Je suis sans voix depuis 2 jours, j'ai envie de pleurer.
C'était un vendredi comme les autres, je suis allée en cours. En sortant, comme tous les vendredi soirs, les gens de ma promo proposent d'aller en terrasse ou chez l'un d'entre nous, comme d'habitude, "vers Bastille ou République ?".
Au final, ça sera chez l'un de nous, vers République.
Moi je suis trop fatiguée par ma semaine, "on est trop sortis !" je réplique. Ce soir, je me passerai de bières fraiches, je me passerai de rigolades, je me passerai de danser. "La flemme", comme j'ai dit. Je rentre, bien loin de mon université à Jussieu, bien loin du 11ème où je sors le soir. Oui, ce soir j'ai besoin de calme, je rentre dans l'ouest parisien. Je mange, je geek, un vendredi soir plutôt calme, au final.
Et puis tout bascule vers 22h. Mes amis qui m'écrivent un par un : "Ne bouge pas de chez toi, y'a des fusillades, on entend des coups de feu". Tout de suite des réflexes : Ecrire à tout le monde, vérifier que les gens vont bien, ma maman qui m'appelle, la rassurer "je suis chez moi ce soir".
Et puis le lendemain, vouloir rentrer en Banlieue chez ma maman, besoin de soutien, de ne pas rester seule dans mon studio. Mais la peur, glaçante. Pas les transports, surtout pas les transports. On vient me chercher en voiture, j'observe toujours tout autour de moi. Paranoïa.
Réunion de famille, avec les oncles, les tantes, les cousins et cousines. Ils ne comprennent pas la peur. Les cousins et cousines sont jeunes, vivent en banlieue, ils ne sortent pas sur Paris. Les oncles et tantes encore moins. Bien sûr, ils sont choqués, mais ils ne comprennent pas ma peur. Ils ne comprennent pas à quelle point toute la jeunesse parisienne était proche de cette horreur.
Si, il y en a 2. Ma cousine, qui était à Montparnasse et qui est partie en catastrophe se réfugier en banlieue. Et puis ma soeur. Ma soeur fan de concerts, ma soeur fan de sport, de rock, de skatebord, ma soeur grande fêtarde devant l'éternel, ma soeur fan de vie. Ma soeur dont les amis lui avaient proposé la veille "Tu viens au Bataclan demain ?". Ma soeur qui pour une fois a fait comme moi. "Non, j'aime pas trop ce groupe, je vais regarder le match tranquille".
Moi ce soir là j'ai vu des images glaçantes à la télé. Mes amis eux, ont vu des draps sur des corps par la fenêtre.