au nom de la sacrosainte différenciation entre l’homme et l’artiste
On ne compte plus, bien sûr, les partisans de la différenciation de l’homme et de l’artiste qui, en revanche, s’en donnent à cœur joie dans cette affaire
Je pense que c'est intéressant de s'arrêter sur cette question de la séparation de l'homme et de l'artiste. Dans les débats relatifs à la nomination de Polanski lors de la dernière cérémonie des Césars, j'ai trouvé que cette notion n'était pas, ou pas suffisamment, définie.
Selon moi, la séparation de l'homme et de l'artiste signifie que le jugement qu'on porte sur l'homme ne s'applique pas forcément à l’œuvre ou, plus exactement, qu'il n'y pas de corrélation entre une opinion sur l'homme et une opinion sur l’œuvre. Plus concrètement, dans le cas de Roman Polanski, la séparation de l'homme et de l'artiste signifie entre qu'on peut à la fois dire que Polanski est un grand réalisateur et que ce qu'il a fait est condamnable moralement et pénalement. En d'autres termes, séparer l'homme et de l'artiste, c'est simplement dire qu'un propos tel que "Il a violé une adolescente, donc son film n'est pas bon" n'est en rien un raisonnement crédible.
Par conséquent, je ne comprends pas que le César du meilleur réalisateur gagné par Polanski soit contesté sur la base d'arguments qui n'ont rien à voir...avec la réalisation. Le prix du meilleur réalisateur récompense le meilleur réalisateur (ce qui est, ou plutôt devrait être, une tautologie) et je ne vois pas pourquoi on appliquerait d'autres critères relatifs à la morale, aux idées politiques ou au casier judiciaire.
Si je comprends bien le propos de l'article, cela signifie que les qualités de réalisation ne sont pas suffisantes pour décerner le prix de meilleur réalisateur et que d'autres critères doivent être pris en compte. La question que je me pose est donc: quels sont ces critères? Si je me base sur les commentaires de la dernière cérémonie des Césars, je comprends qu'un agresseur sexuel ne peut pas être le meilleur réalisateur. En revanche, les faits d'enlèvement et de séquestration ne doivent pas empêcher un réalisateur (Ladj Ly) de remporter le prix du meilleur film. Du coup, où est la limite?
En résumé, je ne comprends pas pourquoi il devrait y avoir une interférence entre le jugement moral qu'on peut porter sur un artiste et le jugement qu'on porte sur la qualité de son œuvre. Je ne comprends pas non plus pourquoi des critères autres que des critères artistiques doivent être pris en compte dans l'appréciation d'une œuvre ni pourquoi certains critères sont alors pertinents et pas d'autres.