Franchement, j'ai du mal à savoir comment les gens qui ont créé/approuvé ce spot aient pu imaginer que ça passerait comme un truc crochoupi et romantique (surtout avec toutes les dénonciations de ce genre de comportements qu'on a ces temps-ci, entre #balancetonporc, #meetoo, l'affaire Weinstein, le délit d'outrage sexiste qui est enfin reconnu et les premières condamnations qui tombent, etc.)
Sincèrement, je trouve que TOUT dans la pub a l'air fait pour qu'on trouve le mec creepy, tellement tout qu'à la fin j'ai juste pas comprit comment la situation avait pu se retourner d'un coup, comme ça sans prévenir.
(Edit : J'en profite pour te poker
@Kloe.rocK parce que j'étais pas du tout d'accord avec ton message minimisant le comportement creepy et abusé du gars. Je le place en edit parce que je suis désolée mais j'ai remarqué ton post qu'après avoir finit d'écrire le mien
Cependant je pense avoir pas trop mal détaillé la manière dont le comportement de notre personnage principal est absolument pas innocent, bien au contraire.
Et pour ce qui est de "C'est juste une pub" : je m'excuse encore mais là je suis pas d'accord non plus. La société et les médias s'influencent mutuellement, si la société progresse alors les représentations médiatiques progresseront et si les représentations médiatiques progressent, alors la société progressera.
Rien n'est
"juste une pub", "juste un film", "juste un sketch". Qu'on le veuille ou non il y a toujours un message qui découle de ces productions et
il est important car il a une portée. En effet, des gens vont le recevoir, l'intégrer. Ce n'est certes pas l'équivalent en matière de visibilité médiatique qu'une grosse production hollywoodienne mais il est quand même fait pour être vu ce spot c'est pas le projet d'arts plastiques de la 6èmeB qui va être accroché dans le hall du collège. )
Lors du premier échange de regard, Jean-Pathé la fixe de manière assez longue, en se retournant sur son siège (donc concrètement, en essayant même pas de se faire discret, ce qui donne l'impression implicite qu'au fond il s'en fout un peu de son ressenti à elle) ce qui a l'air malaisant pour la jeune femme (elle ne sourit pas, le fuit du regard).
Lors de la deuxième rencontre, on voit qu'il se rend au cinéma,
l'attend dans le hall, et regarde par dessus son épaule dans la file pour essayer de savoir quelle film elle a prit afin de se retrouver dans la même salle qu'elle "comme par hasard". On voit qu'en arrivant dans la salle,
il se rapproche d'elle : la première fois il était un rang en dessous d'elle avec environ trois-quatre sièges entre eux, et là il vient se mettre à deux sièges de distance, ce qui est assez peu compte tenu du fait qu'il reste encore plein d'autres places (je sais pas vous, mais moi je me serais dirigée vers l'une des autres places en question je pense).
Là, en regardant la pub, naïvement je me suis dit "
Ah, ben il a pas eu vraiment le temps/courage de l'aborder la première fois, du coup s'il se rapproche c'est surement qu'il va essayer de nouer le contact avec elle et peut-être même s'excuser d'avoir été flippant la première fois je sais pas".
Ben non. Il se contente de la fixer pendant tout le film, alors qu'il a très bien vu qu'elle était mal à l'aise vis-à-vis des regards qu'il lui lançait (encore une fois, elle ne sourit pas, détourne le regard, c'est plutôt explicite) mais il s'en bat les couilles. Le pire, c'est que je trouve que les dialogues du film qui passe renforcent ce côté creepy. Ça me rappelle ces
mecs nice guys qui flashent sur une femme parce qu'ils aiment son physique mais qui essaient de se persuader que c'est une romance hyper profonde qui commence ou un coup de foudre amoureux, parce que eux, "c'est pas des connards qui veulent juste baiser tu vois".
Le dialogue en question :
Voix masculine : J'ai l'impression de savoir qui tu es. Tu es un vrai ange. [Pendant ce temps, notre protagoniste fixe la femme]
Voix féminine : Tu ne sais pas encore qui je suis. [Là, la fille se tourne vers le mec -parce que soyons honnêtes : avoir la personne qui est assise à côté de toi qui te fixe en permanence ça doit se remarquer un peu- et lui détourne le regard]
Là, on a un cut rapide à la fin de la séance où le mec se rend compte que sa
dulcinée victime est partie (probablement précipitamment, on se demande bien pourquoi
) mais il part la chercher dans/devant le cinéma comme s'il avait voulu la poursuivre. Pourquoi pas hein.
La séance suivante, Bichounet tombe de haut : il découvre que l'élue de son cœur a... UNE VIE SOCIALE (contrairement à lui qui visiblement kiffe aller tout seul au cinéma payer dix balles l'entrée pour des films qu'il avait pas spécialement envie de voir juste pour fixer une inconnue avec des yeux de merlan frit pendant 1h30). Si, si, elle a une vie sociale avec des amis et peut-être même (attention c'est le drame) : un copain.
Et là, c'est le moment où vraiment Jean-Pathé m'est VRAIMENT sorti par les trous de nez. On voit qu'il est vraiment
choqué de la voir arriver en étant pas seule. On dirait que l'idée qu'elle puisse avoir des amis, voir une relation amoureuse ne lui a même pas effleuré l'esprit. Un peu comme s'il s'imaginait que, comme lui, elle venait au cinéma pour le voir.
Moi à ce moment là, j'ai prit ça comme un message explicite faisant comprendre que la fille était 1) pas intéressée et que 2) le gars était flippant. Honnêtement on est combien a avoir connu ça ? Devoir ramener des potes avec soi dans un endroit en particulier parce qu'un type qui nous fait flipper y vient, ne veut pas nous lâcher la grappe et qu'on ose plus y aller seule ?
Mais cela n'empêche pas Patou, visiblement "un poil"
masochiste têtu obsessionnel avec cette pauvre jeune femme, de quand même aller à la même séance qu'elle, pour la regarder poser la tête sur l'épaule de celui que l'on présume être son copain, et faire une espèce de baston de regard avec ce dernier
.
Là encore, les dialogues qui passent en fond sont importants pour nous montrer à quel point notre personnage principal est un sombre connard :
Voix en fond : Regarde ce que cette fille a fait de toi ! Elle va te rendre dingue ! [Jean-Pathé se retourne (une fois encore) sur son siège pour fixer les gens derrière lui, et croise le regard du copain présumé tandis que la fille pose sa tête sur son épaule]
Donc déjà, on note que le dialogue de fond rejette la faute de la situation sur la fille (qui a rien demandé, si ce n'est de regarder ses films en paix à la base). On nous sous-entend que c'est à cause d'elle que le personnage se sent mal, quand bien même c'est lui qui s'est complètement emballé tout seul alors qu'il ne connaît même pas son prénom.
Bien-sûr, on nous montre le point de vue de Jean-Pathé, et c'est sensé représenter ce qu'il pense à ce moment là donc c'est pas sensé faire preuve d'objectivité ou de raison, mais selon moi cela n'excuse rien quand on voit qu'à la fin il a gain de cause sans avoir aucune remise en question au sujet de son comportement. On continue sur de la vomiture :
Voix de fond : T'as baisé ma femme ?!
Là, on voit notre personnage lancer un regard hargneux au copain de sa victime. Ce dernier croise son regard alors qu'on entend un "
Quoi ?!" en fond, ce qui nous confirme que Jean-Pathé est bien le personnage avec qui associer la réplique précédente. D'ailleurs, on ré-entend cette réplique encore une fois et le doute n'est plus possible : il est réellement en train de faire un regard pseudo dominateur/jaloux au copain d'une meuf qu'il ne connait absolument pas. Tu m'as l'air tout à fait sain d'esprit Jean-Pat, je comprends pas du tout pourquoi elle ne s'est pas encore jetée dans tes bras
(Petite note au passage : Mais y'a qu'à moi que cette scène fait totalement penser aux délires des Incels avec le pôvre piti Incel qui peut pas pécho cette pétasse de Stacy parce qu'elle préfère rester avec une saleté de Chad qui est avec elle que pour le cul alors que l'Incel est tellement gentil et qu'il la traiterait si bien ? Parce que selon moi on est totalement dedans là)
Après on revoit notre petit Patoche en grande crise existentielle/dépression devant Forrest Gump après avoir vécu une rupture amoureuse atroce avec une femme qui ne lui a jamais parlé. Cependant, ça n'empêche pas notre petit stalkerounet en herbe de QUAND MÊME continuer à suivre cette pauvre fille dans ses séances. Sauf que là, d'un coup, on sait pas pourquoi mais le revirement de comportement de la jeune femme est total : elle a l'air à l'aise avec la présence constante de Jean-Pathé dans son dos, pendant ses films, elle sourit même. Et là, paf : elle l'invite à s'asseoir sur le siège à côté d'elle, le Graal de Patou. Et sur quelle phrase on clôture tout ça ? :
Leïa : Je t'aime !
Han Solo : Je sais.
Voilà. La meuf elle aime Patou, et Patou il le sait. Happy end.
Franchement, pour moi le message de cette pub (et de beaucoup de comédies romantiques qui contiennent ce cliché) est super néfaste. J'avais traduit un article d'EverydayFeminism qui parlait de ces stéréotypes très nocifs qui dédramatisent/romantisent le stalking sur la VPS ou l'ECMF, mais j'arrive pas à le retrouver malheureusement. Cependant, si ça vous intéresse, voici le lien vers l'article (en anglais) :
Comment les comédies romantiques et les médias apprennent-ils aux gens que stalker c'est ok si c'est au nom de l'amour ?
Je vous en cite un passage qui illustre assez bien ce qui est problématique dans ce spot (et ce que j'ai ressenti pendant le visionnage) :
"Quand un garçon continue de courir après une fille qui l'a rejeté, nous sommes sensés voir cela comme charmant et avoir de l'empathie pour le personnage masculin. La fille, elle, est dépeinte comme snob ou inconsicente si elle ignore ses avances. La logique du "Nice Guy" est clairement en oeuvre ici. Le garçon mérite la fille simplement car il l'aime et qu'il essaie de la séduire, peu importe ce qu'elle ressent."
[Edit : Orthographe]