@Mowette Je ne suis qu'en partie d'accord avec votre avis. L'art est politique, c'est un fait. Le sujet d'un film, les personnages, et les idées portées par le film sont politiques parce que le réalisateur est un être social et parce que le public l'est aussi. Je sais aussi qu'il est vain d'espérer avoir une opinion fondée uniquement sur des critères esthétiques et artistiques parce que même ces critères résultent d'une culture, d'une Histoire et de mœurs. Toute œuvre est enracinée.
Néanmoins, il y a deux choses qui me semblent importantes:
1) Tout d'abord, il faut, selon moi, faire une distinction entre les artistes qui mettent la politique au service de l'esthétisme et ceux qui, à l'inverse, mettent l'esthétisme au service de la politique. En d'autres termes, je fais une différence entre les artistes pour qui l'art est un moyen et ceux pour qui l'art est une fin. Je continue de croire qu'il existe encore des artistes qui cherchent non pas à faire avancer des idées mais à créer du Beau. Bien entendu, malgré eux, les œuvres sont porteuses d'une idéologie et disent toujours quelque chose de l'époque, mais ça ne rend pas l'esthétisme inexistant pour autant. Le Beau est donc une composante à part entière dans une œuvre artistique et, même s'il est vain de prétendre l'analyser en occultant les incidences culturelles et sociales, on doit tout de même lui accorder, selon moi, la plus grande importance.
2) D'autre part, ce n'est pas parce qu'on a conscience que l'Art est politique qu'il faut le politiser encore davantage, à outrance. En particulier, rien n'oblige à recourir au social et au politique à tout prix dans la critique d'un film ou dans la constitution d'un palmarès pour les Césars ou les Oscars. Rien n'oblige non plus à mettre de côté toute considération esthétique. Je vais vous donner un exemple assez parlant: avez-vous remarqué que, lors de la dernière cérémonie des Césars, il n'a été question à aucun moment du Cinéma en tant qu'Art? Il a été question, comme d'habitude, de la condition des intermittents du spectacle, du contexte social, des coulisses du Cinéma, de l'inclusivité, de la présence des minorités à la cérémonie ou dans les nominations. D'accord, on parle donc de l'aspect politique et social du Cinéma. Mais qui lors de cette cérémonie a parlé de photographie? De mise en scène? D'écriture du scénario ou des dialogues? De montage? Là où je ne partage pas du tout votre avis, c'est que, partant du principe que le cinéma est intrinsèquement politique, il faudrait renoncer à toute analyse esthétique et se contenter de commenter le Cinéma comme un objet social et politique et non comme vecteur du Beau. Il y a une différence entre, d'une part, avoir conscience que l'opinion qu'on a d'un film de Polanski est influencée par l'époque, la société et les débats autour de sa personne, et, d'autre part, n'analyser un film de Polanski que sous le prisme moral et politique. D'ailleurs, vous reconnaitrez que les critères juridiques et moraux avec lesquels on juge Polanski ne sont pas moins subjectifs que les critères artistiques. Maintenant, si vous souhaitez que les récompenses ne prennent plus en compte que l'inclusivité et les vertus morales du réalisateur au détriment de tout autre critère esthétique, libre à vous, mais ce n'est pas ma vision des choses. Un beau film, ça a encore du sens pour moi.