Depuis vendredi, ils s'en sont passés des choses dans ma tête.
Tellement que j'ai besoin de les faire sortir.
Je ne savais pas où, je me dis qu'ici ce n'est pas une mauvaise idée.
Vendredi soir, j'étais chez moi.
Je regardais ma série, et j'étais même prête à aller me coucher sans avoir eu vent des événements.
Mais une amie m'en a parlé, et là impossible d'aller dormir.
Chaîne d'info en continue, actualisation du fil de Facebook, envoie de messages à mes proches.
Je suis née à Paris, j'ai grandi à Paris, et je vis toujours à Paris.
J'ai donc plein d'amis qui étaient dans la quartier de République ce soir là. Tout le monde était sain et sauf heureusement.
En ayant vu des gens en sang, et en ayant passé la soirée enfermée dans un bar, mais en vie.
Mais j'ai des amis d'amis qui n'ont pas eu cette chance.
D'autres ont survécus, mais sont psychologiquement au plus bas après avoir vu de telles atrocités.
Après une mauvaise nuit, je passe mon samedi à voir défiler les photos des personnes encore recherchées, à lire des témoignages tous plus affreux les uns que les autres.
Je vois de la colère, je vois de la solidarité, je vois de l'amour, beaucoup d'amour.
Ça me rassure un peu.
Alors aujourd'hui, je vais tenir bon.
J'ai promis de maintenir la soirée que j'avais prévu d'organiser à un ami qui a perdu un proche, et qui a besoin de se changer les idées.
Alors le soir venu, on discute, on boit, on rit même. De tout et de rien.
On parle brièvement des événements, mais on passe rapidement à autre chose, parce qu'on ne veut pas être tristes.
Dimanche arrive, et là je m'effondre.
Des témoignages, encore et encore.
Chacun rend hommage à ceux qu'il a perdu. On met des noms et des vies sur le nombre de morts, et ça fait encore plus mal.
Ça fait mal parce que ce sont des gens qui n'ont rien demandé, qui semblaient tous être des sains, et qu'ils sont proches de nous.
Plus je me sens proche d'une victime, et plus j'ai mal.
Je n'arrive plus à arrêter mes larmes.
Et en même temps, je m'en veux.
Je m'en veux qu'il faille que je me sente proche des victimes pour être plus attristée.
Je m'en veux qu'il faille des événements aussi tragiques en France, pour me faire réaliser que ces barbares perpétuent leur atrocités dans le monde entier alors que d'autres subissent leurs attaques quotidiennement.
Je m'en veux que le nombre de kilomètres qui nous séparent d'un drame atténue la douleur.
Mais il faut continuer à vivre, il faut continuer à faire la fête. Ils ne gagneront pas.
C'est ce que tout le monde dit, et je sais qu'ils n'ont pas totalement tort.
Mais dans ma tête, impossible de me calmer.
Continuer à vivre, continuer à ignorer ce qu'il se passe ailleurs ?
Est-ce qu'il faut pleurer tous les jours, parce que ces salauds ne nous laissent pas un jour de répit ?
Ça ne me semble pas une bonne idée non plus.
Mais je ne vois pas comment faire.
Je me sens impuissante.
Je ne sais pas ce que je peux faire pour les arrêter.
Mais je ne veux pas être anesthésiée à la douleur et aux horreurs.
Depuis, j'ai arrêté de pleurer, mais je n'ai pas réussi à calmer ce sentiment étrange.
J'essaie de comprendre ce qui motive ces barbares, mais je n'y arrive pas.
Je ne comprends pas comment on peut en arriver là.
Le monde dans lequel on vit me désespère, et je me sens impuissante pour le rendre meilleur.
Alors je n'arrive toujours pas à savoir si je dois rire ou pleurer.
PS: Désolée pour ce long message.
J'ai besoin de sortir tout ça de ma tête, même si je n'arrive pas à mettre les mots dessus.