@Nastja
Je suis totalement perplexe de lire ça, et de lire qu’on a qu’à « choisir » de ne pas se sentir concernée par ces injonctions.
Ok, pendant le confinement probablement que peu de femmes continuent à être apprêtées en permanence, parce que justement PERSONNE ne peut les voir ou les juger. La société et le regard des autres ne peuvent pas lui renvoyer à la figure qu’elle ne fait pas ce qu’il faut, et qu’elle n’est pas une femme bien/désirable à cause de ça, puisqu’elle est enfermée toute seule chez elle. Et justement, c’est ça qui est fou, c’est que même pendant une période où les femmes ne font rien, sont confinées chez elles, certains médias viennent pondre des articles/vidéo pour dire en gros « eh oh, on vous a vu ! Vous vous êtes relâchées! Reprenez-vous en main! »
Et dans le cas du couple, être belle pour son mari, c’est encore un truc et une injonction hyper répandue, voir même complètement banalisée dans certaines culture/sociétés, alors que l’inverse est incomparablement moins présent. Et combien de fois, quand une fille se met à arrêter de s’épiler, une des premières réflexions qu’on lui fait c’est « et ton copain? Il accepte? ».
On peut pas « décider » qu’on s’en fout d’une injonction et du coup ne pas en être affecté, ça marche pas comme ça, quand on grandit dans une société qui érige un type de corps, un type de beauté et de mise en valeur du corps en idéal absolu, on est marqué par ça, on s’en défait jamais complètement. On est, depuis qu’on est né, devant des émissions, des magasines, des publicités, des films, des propos, qui nous renvoie constamment à ça. Quand on grandit avec Miss France comme concours le plus célèbre du pays, diffusé à heure de grande écoute devant des millions de téléspectateurs, concours de beauté et élection de « l’ambassadrice de France » dont l’un des critères principaux est la corpulence, avec impossibilité tacite de ne serait ce que participer si on est en surpoids (et même peut être pas seulement tacite, c’est peut être acté ? Je ne sais pas. Toujours est-il qu’aucune miss n’est ronde) on grandis avec cette image, et c’est qu’un exemple. À quel moment on s’est dit que la plus belle femme de France devrait forcément être grande, mince, avec des cheveux soyeux et des grands yeux? Et ok, il y a bien Mister France, mais la différence d’intérêt porté à l’émission et la différence d’audimat parle d’elle même. On te fait comprendre dès que tu es petite qu’en tant que fille, ta valeur dépend intrinsèquement de ton physique.
C’est pas parce qu’une femme décide qu’elle elle se sent bien en ronde, qu’elle s’en fout et que le regard de la société ne lui pèse et ne l’affecte pas : moins de chance d’être embauchée pour pas mal de poste, publicités qui la mettent peu en scène, vêtements introuvables dans sa taille chez les grandes enseignes, railleries et j’en passe. Les filles en question ont peut être décidé d’assumer leur poids, il n’en reste pas moins qu’elles subissent ces injonctions malgré tout.
J’ai pas le temps de tout développer, je repasserai peut être étayer d’avantage certains passages, mais que dire des classements publiques et humiliants concernant la beauté des filles de l’école, parfois rendus publiques jusque dans les journaux étudiants qui circulent au sein de l’établissement? Ou juste des listes papiers et des classements et élections subies contre leur gré que beaucoup de filles ont connu au collège, lycée voir en enseignement supérieur? Idem, l’inverse ne prend que très rarement de telles proportions. Que dire de la chirurgie esthétique, pratiquée en grande majorité par les femmes, et même pour certaines opérations qui concernent des parties du corps intimes, et dont l’injonction est donc bel et bien au sein du couple puisque vue souvent exclusivement par le partenaire (sans forcément que ce soit le partenaire lui même qui en sois à l’origine. Il peut être très bienveillant, mais les femmes en questions ont bien intégré cette injonction à la désirabilité au sein du couple via la société) : augmentation mammaire, nymphoplastie (réduction des lèvres internes du sexe). Que dire de l’anorexie également, qui touche en immense majorité des femmes ? Je pense pas que ça vienne de la nature profonde et intrinsèque de la femme de vouloir davantage que les hommes avoir recours à ces opérations de chirurgie esthétique, ou de chercher la maigreur à tout prix. Si ça vient pas de sa nature intrinsèque, c’est donc bien l’environnement dans lequel elle évolue (la société) qui la pousse dans cette direction.
Y a des tas d’études pour prouver tout ça, qui sont des réalités avérées, notamment l’injonction à la beauté qui nous poursuit jusque dans le monde pro : la discrimination à l’embauche sur la base d’un physique avantageux/ou pas est beaucoup plus marquée pour les femmes que pour les hommes. Donc on peut pas décider de se sentir « concernée » ou pas et de « suivre » ou pas ces injonctions. Même si je décide que moi je m’en fous d’être mince belle maquillée et épilée, et que donc ces articles « ne me concerneront pas » pour reprendre tes propos, la société et le monde de l’emploi se chargeront de me rappeler que, si, ça me concerne, et que je ne suis pas assez bien, que je ne suis pas ce qu’on attend de moi.
Je suis vraiment perplexe de lire ça, surtout que pour le coup, autant tout le monde n’est pas aussi convaincu et militant vis à vis de la chose, autant l’idée selon laquelle les femmes ont à subir une pression forte de la société vis à vis de leur physique, est aujourd’hui tellement évidente et avérée (études à l’appui pour un tas de sujet, comme la différence de proportions entre hommes et femmes de la discrimination à l’embauche sur la base du physique) que ça met à peu près tout le monde d’accord, même dans des cercles peu ou pas féministes, qui eux même participent éventuellement à faire perdurer ces injonctions par des propos machistes ou autre, la pression sur les femmes à être belle est bien présente mais n’est pas niée, au contraire, c'est l'impression que j'ai de par mon expérience en tout cas. Du coup, je me trompais surement, mais je m’attendais pas à voir ça remis en cause, j'avais l'impression que c’était un truc aujourd’hui communément admis, je dois être trop naïve. Toujours est-il que je trouve ça assez énorme de le nier ou de le minimiser à l’extrême… Honnêtement, tant mieux pour toi si tu ne la ressens pas, ou peu, mais ça reste une réalité, et c'est pas possible de choisir d'être concernée/affectée ou pas par ces injonctions.