À mon conseiller d'orientation du lycée : Vous savez le métier que j'envisageais de faire, le seul qui me bottait vraiment ? Vous m'aviez dit qu'il n'existait plus, qu'on avait la technique pour remplacer les hommes à ces postes de nos jours. Je viens de décrocher un CDI. On va me payer pour faire ce que des logiciels savent faire. Et je ne suis pas un putain de robot. Comme quoi, l'informatique n'est pas encore si perfectionné. Même sept ans après notre petite discussion.
À lui : Je t'en veux de ne pas m'aimer. De ne plus jamais vouloir aimer quiconque. Je ne te l'avouerai jamais par fierté, mais tu n'es qu'un con de ne pas m'aimer, et en même temps tu as la décence de ne pas le faire car tu sais bien que c'est un traquenard d'être amoureux de moi. Un jour, quand les blessures que tu as ouvertes avec ton ex seront fermées, tu aimeras à nouveau. Mais ce ne sera plus moi. Je crève de jalousie par avance. Car je mérite que toi spécialement, tu m'aimes. J'ai l'impression de prendre soin de toi, d'être douce, aimable, aimante, malgré mon piteux état. Et sans me forcer. Mais en retour, je n'ai qu'une sincère affection et de l'attention. Je veux tout ou rien, je hais les entre-deux, et je te mens en affirmant que la situation actuelle me convient.
À mon psychiatre : Tes médocs, c'est de la merde en barre, doc. Ils n'apaisent pas mes angoisses, ils ne régulent pas mon humeur, ils n'atténuent pas ma fatigue, ils ne me donnent pas le goût de vivre, ils ne m'aident pas à avancer sur des bases plus solides. Alors que je les prends soigneusement chaque putain de jour. Et chaque putain de jour, je me réveille tremblante, le corps endolori, l'envie de gerber au bord des lèvres, le crâne compressé, les yeux lourds, les jambes pesant une tonne. Donc commence à m'écouter et arrête de me prendre pour une petite conne pleurnicharde. Et donne-moi de la dopamine, de la coke, de la méthadone ou je ne sais pas. Mais les vitamines C, la caféine et les cures d'ampoules de fruits sont aussi efficaces que l'eau du robinet. Réveillez-moi.
À ma mère : Je ne vais pas mieux, même si je m'échine à te faire croire le contraire. Et comme il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, tu tombes dans le panneau. La rentrée approche et toute cette merde n'est pas derrière moi. Je ne bouffe plus quatre jours d'affilée, tombe dans les pommes et dépense des sommes farineuses dans la mal bouffe, gras et sucreries à m'en faire péter la panse. J'ai mal aux dents, j'ai mal au ventre, je suis grosse et faible, physiquement et moralement. Si je transporte quatre bouteilles d'un litre dans un sac sur 200 mètres, j'ai des vives douleurs dans les bras pendant trois jours. Tu ne voudrais pas venir chez moi et être à mes petits soins ? Me préparer de bons repas, m'obliger à me coucher de bonne heure, éduquer mon putain de chat que j'aime si fort mais qui sait être franchement pénible. Je t'aime fort ma maman, j'aimerais tellement redevenir ta petite fille modèle. Mais la faille s'est creusée en gouffre, et je ne sais plus comment reboucher toute cette peine béante.
Bref, ce soir, je suis une belle connasse qui en veut à la terre entière. Ah bravo.