Mais c'est aussi parce que l'anglais a un terme non pas seulement pour chaque action, mais chaque nuance d'une action. Non pas seulement pour chaque émotion, mais pour chaque nuance d'une émotion. Bien souvent il suffit d'un mot en anglais pour décrire quelque chose qu'il vous faudrait une phrase entière pour décrire en français. De fait, il y a énormément de termes anglais qui sont tout bonnement intraduisibles en français. Par exemple, je ne saurais vraiment pas comment traduire "to bash". On pourrait dire "lyncher", mais même là c'est faire un usage dévoyé de ce que ce verbe désigne originellement. "L'action de s'en prendre violemment et répétitivement à quelqu'un" ? ça ne me convient pas trop... Vraiment, ce n'est pas évident...
Ben oui mais les nuances extrêmement précises dont tu parles, elles se développent aussi avec l'usage qu'on fait de la langue : typiquement, "to bash" ne veut pas dire
à la base (dans sa définition du dictionnaire quoi) s'en prendre violemment et répétitivement à quelqu'un, c'est seulement "frapper fort" ou "cogner quelqu'un", flanquer une raclée quoi; cette notion d'extrême violence en cascade et surtout de récurrence, elle est venue parce qu'à de nombreuses reprises, ce mot a été employé sur les Internets pour décrire le harcèlement propre à ce média qui s'y développait.... Et si dans le même temps en France, à chaque fois, on avait dit "lyncher" (qui est quand même assez costaud niveau évocation de la violence, lui aussi) au lieu de reprendre le mot "bash", eh bien "lyncher" aurait exactement la même nuance aujourd'hui
Je ne sais plus quelle Madz en parlait ici, mais la substitution n'est pas toujours la meilleure solution, surtout quand ça s'applique pour un concept qui n'est pas vraiment propre à une autre culture et donc une autre langue (typiquement, traduire "Beijing" en "Pékin", je trouve ça débile, il n'y a pas "d'équivalent" dans notre langue, respectons la langue d'origine; mais ici en l'occurrence, cette notion n'est depuis le début pas plus propre à la culture anglo-saxonne qu'à la nôtre, et je trouve dommage qu'on n'ait pas fait l'effort systématique de le traduire dès le début).
Sinon pour le sujet premier de l'article... En fait je suis un peu perplexe à le lecture de plusieurs commentaires : je n'ai vu nulle part dans l'article une défense extrême de cette youtubeuse (que je n'ai jamais regardée, je n'ai donc pas d'avis sur la question), il est même mentionné plusieurs fois que oui, elle s'y est mal pris et a commis plusieurs erreurs. C'est un article sur le harcèlement, et le contexte ne change rien au fait que ça reste une attitude abjecte et extrêmement violente. Dans un article sur le harcèlement d'une gamine à l'école, je ne pense pas qu'on aurait autant de "en même temps, elle n'est pas non plus un ange hein, il faut dire qu'elle les provoque un peu avec ses manières nunuches et les bêtises qu'elle dit quand elle parle, la façon dont elle se prend au sérieux" (je ne dis pas que c'est texto ce qui a été dit ici, hein; mais ça tourne globalement autour de cette idée).
Cette personne fait des erreurs, ça a été dit et redit. La question n'est pas de savoir si oui ou non elle est parfaite (puisque d'ailleurs on y a déjà répondu : non elle ne l'est pas) et mérite d'être critiquée, c'est de savoir si elle mérite d'être harcelée de la sorte non seulement par des anonymes, mais également par des journalistes, qui non seulement jouissent d'une certaine aura et d'une certaine influence sur leur public (et vont donc fortement contribuer à répandre ce phénomène de haine), mais qui en plus représentent "l'establishment" des médias et ont donc, pour beaucoup, une vraie crédibilité qui légitime leurs propos, aussi violents soit-ils.
Cet article n'a pas pour but de dire "bouh, arrêtez d'être méchant, c'est méchant d'être méchant", il interroge un système qui est prêt à tirer avec acharnement sur tout ce qui bouge (surtout si ça possède un vagin et une certaine notoriété) tout en commentant avec une voix/plume grave et solennelle les terribles dérives de notre époque où le harcèlement guette tout le monde, derrière les tables de classe comme les open space, ohlalalala pfiou heureusement qu'on vous met en garde hein, il y a vraiment des gens mauvais parmi nous. Quand en plus une bonne partie de ces mêmes personnes se paye le luxe de faire des bourdes largement aussi graves, voire plus si on considère leur fameux statut de "journaliste légitime", oui, ça mérite vraiment un article qui dénonce le problème (même si c'est un "article de plus" et que Libé, Slate ou je ne sais qui d'autre encore en ont sûrement déjà fait aussi; le harcèlement se fonde sur la récurrence des insultes, ceux qui le combattent ont intérêt multiplier les discours s'ils veulent se faire entendre au milieu de tout ça.) Et celles qui trouvent que la réflexion devrait aller plus loin, questionner les vraies raisons de cette haine ou approfondir la question des devoirs/responsabilités du journalisme et ceux des youtubeurs par exemple, ont raison; mais d'une part, c'est aussi à ça que servent les commentaires ici, à faire avancer le débat, et d'autre part je pense qu'on peut aussi faire confiance à
@Clemence Bodoc pour que ce sujet ne passe pas à la trappe et qu'un ou plusieurs articles suivent peut-être sur cette lancée (pas seulement sur le sort d'EnjoyPhenix, mais sur le sujet du harcèlement médiatique et de la violence qu'il représente, violence qui paraît être niée par une immense majorité parce que "après tout elle a cherché à s'exposer, voilà ce qui arrive", "c'est bon, c'était pour rigoler, faut se détendre, nous on est juste des humoristes hein" ou encore "elle n'a pas sa place ici, c'est pas du harcèlement c'est juste qu'il faut lui remettre les yeux en face des trous").
(et comme d'habitude j'ai écrit un pavé là où je comptais mettre seulement quelques lignes. Damned
)