Juste pour rajouter sur les visées éducatives de Sarkozy, un petit exemple de ce qu'il appelle, tout de même, un "projet de civilisation" :
Extrait du journal 20 minutes du 17 avril 2007 :
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Vous vous fixez comme objectif de ne laisser aucun enfant sortir du système scolaire sans qualifications. Comment comptez-vous parvenir à cet objectif ?
Par exemple dans les universités, chacun choisira sa filière, mais l'Etat n'est pas obligé de financer les filières qui conduisent au chômage. L'Etat financera davantage de places dans les filières qui proposent des emplois, que dans des filières où on a 5000 étudiants pour 250 places.
Si je veux faire littérature ancienne, je devrais financer mes études ?
Vous avez le droit de faire littérature ancienne, mais le contribuable n'a pas forcément à payer vos études de littérature ancienne si au bout il y a 1000 étudiants pour deux places. Les universités auront davantage d'argent pour créer des filières dans l'informatique, dans les mathématiques, dans les sciences économiques. Le plaisir de la connaissance est formidable mais l'Etat doit se préoccuper d'abord de la réussite professionnelle des jeunes."
Derrière ces propos, à mettre en relation avec d'autres propos à
Philosophie magzine (sur le gène du suicide et de la pédophilie), par exemple, je ne peux pas m'empêcher de lire, non sans effroi, l'abandon presque assumé d'une culture humaniste (qui n'intègre pas que la littérature ancienne, mais aussi l'histoire, l'art, les sciences humaines), qui ne devient qu'un "vernis" de respectabilité supplémentaire mais plus une référence intellectuelle fondamentale. Voilà, je pense, l'effet pervers d'une nouvelle génération de politiques qui n'ont plus la formation des Enarques d'antan (qui avaient, j'en conviens, d'autres travers) et qui manquent cruellement de culture, et aussi de culture politique.
Dans ses discours, Sarkozy mélange les références, réinterprète à sa sauce l'histoire de la gauche (Jaurès vs mai 6
. La semaine dernière sur France 2, il a tenu un discours dans la lignée des grands populistes (qu'il doit mal connaître) en affirmant parler au peuple et non à l'élite intellectuelle et journaliste, faire fi des réactions de "certains milieux" à ses déclarations les plus contestables... Où est la réflexion de fond ? Où est le projet de civilisation ? C'est une façon de diviser les Français en parlant à une "France d'en bas" bêtement fantasmée et en méprisant ceux dont la voix me parait nécessaire pour éclairer, informer au-delà de la lettre des discours politiques. Si on n'analyse plus, si on ne critique plus le discours et les valeurs de ceux qui prétendent diriger la nation, où va-t-on ?
Quant à l'idée d'une fusion des ministères de l'éducation et de la culture, c'est pour moi une erreur monumentale qui ne peut que réduire encore les budgets de l'un et de l'autre, et partant leurs fonctionnaires. Et selon moi, l'éducation est un enjeu fondamental. Je ne comprends pas pourquoi est tellement absent le terme de
prévention dans le programme de Sarkozy, une prévention qui passe par une éducation plus efficace, qui puisse structurer au lieu de déboussoler, avant de parler d'excellence (d'ailleurs, lui-même a été tout sauf un brillant étudiant).
Quant à la culture, je suis moi aussi étudiante en art. Plus encore que ses prédécesseurs, qui avaient le mérite d'avoir des intérêts artistiques assez précis (Chirac pour les "arts premiers", et surtout Pompidou pour l'art contemporain), je crois que Sarkozy voit la culture comme un vernis supplémentaire mais non indispensable. Alors pourquoi ne pas se contenter de dire que la culture doit davantage passer à la télé, dans ce cas ?
Je reconnais ne pas être très claire sur ce point, mais je suis vraiment inquiète pour un monde qui, décidément, n'est pas à la mode.
Je terminerai en disant que, pour moi, Sarkozy n'est vraiment, vraiment pas n'importe quel candidat de droite. Sinon, je ne me sentirais pas aussi menacée. Je ne me vois pas de place dans la société qu'il propose. Il incarne une droite "décomplexée" comme il le dit lui-même, qui n'hésite plus à affirmer ses idées les plus conservatrices et les plus nauséabondes. Je n'arrive pas à comprendre comment il rallie autant à droite. D'ailleurs, franchement, comment peut-on voir en Sarkozy le candidat de la rupture quand on voit que son électorat est le plus conservateur qui soit, issu des populations les plus âgées, faisant des scores ébouriffants dans les arrondissements les plus chers de Paris (64% dans le XVIe) où les gens ne sont pas réputés pour méditer un grand bouleversement social.
Pardonnez-moi, ahem, je m'emporte...