En 40 ans, elle n'a jamais eu l'occasion de prendre ses clics et ses claq et se barrer avec ses gosses? jamais pu recourir à une aide extérieure? jamais trouvé une solution pour se sauver?
Pourquoi s'être réveillée au bout de 40 ans? Pourquoi ne pas avoir réagit quand il violait ses filles de 16 ans? Pourquoi avoir attendu si longtemps...?
C'est justement le genre de questions qui créent énormément d'incompréhension pour beaucoup de personnes, et qu'il faut essayer d'expliquer au maximum. Des questions aussi sur lesquelles les professionnels du droits doivent être formés.
On ne saura probablement jamais la réalité dans son ensemble, mais la violence psychologique subie pendant 40 ans peut expliquer, en tout cas en partie, certaines choses, comme pourquoi la personne n'a rien fait (peut-être qu'elle a eu peur? peut-être qu'elle a tenté et que ça n'a pas marché : d'ailleurs on apprend qu'elle a essayé de faire appel à la police, qu'elle a essayé de s'enfuir, et que ça a raté à chaque fois, il me semble). Peut-être qu'elle était persuadée que personne n'allait lui venir en aide.
Je connais pour ma part une mère dont la fille était violée par le père. Au début elle était terrifiée des menaces du genre que c'est lui seul qui avait l'argent et qu'elle n'irait pas loin, que personne ne les croirait vu que c'était "quelqu'un de bien", etc... Voire même menacée d'enlever leur fille ou de la faire interner à cause de la terreur qui était visible chez elle à cause de lui, mais dont il faisait croire que c'était un désordre mental qui pouvait la condamner à un asile.
A un moment, elle en a eu marre et a voulu porter plainte : la police la rejetée comme une malpropre, elle n'a plus réessayé, persuadée que tout le monde était contre elle, même les gens qui auraient du l'aider comme la police ou les services sociaux.
Voila un genre d'exemple qui fait que des gens, à cause de la terreur psychologique notamment, ne s'enfuient pas.
J'ai du au moins expliquer 1000 fois en quoi cette mère que je connaissais n'était pas complice de ce qui est arrivé à sa fille : toutes les deux étaient des victimes, et les rares tentatives (qui avaient demandé psychologiquement énormément de force) avaient échoué, ce qui les avaient encore davantage muré dans l'inaction causée par cette peur.
Les statistiques pourtant sont claires : seules une minorité de personnes portent plainte.
Ca veut bien dire que quelque chose ne va pas, et que les victimes connaissent une autre réalité, qui répond à d'autres règles que ce que connaissent des "gens normaux".
Les victimes sont doublement victimes : victimes également de l'incompréhension des autres personnes qui considèrent que certaines choses "vont de soi" (comme partir avec les enfants, aller à la police porter plainte, etc...).
Pour une victime, rien ne va de soi, et encore moins que quelqu'un puisse faire quelque chose pour elle. Une victime peut même avoir peur que les gens censés les protéger fassent l'inverse (comme des services sociaux ou la police qui peuvent se retourner contre elles).