@Hazel_P
Savoir qu'il y a un enjeu de socialisation genrée comme l'ont dit le Mmz avant, c'est différent que de remettre en jeu les choix individuels.
Personne ne doute ici que toi, personellement, tu n'étais pas hyper fan de maths, depuis des années, tout comme les autres filles de ta classe.
De la même façon que on peut constater une surabondance de femmes dans les metiers du "care" ou de l'ethetique, et qu'on ne remet pas en question forcément non plus le fait qu'elles aiment ce qu'elles font.
Mais le constat est là : comme dans bien des domaines dans la vie, il y a des gouts/attraits pour certaines choses qui sont beaucoup plus/moins représentées chez les femmes que les hommes, et inversement.
Jusqu'à présent, tout laisse à penser que ces différences sont liées à des questions d'éducation/de "système" et pas à quelque chose de génétique/biologique.
La question est donc de savoir d'où ça vient, pourquoi, et ce qu'on peut en faire.
Le but n'est pas de dire "il faut plus de femmes dans les maths car les maths c'est mieux que le Français", mais de dire "les maths c'est sympa et c'est dommage que beaucoup de femmes perçoivent ça comme un truc vraiment bof". Si on creuse un peu, on se rend compte que beaucoup de gens qui n'aimaient pas les maths, en fait, avaient des grosses difficultés en maths, et trouvaient ça difficile/pas intuitif.
L'idéal, ce serait qu'on ait tous la même opportunité de se sentir (ou pas) à l'aise avec les sciences et les matières littéraires, qu'on puisse vraiment choisir en fonction de ce qui nous plait fondamentalement.
Après, on peut être à l'aise avec les maths/la physique et néanmoins trouver ça un peu barbant, et décider que l'histoire c'est mille fois plus passionnant, et tant mieux ! Mais c'est aussi une réalité qu'en fait, beaucoup de jeunes qui n'aime pas les maths sont en réalité largués par les maths assez tot, et voient ça comme une matière difficile, exigente, et pas très fun. Et que la majorité de ces jeunes là sont en réalité des filles.
On peut alors se demander pourquoi ? Il y a de nombreuses pistes :
- La sous représentation des scientifiques femmes fait que on s'identifie moins et du coup on va moins voir ça comme un truc accessible, voire "cool"
- Le fait que depuis toujours ce soit vu comme une matière plutot ciblée sur les hommes, et que même si on ne nous l'a jamais dit en face, on va avoir cette représentation inconsciente
- Le fait que peut être on sera plus valorisée suite à une bonne note en Français/histoire
- Mais aussi (et je pense, surtout), le fait que les maths, au fond, c'est un peu comme un "jeu", comme des énigmes, c'est une forme de logique qui peut être vue comme un casse tête à résoudre. Petite, je me souviens que dans les catalogues de Noël, on trouvait beaucoup de truc dans la section des garçons qui étaient du type "programmer un robot" ou "énigmes", alors que coté filles c'était plutot des loisirs créatifs, de l'immagination ...
Quand j'étais en primaire, j'allais à deux activités : je faisait de la poterie et j'allais à un "club scientifique". Les deux répondaient à une caractéristique que j'avais petite: j'aimais bien manipuler des trucs, voir des réactions. Du coup mes parents se sont dit que j'allais aimer la poterie (manipulation, et puis la peinture/l'émail c'est assez fascinant), et on leur a aussi suggéré que le club science c'était cool (on mélangeait de la maizena et de l'eau pour avoir une sorte de fluide liquide/solide, c'était très rigolo). Au final, ça partait d'un même trait de caractère chez moi, et pourtant à la poterie on était 90 % de filles, et 10% au club science. Et je suis persuadée qu'à cet age, toutes les filles qui étaient avec moi en poterie auraient trop aimé aussi le club science.
Un autre exemple tout con, mais petite j'avais des jeux vidéos éducatifs, où il y avait plein de petit jeux de logique (mais aussi littéraires), que je trouvais vraiment trop cool. Et pourtant, on sait tous qu'il y a une tendence à diriger plus les garçons vers les jeux vidéos que les filles (ce qui n'empèche pas au niveau individuel à ce que il y ait des tas de filles interessées par les jeux vidéos, mais elles sont juste moins représentées, et ça se passe aussi dans l'enfance ce genre de différences)
Les maths, quand on est "bon", c'est assez stimulant car on a cette satisfaction d'avoir "trouvé la solution", d'avoir décrypté le code, d'avoir pigé le concept. Voire une sorte d'émulation, en mode "je suis le plus rapide à avoir fini l'excercice", façon escape game.
Alors que comme c'est une matière où on a souvent besoin de notions déjà vues pour avancer, si on commence à prendre du retard, celui ci s'accumule, et on a beaucoup plus de mal à rattraper.
Mais du coup, quand depuis tout petit on nous habitue avec les jeux, les activités ou autre, à considérer les sciences comme des énigmes, qu'on nous "amuse" avec des jeux de logique, qu'on nous fait déjà nous triturer le cerveau avec des nombres tout en nous présentant ça de façon ludique, on arrive forcément avec de l'avance. Et cette avance se creuse, ce qui fait que 5 ans après, il y en a déjà qui considèrent ça comme une matière difficile et limite incompréhensible, alors que d'autres s'amusent à finir le plus vite possible leurs exos.
Je dis juste que j'aimerai que les filles et les garçons aient ces mêmes chances de trouver les maths "fun" (même avec des prof pas fun), et qu'ensuite ils puissent décider si oui ou non, finalement, l'histoire c'est en fait plus sympa.
Et pour ça, il y a plusieurs leviers : essayer que depuis la petit enfance, les jeux de logiques soient vus comme fun pour les petites filles et les petit garçons, mettre en avant plus de femmes scientifiques, mais aussi, une fois au collège et lycée, lorsque les différences sont "déjà" marquées, essayer de "rattraper le coup". Peut être en essayant d'autres manières d'enseigner.
On peut aussi se demander pourquoi pousser des gens vers les sciences, comme si les sciences "c'était mieux". Sauf qu'en fait, dans beaucoup de boulot, c'est important d'avoir des notions de maths et/ou de science. Beaucoup plus qu'on ne le pense ! Par exemple, je bosse dans le milieu de la santé, et il y a énormément besoin de modèles mathématiques, de statistiques ....
J'ai donné il y a peu des cours de maths à des élèves orthophonistes, qui ont fini par se rendre compte de l'utilité, car rien que pour lire une comparaison entre deux méthodes, on a besoin de comprendre les méthodes stats utilisées (pour savoir si on nous baratine ou non).
Sauf que même en choisissant un cursus scientifique, on arrête rarement toute matière littéraire. En prépa maths, on avait quand même des cours de français/philo assez poussés (enfin, à relativiser quand même ^^ mais on y passait du temps), et d'anglais (où les épreuves étaient des analyses d'articles de journaux (pas scientifiques), et du coup on était très encouragés à developper notre culture G, littéraire, culturelle, historique, car on attendait de nous des analyses/mini dissertations à partir d'articles parfois un peu pointus niveau culture).
De plus, la philo, la politique, l'histoire, l'art, sont assez valorisés socialement, on a régulièrement des livres de philosophes mis en avant, si on veut faire parti d'un certain milieu social, c'est également mis en avant.
Alors que souvent, quand on choisit une formation plus littéraire, les maths (et la physique etc) sont abandonnées. Et une fois mis de coté, c'est difficile de revenir vers ces matières. Qui sont pourtant importantes pour comprendre le monde, parfois même pour acceder à des formations ou à des postes importants.