Étudiante, je me prostitue pour rembourser mes dettes

16 Novembre 2016
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Paris
@Mozart Hella
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@Madhiko Je suis globalement assez d'accord avec toi. Cependant je rajouterais que si c'est important d'être pragmatique et de penser aux conditions de vie des TDs, ça me paraît important aussi de ne pas négliger l'aspect idéologique, c'est-à-dire les questions philosophiques et humanistes que pose la prostitution. Parce que l'idéologie finit forcément par rejaillir sur la société dans laquelle on vit et sur la mentalité des individus. Or la question c'est : est-ce qu'on veut que le sexe puisse s'acheter ? Est-ce que ça nous paraît être un message positif ? Et est-ce qu'on n'est pas dans une optique de marchandisation du corps, et tout ce que ça pose comme problèmes ?

Parce que le problème que je vois c'est qu'on ne met pas de limites à ce qui peut être acheté ou loué. Et après comment on pourrait répondre si des personnes souhaitent légaliser la GPA ? Après tout on pourra dire que commander un bébé 10 000 € en ligne, ça ne pose pas de souci. On pourra dire que pour la mère porteuse, c'est mon corps, mon choix. On pourra dire qu'il n'y a aucun problème à louer l'utérus d'une femme. Mais on est d'accord que ça pose beaucoup de questions. On est d'accord qu'on se demande où commence la marchandisation du corps humain (déjà qu'est-ce que ça veut dire et en quoi c'est un problème, je vous laisse vous questionner là-dessus). Et on est d'accord que concrètement, ce sont les plus vulnérables et les plus pauvres qui vont trinquer (ex : fermes à bébé en Inde), parce qu'avec l'argent et la loi du marché il y aura forcément des dérives et de l'exploitation. C'est ce qui s'est passé en Allemagne, on a voulu légaliser avec de bonnes intentions, résultat le système capitaliste et sexiste dans lequel on vit les confronte à une hausse de la demande et précarise encore plus les TDs, tout en propageant l'"entitlement" des hommes au sexe des femmes (je parle de la majorité des cas).

Pour ce qui est de l'idée de créer un statut particulier, qui empêche les dérives style Pôle Emploi : pourquoi pas. Sauf que l'idée qu'on peut accéder au sexe par l'argent, elle, demeure et continue ses dégâts. Après on peut être pour ou contre ce postulat, perso j'ai déjà expliqué pourquoi.
Mais de toute façon la création d'un statut n'empêche pas les dérives. Ca me rappelle un article que j'ai déjà posté où une femme évoquait le fait que la légalisation en Allemagne l'avait emprisonnée encore plus dans la prostitution (si vous voulez je remettrai les sources)
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Après, sur la question de la légalisation... Ca me rappelle aussi ces paroles de personnes, d'un article que j'avais déjà posté aussi. C'est intéressant à lire, ça permet de pas mal réfléchir sur la question :

« L’expérience de Laura dans la prostitution est au Royaume-Uni, où les bordels sont illégaux. Était-ce à cause de leur illégalité que ces endroits étaient si terribles, et est-ce que la situation serait meilleure avec la décriminalisation? Chelsea, qui travaille encore dans un bordel légal en Nouvelle-Zélande, ne pense pas du tout que ce serait le cas. « Mon expérience dans les bordels est celle du terrorisme.C’est une bataille constante ne serait-ce que pour essayer de maintenir certaines barrières personnelles telles que demander du sexe « safe» (préservatifs et digues dentaires, et pas de transmission de salive) et ne pas avoir à refaire une deuxième passe avec un homme qui a payé pour une seule passe. J’ai beaucoup de mal à obtenir des réservations de clients parce que la plupart du temps j’exige que ces limites soient respectées. » «

Toujours à propos de la légalisation :

« Toutefois, nous entendons dire que c’est ce que désirent la plupart des ‘travailleuses du sexe’. En fait, tout comme les femmes que j’ai interrogées, je n’ai rencontré qu’une seule femme qui activement défendait la décriminalisation; la grande majorité ne s’implique pas du tout dans le débat politique autour de la prostitution. Chelsea pense que le lobby des proxénètes, tel qu’on le connait, encourage les femmes qu’il exploite à normaliser les abus qu’elles vivent. Laura pense que celles qui soutiennent la décriminalisation ont souvent de bonnes intentions, mais qu’elles ont souvent travaillé en tant qu’escortes ‘indépendantes’, donc, qu’elles n’ont pas d’expérience avec la réalité des bordels (encore moins dans ceux d’Allemagne ou de Nouvelle-Zélande, comme Chelsea et moi). Elle argumente aussi que certaines autres sont probablement trop nouvelles dans l’industrie et croient encore en son pouvoir libérateur, ou s’imaginent peut-être un avenir de gérante ou de propriétaire de bordel elles-mêmes, si ceci était légal. Rebecca était particulièrement caustique à cet égard : « J’ai tendance à croire que le lobby de l’industrie parle pour les proxénètes et les trafiquants et qu’il n’a aucun intérêt à se préoccuper de la condition mentale, physique ou sexuelle des femmes. Alors, quand ceux-ci parlent de décriminalisation, c’est afin de faire davantage de profits et que la violence des clients soit rendue invisible. »


Vers la fin de mes entretiens, j’ai parlé avec Alisa de ce qu’elle trouve de si répréhensible à propos de la décriminalisation totale et de pourquoi elle soutient qu’il faille la combattre. Elle a bien résumé la situation : « Honnêtement, je crois que ceci revient à normaliser l’achat de sexe comme une pratique acceptable. Lorsque nous voyons une chose comme normale, nous l’acceptons et avons plus tendance à la suivre. La demande augmente alors, et le nombre de femmes désavantagées socialement devient insuffisant pour satisfaire cette demande sans le recours à des forces coercitives. Il devient par conséquent inévitable que le trafic de femmes serve à nourrir le commerce et la demande pour davantage de corps de femmes. Ceci crée un marché légitime pour les acheteurs et les trafiquants et transforme le ‘métier’ de recherche de chair fraîche des proxénètes en un commerce honorable. Il est évident que garder les femmes sous emprise est profitable, il n’y a qu’à voir la quantité de personnes et d’organisations qui le soutiennent (proxénètes, pornocrates, madames, trafiquants). Il est désespérant que l’argument même existe. »

Le passage sur l'offre et la demande est particulièrement intéressant. Je trouve qu'on peut vraiment se poser la question de savoir s'il y aurait assez de TDs pour répondre à la demande si on légalisait la prostitution, parce qu'avec l'idée de légitimité et de normalisation qui l'accompagnerait forcément. Il y aurait peut-être bien une obligation d'amener plus de personnes à se prostituer. Et c'est pour ça que ça s'accompagne, en définitive, d'une augmentation de la traite, des abus, de la précarisation et des mauvaises conditions de travail...

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22 Février 2015
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J'arrive encore dix plombes après la discussion mais je voudrais juste revenir sur 2 arguments que j'ai vu à la page précédente.

- l'argument "si on légalise la prostitution, ça envoie le message que les femmes sont à la disposition des hommes, sont des choses" : moi je pense plutôt que si ce métier était vraiment très encadré et protégé (évidemment avec un statut à part comme le dit @Madhiko, le but n'est pas de le proposer chez Pôle Emploi, et là je pense qu'il y a tout à construire, je ne parle pas du tout du modèle allemand ou hollandais par exemple, qui présentent bien des défauts), au contraire, je trouve que ça envoie le message que c'est un métier à part, que c'est le/la prostitué.e qui fixe les règles, et que celles-ci doivent être respectées, sous peine de représailles pour le client (à supposer que les prostitué.es aient l'appui de l'état/du système juridique, même si ça peut paraître un peu utopique actuellement, mais supposons). Faire en sorte que la profession soit vraiment reconnue et sécurisée limiterait beaucoup les abus je pense et placerait les prostitué.es en position de pouvoir puisqu'elles auraient beaucoup plus de poids pour imposer leurs conditions et les faire respecter et ainsi limiter "l'entitlement", dont parlait une madz, des hommes qui pensent qu'on leur doit tout.

- la question "est-ce que l'argent fait office de consentement ?" : à priori oui, quand un.e prostitué.e accepte un rapport monnayé, à partir du moment où le client respecte ses conditions, le rapport peut être considéré comme consenti. Ca ne veut pas dire qu'iel ne va pas peut-être regretter le rapport par la suite ou mal le vivre, mais du coup cette problématique n'est pas spécifique à un rapport monnayé. Une personne qui dit "oui" à un rapport sexuel (dans un cadre privé donc, pas dans le cadre d'un travail de prostitué), peut aussi au final, dire "oui" parce qu'elle ressent de la pression de son partenaire par exemple, et donc potentiellement aussi mal vivre le rapport (cette fameuse "zone grise").
Je trouve que la question du consentement est très complexe et ne peut pas se résumer à une binarité "rapport monnayé donc pas vraiment consenti" vs. "rapport intime et non monnayé auquel on aurait dit "oui" et donc consenti".
 
26 Septembre 2012
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@Thinocephale certes, mais les parents "légaux" pourraient arguer qu'il y a rupture de contrat donc qu'il doit y avoir potentiellement dommages et intérêts, donc réclamer de l'argent qu'elle n'a pas, et elle devrait renoncer à sa demande ( pour les ruptures de contrat, si tu t'es engagé professionnellement à faire un truc mais que tu ne le fais pas finalement, et encore plus si tu causes tort à l'autre, tu dois payer en droit du travail...)
 
10 Août 2014
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dameandine.eklablog.com
En fait, le site "ressources prostitution" est l'équivalent des sites qui prétendent donner des infos sur l'avortement mais qui sont au fond anti-ivg (qui vont d'ailleurs avoir plein de témoignages de femmes qui ont avorté et qui ont été traumatisées). Disons qu'ils/elles ont au moins l'honnêteté de se dire explicitement abolitionnistes mais du coup, je vais clairement pas le considérer comme neutre ou objectif, que ça soit dans la sélection des témoignages ou dans leur fiabilité. Et donc oui je donne plus de poids à des associations créées par les TDS, ou qui travaillent avec les TDS, ou encore des autres TDS* avec qui je discute, ou même à des trucs comme Amnesty.
* ça inclut une TDS qui considère tous les hommes hétéros comme des gros connards (y compris ses clients) mais qui néanmoins considère son travail comme un choix libre.

Qu'une légalisation ait été mal conduite, mal élaborée, je peux l'imaginer, mais qu'un-e TDS prône l'abolition, ça n'a absolument aucun sens. Qu'il/elle veuille avoir une porte de sortie, oui, évidemment. Qu'on veuille collectivement un monde où ça ne soit pas nécessaire de faire un job qu'on aime pas ou pire qui nous dégoute, carrément d'accord. Mais en quoi interdire le travail du sexe va changer sa situation ? En quoi ça va donner une porte de sortie ? Comme va-t-il/elle porter plainte pour proxénétisme, viol, etc., s'il/elle est criminalisé-e ?

Côté réification des femmes, dates de péremption et autres a priori, le travail du sexe est précisément beaucoup moins trash que les films/séries/etc. Très concrètement, je suis pas la seule à avoir eu une adolescence archi-complexée à cause de l'image qu'on me renvoyait de ce que je devrais être et n'étais pas. On parle des actrices qui à 40 ans ne sont plus envisagées pour des personnages sexuellement actifs ? Des personnages minces qui se trouve 3kg en trop mais pas assez de seins ? de l'industrie de la mode ?
Dans le travail du sexe et le porno, précisément, tous les désirs cachés s'expriment, et donc oui il y a des vieilles putes, des grosses putes, des putes maigres, etc. de même qu'il y a des mots-clés en tout genre dans le porno. J'ai longtemps été anti-porno, et effectivement le porno industriel caricatural et dont les tournages sont violents ça craint. Mais dans tout ce qui existe d'amateur, et de non-mainstream (tout en ayant clairement une visibilité), il y a une diversité de physiques (et de pratiques) jamais vue au cinéma ! je suis désolée, mais finalement c'est beaucoup plus inclusif. Donc y a à redire (je le nie pas!) mais je trouve la culture "publique" beaucoup plus violente, et elle est collectivement cautionnée au contraire du porno, et plus encore du travail du sexe.

Sur travail normal/spécifique : ça peut être comme un autre travail sur certains aspects, spécifique sur d'autres. C'est le principe d'une comparaison aussi, y a des points communs, y a des différences. Je comprends pas ce truc de tout ou rien. Et y a plein de jobs qui ont des régimes spéciaux parce que spécifiques.

Clairement, je considère (et je l'ai dit dès mon premier message) que bien sûr les non-concerné-e-s peuvent avoir un avis!
Mais quand on en vient à infantiliser les putes qu'il faudrait protéger malgré elles, considérer comme traumatisées d'office même si elles le savent pas encore, ou considérer que les TDS qui ont parlé ici ne sont pas représentatives parce qu'il y a de l'esclavage sexuel (de nouveau, tout ce qui argumente en assimilant l'un à l'autre, juste non), ben on a un peu l'équivalent du mansplaining.

Malgré tous nos désaccords, qu'on ne résoudra clairement pas là tout de suite, je voulais vous remercier pour la discussion:fleur:. Le simple fait qu'on puisse en parler est déjà quelque chose. Et à titre personnel ça me donne l'occasion de réfléchir à comment je conçois les choses, à formuler ma pensée.
 
10 Août 2014
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dameandine.eklablog.com
@LovelyLexy : En fait, je comprends qu'on fasse le rapprochement : dans les deux cas on parle de vendre/louer son corps (expression que je désapprouve dans les deux cas), dans les deux cas ça paraît comme une solution pour des femmes pauvres, etc. Si on devait légiférer pour l'autoriser, je pense qu'il faudrait pas mal de cadres pour éviter les excès (une femme qui ferait une grossesse chaque année par exemple et qui serait usée/épuisée au bout de quelques années à ce rythme-là). En fait, là-dessus comme pour toutes les expériences que je ne fais pas, j'écouterais la parole des femmes qui disent vouloir faire ce job. Potentiellement, il pourrait y avoir des situations équivalentes à la mienne (une amie de ma maman kiffait d'être enceinte, et a eu 9 enfants - contexte cultivé, tout ça, donc pas par ignorance de la contraception, ou autre, vraiment par choix ...) donc si moi c'est pas ma tasse de thé, je peux entendre que d'autres femmes disent "ça c'est pour moi, je m'en sens capable, ça me convient".
 

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