Et de fait, cette possibilité de déclarer objective une position morale paraîtra beaucoup plus dérangeante quand on regarde les discriminations : le sexisme est une position morale. Et elle a longtemps été considérée ( et continue à l'être pour la majeure partie des personnes de ce monde ) comme objective; comme scientifiquement justifiée et j'en passe. Idem pour le racisme. Idem pour l'homophobie.
Ben... non. Enfin si, évidemment, c'est une position morale, mais ça n'est pas si simple que juste se dire "je suis sexiste", la plupart des personnes sexistes ne le savent même pas, la plupart des personnes racistes ne se rendent même pas compte de leur racisme (ou le nient, mais ça revient au même). C'est profondément ancré dans la culture, et c'est avant tout un fonctionnement cognitif parfaitement naturel et "normal". Qu'on peut refuser, oui évidemment, pour peu qu'on en ait conscience, c'est la base même de la psycho sociale/de la sociologie, mais naturellement, nous discriminons constamment les gens autour de nous, parce que cognitivement, les stéréotypes sont le moyen le plus économique et le moins énergivore pour évaluer et se représenter le monde (attention, je ne dis pas que c'est une question d'intelligence ou de potentiel intellectuel que d'être raciste/sexiste ou pas, ça n'a rien à voir). Ca devient une position morale à partir du moment où l'on est mis face à cette représentation sexiste, mettons, et que l'on décide qu'elle nous convient bien et qu'elle nous satisfait (et qu'elle ne crée pas de dissonance cognitive ou émotionnelle entre ce que l'on pense être nos valeurs et nos actions).
Concernant ce que tu dis à propos de l'éthique, de l'aspect difficilement objectif et du rapprochement avec la morale, il y'a un élément que tu n'abordes que trop peu (ou que tu ne cites pas tel quel), c'est la temporalité : le monde change, l'éthique évolue. Il y'a 60 ans de ça, on voyait Cousteau foutre des coups de pioche dans la tête des bébés phoques et c'était un héros. Aujourd'hui, on vilipende les braconniers, on diabolise les personnes qui maltraitent leurs animaux, etc. Il y'a pas un point 0 de l'éthique autour duquel on tourne en s'en éloignant plus ou moins en fonction de la thématique : il y'a des cultures, des contre-cultures, et des sous cultures qui se croisent et se bouffent et s'alimentent les unes les autres, et des individus qui se positionnent (et forcément, puisqu'on vit sous la forme d'un état avec ses lois et ses règles, une posture "publique" plus ou moins proche de ce que le peuple demande). C'est comme ça qu'on se retrouve avec des gens qui mangent du foi gras en en ayant rien à foutre que les canards souffrent mille maux et d'autres qui vont à la chasse parce que le sang les excite. Donc évidemment que l'éthique n'est pas objective, et quelque part : heureusement.
Quoi qu'il en soit, j'ai du mal à comprendre ce que tu reproches à cette position (d'autant plus dans le monde scientifique ; perso, étant par définition, une scientifique, je trouve au contraire que c'est absolument indispensable, et je vois chaque jour les dégâts que le manque d'éthique de certains de mes collègues peut créer).