Effectivement, je pense qu'on parle un peu l'une à côté de l'autre car je fais une remarque générale et tu me réponds "personne n'a dit ça", et ensuite tu réponds à ce que j'ai dit pour ensuite dire "ce n'est pas ce que dit l'article" (c'est pas du tout un reproche, je pense honnêtement qu'on s'est toutes les deux un peu comprises de travers). J'avoue que je me suis éloignée de l'article car c'est Madmoizelle (no offence), c'est un article qui résume pas mal le concept mais qui ne dit pas tout, car il ne peut pas tout dire et d'ailleurs ce ne serait pas souhaitable non plus de tout dire, on n'est pas sur Wikipedia. C'est un article plutôt clair et pédago quand on est peu familière du concept de lesbianisme politique, mais bon :Mais justement, je crois que c'est justement là d'où vient le malentendu : si j'ai bien compris, les partisanes de cette théorie ne sont pas forcément lesbiennes (ça peut être le cas, mais pas que). Du coup, je crois qu'on est en désaccord sur ce que désigne ce "elles" précisément Si on désigne par ce pronom personnel les femmes lesbiennes au sens large, alors effectivement c'est très lesbophobe. Mais j'ai pas l'impression que c'est le cas des participantes de cette discussion, celles qu'on est en train d'avoir. Du reste, pour ma part, je ne comprends même pas le lesbianisme politique comme "elles veulent que je me force à coucher avec des femmes", mais plutôt "inspirée par une théorie qui présente le lesbianisme comme le moyen ultime d'échapper aux rapports de domination patriarcale, JE pourrais me forcer MOI-MÊME à coucher avec des femmes". Du coup les femmes lesbiennes n'auraient rien à voir là-dedans (et même plus, selon moi, elles pourraient même être lésées par un tel mode de pensée, du fait donc de la fétichisation). Je ne sais pas si c'est plus clair, je l'espère en tout cas.
J'ai bien compris que personne ne défendait ça ici (c'est rigolo parce qu'on en vient finalement toutes les deux à se défendre d'une vision que l'autre nous impute), je cherchais pour ma part davantage à développer une réflexion autour de ce que me semblait impliquer le lesbianisme politique tel qu'il est présenté dans l'article. Je trouve que les commentaires (les tiens et ceux des autres participantes de la discussion) sont bien plus éclairants sur l'idéologie profonde de ce courant militant.
1) déjà ce n'est pas moi qui l'ai écrit, quand on me parle je réponds naturellement de mes propres propos, pas des propos de l'article. Je sais que le but du forum c'est de réagir à l'article mais pour moi on était parties sur autre chose, sur notre propre discussion, et je pense que sur ça je t'avais mal comprise.
2) l'article présente une vision générale des femmes qui se sont revendiquées de ce concept. Une lesbienne politique née dans les années 30 qui a crié "je suis plus lesbienne que vous !" à d'autres lesbiennes il y a très longtemps, c'est important d'en parler pour le rappel historique, mais je ne pense pas que ce soit très représentatif de ce que pense une lesbienne politique en 2021. Une femme qui me dit "je suis lesbienne politique", je ne crois pas que son objectif ce soit de me crier à la gueule "je suis plus lesbienne que toi" parce que je serais une lesbienne égoïstement apolitique qui n'a pas pris la peine de théoriser sa sexualité.
La façon dont je vois les choses sur ce vaste sujet, c'est que (beaucoup de listes numérotées ce soir) :
1) Le lesbianisme politique offre une grille d'analyse qui peut être utile à chacune dans sa réflexion sur sa place dans l'hétérosexualité, même si ça n'aboutit pas forcément à plaquer son mec pour go lesbian.
2) Si cette réflexion pousse certaines à devenir effectivement lesbiennes pour être plus épanouies c'est super pour elles. Bienvenue mesdames.
3) Si pour certaines la réflexion est allée si loin qu'elles ont préféré devenir lesbiennes, alors c'est que ce n'était pas "se forcer" que de le faire, il y a peut-être des meufs ultra déterminées et maso mais je n'ai jamais vu ce genre de situation où une meuf se sent obligée de rejoindre une communauté méprisée de tous alors que de surcroît aimer une femme est une punition pour elle. L'attirance c'est un concept tellement flou, tellement facile à courber, tellement facile à manipuler et impossible à définir. Je n'aimais pas les choux de Bruxelles avant parce que j'avais établi dans ma tête que c'était dégueulasse, maintenant j'aime ça, j'en mange souvent, est-ce que ça veut dire que je me force, que parce que je n'étais pas attirée par ce légume avant je suis en train de faire une erreur ? Alors certes, ce n'est pas une décision identitaire aussi lourde d'être une amatrice de choux de Bruxelles que d'être une lesbienne, mais l'idée est la même : mon dégoût initial était mal informé et basé sur des préjugés plutôt que sur ce que je voulais vraiment, et maintenant que je me pose la question de ce que je veux vraiment, après mûre réflexion je veux vraiment manger des choux de Bruxelles. Plus proche de notre sujet, il y a des pratiques sexuelles que je m'étais persuadée d'apprécier quand j'étais en couple hétéro et, maintenant que je suis out, je suis bien soulagée de ne plus avoir à les faire. Ce n'était pas affreux et personne ne m'a menacée pour que les fasse mais, si on ne vivait pas dans ce contexte-là, eh bien ça ne me serait jamais venue à l'idée de les faire, et je me serais abstenue. Et c'était une illusion de croire que mes choix étaient totalement libres, fruits de mon "attirance" et pas lourdement influencés par les attentes qui pèsent sur une jeune femme. Comme le disait Rostopchine, les lesbiennes politiques aiment sincèrement les femmes, ce ne sont pas juste des détesteuses d'hommes qui se rabattent sur l'alternative (je ne crois pas que tu aies dit ça, Flopidou, mais c'était ce que disait quelqu'un d'autre ici tout à l'heure). Le système hétéro nous force à aimer les hommes, à ne chercher notre valeur que par eux, mais il n'y a pas de système lesbien qui fasse la même chose pour les femmes. A mon sens, à part en lui mettant un flingue sur la tempe, on ne peut même pas forcer une femme à être lesbienne. Est-ce que ça veut dire que les lesbiennes politiques étaient lesbiennes "depuis le départ" et qu'il fallait juste leur montrer la voie ? Franchement, peut-être ! Que ce soit le cas ou pas c'est difficile à démontrer donc je préfère ne pas m'y attarder, d'autant que pour moi la différence n'est pas forcément intéressante.
4) Si pour les lesbiennes politiques il y avait de toute façon un "terreau fertile" propice à les rendre lesbiennes, si c'était juste des lesbiennes qui n'avaient pas vu la lumière/avaient mal compris leur orientation sexuelle/n'y avaient juste pas assez réfléchi, on peut peut-être faire le pari que ce terreau fertile peut exister chez toutes les femmes. Ou la majorité des femmes. Et c'est peut-être un pari complètement fou, mais je trouve que c'est aussi très beau et optimiste. Au pire, il n'y a rien à perdre à l'envisager, et non, ça ne veut pas dire que toutes les hétéros qui trouvent les femmes dégueu doivent aller choper la première lesbienne ou bi venue pour voir si l'expérience leur plaît (ne faites pas ça). Ça veut dire que le système hétéropatriarcal nous met d'énormes œillères et qu'on n'a rien à perdre à ôter ces œillères à toutes les femmes. Si une femme trouve toujours que ce qu'elle désire le plus ardemment c'est un couple hétéro après ça, eh bien, ça la regarde, chacun sa quiche. Mais je pense que presque 0% des femmes hétéro prennent le temps de se poser la question et de SINCÈREMENT se demander : "est-ce que ce serait pas mieux avec une femme ?". On devrait toutes se poser ces questions. Il ne faut surtout pas dire aux meufs que c'est trop tard et qu'il y a de mauvaises raisons de devenir lesbienne, si ça vient tard et que ça vient pour des raisons qui sont initialement militantes, eh bien soit, l'important c'est que ça vienne.