Tu ne veux pas plutôt dire que tu aurais casté quelqu'un avec un corps "mâle" ??
Ben... non, je parle bien d'un homme, cis ou trans, parce que Einar était un homme, et que ce film est autant celui de la naissance de Lili que de la mort d'Einar. J'aurais quand même pris un homme pour ce film, cis pour son "corps mâle" (et encore, pas "trop marqué mâle", pour ne pas avoir à "le déguiser en femme", il faut qu'il soit passing). Ou un homme trans, donc quelqu'un qui a une expérience intime de ce qu'est être trans (et j'aurais peut-être sacrifié ma scène de nu à la réalisation, ou j'aurais fait doubler mon acteur si c'était vraiment indispensable.)
Encore une fois, pour d'autres rôles, d'autres personnages, je suis 100% d'accord avec la critique contre "le mauvais genre" (= caster un homme dans un rôle de femme trans, ou inversement), mais dans le cas de Danish Girl, compte tenu des écrits de Lili et Einar, c'est plus compliqué. Les 2 genres entrent en jeu, et "le masculin domine", c'est là d'ailleurs tout le problème de l'histoire de Lili : le masculin domine, et elle a besoin de l'éradiquer pour pouvoir exister...
À lire vos critiques contre l'industrie du spectacle et plus précisément le cinéma made in Hollywood, il me vient une réflexion : don't shoot the messenger... Eddie Redmayne n'est pas responsable de la transphobie latente de la société, pas plus qu'Emma Watson n'est repsonsable de l'attention limitée des gens et de leur mémoire courte ; les producteurs, réalisateurs, acteurs, tous ces gens font leur métier, qui n'est pas et qui n'inclut pas pour mission de lutter contre les discriminations. Alors si, perso, je les applaudis quand ils le font, parce que c'est clairement pas leur job, ET je les critique quand ils vont carrément à contre courant du progrès, mais quand ils font "juste" le job... Bah ils font leur job.
Et j'ai aussi un problème avec l'esprit du "donnez-nous notre chance", "Hollywood ne nous donne pas notre chance". Encore une fois : si tu attends qu'on te donne la parole, tu vas attendre longtemps... Je sais bien qu'il y a pas mal "d'héritiers" dans le cinéma (= des gens qui sont nés dedans, pour qui ça a été facile de se faire une place), mais il y a énormément de gens qui y sont arrivés en tentant leur chance et en insistant, en se plantant, et en insistant quand même, jusqu'à ce que ça marche.
Le problème avec "attendre qu'on nous donne notre chance", c'est, au fond, attendre "des dominants" qu'ils nous laissent une part... Ce qui va un peu l'encontre du "ne me libérez pas, je m'en charge", au fond...
Ma remarque s'inscrit dans son époque : je n'aurais pas tenu ce discours il y a encore 20 ans, voire même 10 ans seulement. Mais aujourd'hui, avec nos moyens, on peut réaliser nos propres projets : on a le crowdfunding pour lever les sommes (et pas mal de jeunes réalisateurs et réalisatrices passent par là pour pouvoir se lancer sans faire de concessions), on a les réseaux sociaux pour se faire de la pub et diffuser ses idées.
Après, si on veut que nos histoires soient racontées au plus grand nombre, pour l'instant, ça passe par Hollywood et ses codes. Je ne dis pas qu'il faut choisir : je dis qu'il faut insister pour y arriver. Et dire à Hollywood "laissez-nous faire parce que vous faites de la merde" n'est pas un bon argument : c'est "laissez-nous faire parce qu'on veut le faire, qu'on veut le faire bien, et qu'on est capable de raconter nos propres histoires mieux que vous, c'est-à-dire d'émouvoir, de toucher le public."
Mais c'est à nous d'écrire, jouer, réaliser, monter, diffuser, et recommencer tout ça, insister. Et ça existe, en fait. Des gens qui crèvent l'écran en partant de nulle part. (
Exemple avec Superwoman )