore en construction, comme les pré-adolescentes, c'est extrêmement néfaste, et on confond bien vite imagerie et réalité. Pour une fois que le message de rappel à l'ordre n'est pas négatif, je ne vais pas m'en plaindre.
Par contre, écrire ce texte pour lutter contre "l'anorexie", c'est scandaleux. L'anorexie est une maladie, que je sache. Pour lutter contre le développement de pratiques alimentaires dangereuses pour la santé, oui.
Et puis, dire que les mentalités évoluent parce que Beth Ditto fait des couvertures de magazine, faut pas pousser non plus. On parle d'elle comme un OVNI. C'est une bonne caution. "Y a ques des maigres dans vos magazines!" "Ah, mais non, regardez, en mars on a fait une couverture avec Beth Ditto, et à poil en plus". Ca me fait penser aux jeunes d'origine étrangère sélectionnés pour figurer sur les affiches de campagne et les photos de partis d'extrême droite (je ne compare pas les magazines aux partis d'extrême droite). Quand on arrêtera de faire tout un foin parce qu'on voit des photos de grosses dans des magazines de mode, ce sera différent. La photo de la jolie blonde au ventre mou parue dans les pages modes du Glamour américain, le magazine s'y accroche comme à une bouée, se targant d'avoir reçu des centaines de lettres de fans, en remettant une couche dès que l'occasion se présente, moi ça m'apparaît plutôt comme un coup de marketing bien senti. Un peu comme la pub Dove d'il y a quelques années. Il y a un coup médiatique comme ça, on en parle pendant des mois, puis ça se calme et deux ans après on ressort les mêmes ficelles.
Et puis, prendre Beth Ditto comme flambeau de la révolution des mentalités, c'est un peu extrême aussi, il me semble qu'il y a également un milieu à représenter. Bien sûr, on cherche à promouvoir la diversité des corps, mais pourquoi toujours chercher dans l'extrême. Les filles qui n'ont ni des physiques de mannequin de défilés, ni la corpulence de Beth Ditto ou même le ventre de Lizzie Miller se situent où dans l'histoire, ce serait bien qu'elles puissent s'identifier à autre chose, au lieu de se dire que si elles ne sont pas comme les mannequins, elles tombent forcément dans la catégorie des rondes. Non, pour moi, tout ça va dans le même sens : imposer des modèles de référence comme balises. Le simple fait d'exhiber le modèle de l'anti-mannequin ne suffit pas à ce que les jeunes filles trouvent leurs repères. D'autant plus que les photos de filles plus rondes que la moyenne des mannequins sont souvent accompagnées de termes ramenant à la réalité, comme pour dire "vous êtes comme ça, c'est pas grave hein, vous êtes quand même jolies", ce qui n'empêchera aucune adolescente de rêver sur les silhouettes des mannequins représentantes du "rêve", de "l'idéal". Moi ça me tue parce que je ne sais pas à quoi m'identifier, et pourtant j'ai 24 ans bordel, je ne rêve plus sur les couvertures de Vogue, et ça ne m'aide franchement pas qu'on me colle sous le nez comme seule alternative des photos de filles qui font 4 tailles de plus que moi.