@Elliana : Je suis sincèrement désolée que certains de mes messages aient pu te heurter, ce n'était vraiment pas le but et évidemment pas dirigé contre toi - ou qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Comme tu l'as dit, c'est un sujet vraiment compliqué, et il touche aux sensibilités de chacun, du coup bein c'est pas toujours simple ! Je parle beaucoup avec mon cœur, et je suis super spontanée / directe, du coup je suis pas à l'abri d'une boulette et j'en suis désolée !!
J'avais besoin d’un peu de recul moi aussi et puis je rendais aussi visite à mon mari, accessoirement (pour ceux qui n’ont pas suivi, je ne suis toujours pas la madmoizelle qui a écrit l’article
).
En fait, j’ai été assez surprise (et affectée plus que je ne l’aurais cru) par certains messages de personnes qui semblent contre la peine de mort (ou alors j'ai pas compris), et qui, pourtant, à travers leurs messages, expliquent qu’une personne en prison ne devrait pas avoir droit à une vie « normale » et que chacun de ses jours derrière les barreaux devrait être misérable (en gros). Bon peut-être que je grossis le trait, mais pour moi, clairement, ça revient à une peine de mort, peut-être encore plus à petit feu que l’actuelle peine de mort actuellement pratiquée aux États-Unis.
Comme des Mad l’ont dit dans les divers messages postés, je crois que certaines personnes ne se rendent pas du tout compte de ce que c’est que d’être en prison. Mariée ou non, une personne détenue n’a PAS une vie normale. Avant janvier, mon époux était enfermé 23H/24 (officiellement) dans une cellule de 5m², qu’il n’avait évidemment pas pour lui tout seul. La surpopulation carcérale ne permet pas à l’ensemble des personnes détenues de bénéficier de cette heure de « sortie », donc c’est plutôt une heure de « sortie » un jour sur deux, ou sur trois, dans les faits. Je mets « sortie » entre guillemets, car ça se résume à mettre les deux personnes qui partagent la même cellule dehors, cad dans une cour de 35m² entourée de murs de 5/6 mètres de haut, surplombée de barbelée, et dans laquelle pour seuls « équipements » on retrouve un panier de basket (avec ou sans ballon, ça dépendra des jours), une barre pour faire des tractions et une pissotière. Voilà, voilà. Pour la petite anecdote, mon époux s’est retrouvé une fois bloqué dans la cour sans raison particulière sous un soleil de plomb, un jour où il faisait à peu près 40°, pendant 5H. A savoir aussi, on les menotte aux pieds et aux mains pour les emmener en « récréation », même punition pour le retour, et pour les douches. C’est à tel point ridicule en fait que mon mari m’a avoué ne prendre que très rarement des douches désormais, car il préfère le « confort » de l’évier de sa cellule pour se laver – et pourtant c’est un véritable « hygiene freak », mais le système mis en place pour les douches (dont la propreté est bien entendu relative) est juste à se marcher sur la tête. Il doit se foutre en caleçon dans sa cellule, poser sa serviette sur son épaule, ensuite passer ses mains dans l’ouverture de la porte pour être menotté, puis attendre que l’officier ouvre la porte, il doit ensuite s’agenouiller (genoux complètement au sol) pour qu’on lui passe les menottes aux chevilles, et ensuite il peut sortir (à noter que son co-détenu doit lui aussi se faire passer les menottes aux poignets le temps de toute la procédure). Ensuite il doit marcher dans un long couloir en calbut’, puis on l’accompagne à la douche, où on le refait s’agenouiller pour le retrait des menottes de chevilles. On l’enferme, il doit à nouveau passer ses mains dans l’ouverture prévue à cet effet pour se faire retirer les menottes des poignets, puis enfin, il peut se doucher, en sachant que c’est minuté, que tu as un temps pour te mouiller, un temps pour te shampouiner, et un temps pour te rincer, avec de l’eau bien évidemment pas chaude du tout, et des durées trèèèèès limitées, je crois que le tout ne doit pas durer plus de 5 minutes. Puis, évidemment, tu te sèches vite fait et c’est rebelote pour tout le cirque des menottes, on passe ses mains dans l’ouverture de la porte pour les poignets, puis les gardiens ouvrent, puis on s’agenouille sur le sol de la douche cette fois, etc. Même cirque pour les enlever, de retour dans la cellule. Autant dire, donc, que les 23H sur 24 enfermé, c’est une vaste blague, en fait il ne devait pas voir l’extérieur de sa cellule plus d’une heure par semaine. La taille de la « fenêtre » de sa cellule, d’ailleurs, ne dépasse pas 10 cm de large sur 30 cm de hauteur (mais il a de la chance déjà d’en avoir une), et il a une vue magnifique sur… rien, parce qu’il est dans un trou pommé, sans signe de vie aux alentours. Oh, et la nourriture. Il y a peu, il a pu accéder à un régime spécial. Résultat, il m’a parlé pendant tout une lettre d’une… tomate. Oui, d’une tomate, parce que c’était la première tomate fraîche qu’il mangeait depuis 10 ans. Et tout ce que je vous raconte là, ce ne sont que des petites anecdotes de rien du tout. Je connais des personnes détenues bien plus à plaindre, qui n’ont pas accès à la télévision, à la radio, aux livres. Le mari d’une amie dans l’Utah n’a pas le droit d’avoir en sa possession plus de 25 photos. La plupart des prisons n’autorise la possession que de 10 livres maximum. Et je ne parle pas de la condition des personnes détenues dans les unités de solitary confinement, bien plus terrible, là on tombe carrément dans de la torture psychologique. Je ne rentrerai pas non plus dans les histoires de drogue, de vol, de gang, de violence, de viol qui sont monnaie courante dans les prisons américaines, et bien sûr de tout le stress que cela entraîne au quotidien, et des conséquences que cela peut avoir, sur le sommeil, le comportement, la dépression. Autre petite anecdote, il y a quelques années en arrière, dans la prison de mon époux, les officiers organisaient des combats de « gladiateurs » entre les personnes détenues, et pariaient sur le gagnant. En 2014, l’un des « gladiateurs » a perdu la vie dans un combat. La famille a été avertie des semaines plus tard, et les causes de la mort, qui ont essayé d’être dissimulées bien entendu, n’ont été dévoilées (par la presse !) que bien plus tard encore. Il y a peu, j’ai entendu parler d’un homme avec de lourds problèmes mentaux, mort des suites de brûlures au 3ème degré, après que des officiers l’aient laissé sous l’eau bouillante de sa douche pendant de longues minutes. Il n’y a pas si longtemps non plus, toujours aux États-Unis, une personne détenue est morte de… déshydratation. Aucun soin ni aide ne lui ont été apportés pendant des jours. Et comme je vous l’ai dit plus haut, ce ne sont que des petites anecdotes, mais elles en disent long sur les conditions carcérales sur place.
Après, je ne dis pas que toutes les prisons sont comme ça, heureusement c’est loin d’être le cas ! Mais la prison, c’est aussi ça. Ce n’est pas que l’enfermement, que l’éloignement des proches, que la perte d’indépendance, d’autonomie, de libre arbitre. C’est aussi des conditions bien dures, qui font qu’au quotidien, franchement, ils morflent quand même pas mal. Après, est-ce que c’est mal ou bien, ça c’est à vous de voir et je pense que le débat pourrait durer bien longtemps mais en tout cas, je pense qu’on peut s’accorder pour dire que, non, être en prison, en tout cas là-bas, ce n’est pas avoir une vie normale, qu’on soit marié ou qu’on ne le soit pas.
Dans mon cas personnel, j’ai le plus positif et optimiste des époux, qui ne se plaint jamais et qui passe son temps à rire de tout ça – hier il me racontait que des coups de feu avaient été tirés 9 fois la semaine dernière, et il se marrait comme une andouille, je pense que c’est sa façon à lui de se protéger, de prendre du recul, et parfois c’est en fait un rire plutôt nerveux. Bref, tout ça pour dire que je crois qu’on doit être puni quand on a commis un crime, et que la prison joue parfaitement son rôle punitif comme ça, pas besoin d’en rajouter en coupant la personne détenue de ses proches, ou en l’isolant davantage, bien au contraire, car je crois en la réhabilitation, et je crois aussi profondément que les personnes peuvent changer et s’améliorer (d’ailleurs j’en ai été témoin plus d’une fois dans ma vie).
Aussi je tenais à dire que ce n’est pas parce que j’ai certaines opinions sur le milieu carcéral et la condition des personnes détenues que j’occulte pour autant le côté des victimes et de leurs familles et ce qu’elles peuvent subir. Je connais des victimes, des familles de victimes, et j’en suis même une moi-même en fait (avant qu’un psy de comptoir me sorte le syndrome de Stockholm, je précise que je suis devenue victime APRÈS avoir rencontré mon époux et pas l’inverse
). C’est d’ailleurs aussi pour les victimes que je crois que l’aspect de la punition est indispensable. Après, comme cela a été dit plus haut, chaque affaire est un cas bien particulier et ne peut pas être traitée de manière automatique. Le contexte et tout un ensemble d’éléments sont à prendre en compte, on ne peut donc pas faire de grandes généralités dans ces circonstances.
Enfin, pour revenir au thème de l’article : l’amour !
Et les réactions/attitudes des proches…. parfois plutôt décevantes, faut bien le dire. Après avoir lu l’article et notamment le message de son auteure plus haut, je crois que finalement, ça tient pas tant à qui est la personne que tu aimes, mais plutôt à quel genre d’amis tu as au final. Moi ma conception de l’amitié c’est que mes amis vivent la vie qu’ils veulent, font les choix qui les rendent heureux, et qu’ils me font l’honneur de les partager avec moi. Je suis pas gâtée niveau famille, mais j’ai des amis formidables, qui m’ont dit dès le départ : « fais gaffe à ce que tu fais et dans quoi tu t’embarques » ou « je ne comprends vraiment pas pourquoi tu fais ça » ou encore « je ne serais jamais capable de faire un truc pareil » - mais qui m’ont soutenue, no matter what. Je n’ai pas besoin de leur approbation, ni de leur bénédiction, j’ai juste besoin qu’ils m’accompagnent, comme dans n’importe lequel de mes choix, qu’ils soient d’accord avec ou non, et qu’ils se réjouissent quand je suis heureuse, qu’ils m’écoutent quand je suis triste, qu’ils me conseillent quand je leur demande, qu’ils aient la politesse de prendre de mes nouvelles (et des nouvelles de mon mari dans ce cas). Ça, bien évidemment, c’est pour mes amis les plus proches. Et ça, bien évidemment, aussi, ce sont des choses que je fais en retour pour eux. Finalement tout ça c’est assez personnel, ça touche à la conception de chacun, tout comme l’amour, il y a finalement plein de sortes d’amitiés différentes. Et comme dans beaucoup de situations et de relations différentes, c’est toujours douloureux de se rendre compte qu’on était prêt à faire des choses pour l’autre que l’autre n’était pas prêt à faire en retour pour nous. Ce genre de déséquilibre, à moins qu’on en ait pleinement conscience et qu’on pose des règles tout de suite, ça peut être très destructeur… du coup c’est peut-être pas un mal parfois de faire du « tri » ! En tout cas à l’échelle de la vie, c’est peut-être un mal pour un bien, mais sur le moment, fichtre que ça fait mal, je sais bien...
Mais je sais, aussi,
@harder-faster, qu'il y aura forcément des jours plus merdiques que d'autres, mais qu’on surmontera tout ça, notamment avec l’aide de nos super époux qui sont au top, de nouvelles amitiés qui se sont tissées avec des personnes dans des situations similaires et, aussi, de jolies surprises sur notre chemin, comme certains des commentaires postés en réaction de ton article par exemple, qui font chaud au cœur.