Mais du coup, avec ces exemples-là, dont bon nombre de personnes racisées, je ne vois pas comment on peut continuer à parler de racisme ET de classisme EN PLUS du sexisme...
Je crois que je comprends d'où vient l'incompréhension : je pensais que sur ce forum la notion d'intersectionnalité était connue, mais visiblement non
C'est une notion qui postule que ça n'a pas de sens de prendre les discriminations séparément en les isolant les unes des autres : l'idée c'est pas de les additionner mais de voir en quoi plusieurs facteurs discriminants peuvent s'influencer, pour devenir quelque chose de différent niveau discrimination, dans nombre de cas.
Ainsi ça n'a pas trop de sens de comparer avec MHD, qui est noir à la peau foncée : c'est... un homme.
Par exemple dans les médias la majorité du temps les hommes très foncés de peau on les voit pas mal dans les fictions par exemple. Les femmes à la peau foncée? Non. Ca arrive timidement depuis la série Walking Dead (le personnage de Michonne) et la célébrité de Lupita Nyong'o mais c'est bien plus récent que pour les hommes (y'a qu'à comparer les persos masculins et féminins dans The Wire... je trouve ça flagrant, et pourtant c'est pas une série super mainstream non plus).
Les commentaires sur le physique des femmes noires sont pas les mêmes selon leur couleur de peau (colorisme).
Donc comparé Aya Nakamura avec les mêmes profils en théorie... mais qui sont des hommes, ça n'a pas vraiment de sens. Le racisme va pas vraiment être le même. Et le sexisme non plus, par rapport à d'autres chanteuses sur le même créneau.
Edit: l'exemple parlant pour comprendre la notion d'intersectionnalité : les discriminations à l'embauche envers les femmes noires, alors que des femmes (blanches) sont embauchées, et des noirs (hommes) sont embauchés (il y a eu une étude sur des cas en entreprise, l'exemple sort pas de nulle part, mais j'ai pas la référence sous la main ), donc... pas de possibilité de faire valoir les cas de discrimination (mais si vous voyez bien qu'on embauche des femmes! et aussi des noirs!)
Pour Jul il est d'un milieu populaire mais d'un milieu populaire qui n'évoque pas du tout du tout la même esthétique que le milieu des cités / de la banlieue (associé aux arabes et aux noirs dans l'imaginaire collectif, et qui a son propre lot de représentation, mais pas les mêmes) : esthétiquement il évoque plus le cassos (blanc) du coin (supplément cliché : cassos
marseillais) pour le non-auditeur qu'autre chose.
Et pourquoi tout ramener aux rappeurs "à texte"? En dehors du "rap intelligent", point de salut?
Ça légitime l'acharnement spécifique sur Aya Nakamura? Ou sur Jul? A croire qu'on ne peut pas passer son chemin en les laissant vendre des paquets de disques par palettes de douze. Pour être un minimum respecté il faut entrer dans les codes de la respectabilité tels que d'autres, d'autres milieux, les ont édictés visiblement.
Sur la question du rap (qui n'est pas le genre d'Aya Nakamura d'ailleurs, le R'n'B féminin a son propre lot de codes et donc aussi... de clichés méprisants), le classisme est d'ailleurs présent non pas parce qu'il n'existerait pas de "rappeurs à texte" mais justement car beaucoup de gens font la différence entre un Nekfeu et un Orelsan d'un côté et un Jul de l'autre. Et là dire que la classe sociale et ses codes n'entrent pas en jeu... au contraire ça peut le renforcer : on méprise d'autant plus les uns qu'on porte aux nues les autres, ceux qui font des trucs intelligents, eux.
La culture française est ainsi faite que le texte est placé au-dessus de tout. Ce n'est pas une question de classisme... mais de richesse du texte.
La culture française est aussi ainsi faite qu'il existe un élitisme toujours très présent, avec une condescendance très marquée envers les habitus de classe et la culture de classe des classes populaires (en plus d'une bonne dose de sexisme, on pardonne moins aux femmes).
Ce type d'affirmation définitive, lancée comme si cela ne pouvait pas être questionné (et comme les critiques envers Aya Nakamura se résumaient à ça) illustre bien je trouve ce processus de construction de ce qu'est une culture légitime et de ce qui ne l'est pas : c'est justement une des composantes du classisme, décréter ce qui est légitime / bon ou pas, et avec des critères qui *comme de par hasard* (ou pas) correspondent à la culture des élites (et il existe aussi une culture élitiste concernant le rap, qui tient à bien se démarquer du mainstream).
(Bon sinon en parlant "richesse de texte", comme si c'était là l'unique point critiqué, j'ai eu "puteuh / j'ai dis puteuh" en tête, ça me fait penser que le traitement médiatique de Kaaris, même depuis la bagarre d'Orly, a pas l'air de brasser autant de condescendance au niveau de ses "textes" )