Mais tellement ras le bol d'être considérée comme la féministe reloue de service !!!!
C'est pas comme si je les soûlais à longueur de journée avec les droits de femmes, que je les reprenais à tout bout de champ ou que j'essayais d'imposer ma loi !
Et quand bien même ce serait le cas...
Non, j'ai le malheur d'aborder une fois tous les 35 du mois un sujet "potentiellement féministe" et faut tout de suite que ce soit une levée de boucliers de toute la tablée.
J'aborde le sujet du harcèlement de rue, dont nous parlions avec mes collègues (toutes des femmes) à midi. On échangeait nos impressions et nos techniques de défense.
Donc j'en parle au repas de ce soir, et là mon père qui lâche "Enfin faut pas en faire tout un drame non plus faut pas être parano à ce point, après yen a qui deviennent agressives".
Moi: Pardon? Agressives de quoi? C'est agressif de parler d'acheter une bombe au poivre et d'échanger nos techniques de self-défense? Excuse-nous d'avoir eu toutes sans exceptions des expériences de harcèlement de rue voir pire et de ne pas nous sentir totalement en sécurité à Paris seule le soir
(La tension dans la pièce monte d'un cran, mon père se lève, va chercher un truc dans le frigo)
Ma belle-mère: De toutes façons c'est une question d'attitude. et de tenue. Il y a des tenues à éviter, il faut marcher d'un pas vif, sinon des emmerdes peuvent arriver.
Moi: Donc vous considérez que si je rentre fatiguée, en jupe et que je me fais agresser c'est un peu ma faute?
Lui (et ma belle-mère) (levant les yeux au ciel et prenant un air exaspéré): Oui bon c'est bon on va s'arrêter là hein voilà parce que sinon...
Mon petit frère et ma petite soeur se calent sur leur comportement et répètent en écho "ouais ça va c'est bon t'es reloue un peu rohlalala"
Moi: Non mais je demande, j'ai des ami.e.s qui le pense et ils sont toujours mes ami.e.s, je m'informe c'est tout.
(à ce point de la conversation tout le monde a déserté: mon père range la table, les enfants rangent la vaisselle etc. Seule ma belle-mère est toujours là)
Ma belle-mère: Puisque tu veux savoir, je pense qu'il y a des tenues à éviter quand on sait qu'on rentre tard et seule oui. Mais ça tu ne veux pas l'entendre
Moi: Non, c'est faux. Malheureusement je pense pareil, même si dans un monde idéal je voudrais pouvoir penser autrement et ne pas prendre ça en compte. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'une fille en tenue soi-disant "légère" qui rentre seule est responsable s'il lui arrive quelque chose.
(La "discussion" s'arrête là car elle ne m'écoute plus et part faire autre chose)
J'en peux plus d'avoir ce "rôle". J'en ai assez qu'on me colle cette étiquette de "chieuse féministe" dès que j'ose avoir l'outrecuidance de parler d'autre chose que des sujets tels que "la dernière musique de truc, les muscles de bidule, le mec d'unetel a dit..."
J'en ai marre que mes frères et sœurs soient encouragés à me dénigrer à leur tour, alors que quand j'aborde ces sujets avec eux individuellement ils sont bien plus à l'écoute. Qu'est-ce qui les pousse à se "ranger" aussi vite à l'avis paternel?
J'en ai marre de devoir me justifier et expliquer pourquoi OUI, je ne suis pas tranquille. Je ne suis pas parano, mais je me méfie. Parce qu'en quelques années, j'ai été suivie, insultée, pelotée, agressée (bonjour le monsieur qui s'est branlé devant moi quand j'avais 15 ans...), abordée et draguée très très lourdement, menacée. Certes, c'est ni tous les jours, ni toutes les semaines, ni même tous les trois mois. Mais c'est déjà trop.
Quand on échangeait avec mes collègues, toutes sur Paris depuis moins longtemps que moi, elles étaient sciées du nombre d'expériences de ce genre que j'avais pu vivre.
Je suis fatiguée... Je suis tellement soûlée que parfois j'en viens presque à souhaiter qu'il m'arrive un truc, un soir où je suis fringuée n'importe comment, parfaitement alerte, dans un quartier pas trop craignos (parce que vous comprenez il faut aussi ne pas aller à moult endroits de Paris quand on est une femme seule bien sûr), pour qu'ils viennent la ramener après, me dire que c'est ma faute si je me suis faite agresser, parce que tu comprends [insérer ici une raison à la con].
On verra s'ils trouvent encore des excuses aux agresseurs s'il s'agit de moi.
Putain je crois même pas au fait que j'en vienne à "souhaiter" ça...