Voilà ce que j'ai envie de hurler à tous ces gens, pleins de bonnes intentions, qui donnent des conseils plus ou moins pertinents à ceux qui recherchent, ou qui vivent avec ceux qui recherchent du travail.
Vous, oui vous, les actifs, ceux pour qui le chômage n'est qu'une vague image, un mythe, une chimère effrayante et pourtant oh combien lointaine, arrêtez ici vos conseils plus ou moins avisés.
Car oui, sur la route du travail, tous les pavés que vous me lancez sont déjà dans le sol incrustés, tout comme la honte colle à mes chaussures comme le pourri sur un fruit trop mûr. La honte de ne pas apporter à la société ma pierre, en tout cas en numéraire. La honte de ne pas donner mon obole au système déjà exsangue.
Quand vous saurez comme moi vous relever de mille lettres, pas moins, qui n'auront au mieux reçu qu'une réponse type, au pire seront tombées dans les abîmes.
Quand comme moi vous avez accepté de mettre au placard vos rêves, vos ambitions, votre vie de famille pour espérer vaguement un salaire afin de survivre.
Quand vous saurez ce que c'est de se demander chaque jour si vous valez quelque chose puisque apparemment votre valeur est moindre que celle du papier sur lequel vous envoyez vos missives.
Quand vous aurez connu la douleur de voir votre rêve, votre ambition foulée au pied par des recruteurs avides de chair fraîches et d'esprits corvéables.
Quand on vous aura répondu mille fois "mais nous recherchons des salariés ayant la QTH pour votre poste!" ou "au moins 3 ans d'expérience pour entrer chez nous désolés" alors que vous espérez seulement que l'on vous donne une chance, si infime soit-elle.
Quand vos proches auront dit à votre compagne/compagnon qu'il devrait vous quitter car vous êtes un poids pour lui/elle.
Quand enfin, au fond de l'abîme, vous pleurerez chaque jour dans le noir, dans la dépression, de n'avoir su trouver votre place dans cette société qui a si bien su vous exclure alors même que vous avez tout donné pour elle.
À ce moment, vos conseils seront bienvenus.
Mais à mon avis, quand vous en serez là, des conseils, vous n'en aurez plus dans votre besace.
Chers actifs, vous qui avez eu la chance de ne pas connaître le chômage, je vais me permettre de vous donner un conseil.
Fermez votre gueule et prenez dans vos bras ceux qui sont dans la peine. Là est le seul secours que vous puissiez apporter.
À moins bien sûr... que vous n'embauchiez!