@grenouilleau
J'ai du te perdre quelque part parce qu'autant je suis d'accord qu'une société devra être égalitaire pour être féministe, autant je ne vois pas en quoi refuser de penser à l'autre femme (care et économie pour reprendre les arguments) et n'agir que pour soi rendra la société plus égalitaire.
J'ai dû mal m'exprimer : ce n'est pas une question de refus de penser à l'autre, c'est une question d'impossibilité de penser à l'autre. C'est pas une question de méchanceté, d'égoïsme, c'est une question de nécessité vitale pour certaines femmes, et ça impacte au final les autres femmes qui ne sont pas dans cette situation extrême.
Une partie des femmes qui sont socialement dépendantes de leur statut amoureux (futur ou non) ne peut pas penser aux bien-être des autres femmes. L'enjeu de la concurrence est pour elles trop grand.
Peut être que si je le dis comme ça c'est plus clair : la sororité, tu peux la mettre en œuvre (au sens "possibilité", pas au sens "je veux peut être") seulement quand tu es suffisamment à l'aise dans la vie.
Une femme très pauvre ne pourra pas se permettre d'être sororale quand c'est sa survie qui est en jeu. Je ne dis pas que
toutes les femmes pauvres vont agir de façon égoïste
tout le temps, évidemment. Y a des degrés dans les situations. Mais le contexte va leur imposer un comportement de survie
en matière amoureuse. Ces femmes peuvent tout à fait être gentilles dans la vie de tout les jours. Mais si tu mets en danger leur "gagne-pain", ou si tu es entre elles et un potentiel "gagne-pain", elles ne pourront plus se permettre d'être amicales, sororales, bienveillantes.
Donc pour le dire autrement, je suis assez pessimiste sur le fait qu'on puisse avoir une société sororale, sans que toutes les femmes soient aussi bien payées que les hommes, au moins assez pour vivre.
Parce que la société actuelle fait que les femmes vivent, pour une bonne partie, dans la misère. Sans aller jusqu'aux femmes sans abri.
Pour moi, si mon ami part, ça va pas bouleverser ma vie au point de vue financier par ex. Ma réaction, si une femme est dans une démarche de séduction par rapport à mon ami, ce sera de me détourner du truc pour le laisser gérer. Mais pour d'autres femmes c'est beaucoup plus dramatique, et elles devront être agressives envers l'autre femme pour éviter que sur un malentendu leur "gagne-pain" les abandonne. Surtout si y a un facteur "âge" : est-ce que tu vis dans la maison de l'homme en question ?. Est-ce que c'est lui qui paye des trucs, qui te fais vivre complètement ? est-ce que tu as des enfants à faire vivre etc...
La question de l'éthique a élargi le débat mais vraiment, je ne comprends pas. On était parti du refus du care ou de son élargissement.
C'est parce que j'ai sauté du coq à l'âne : je suis partie de mon point de vue (celui d'une femme qui peut se permettre d'être sororale, et donc qui s'inquiète de ce qui va l'impacter) et moi je refuse de me soucier du bien-être de toutes les femmes sur terre. Bien sûr que je ne veux pas faire du mal à quelqu'un.e d'autre. Mais si je rencontre une personne et que je n'ai aucun lien avec son ami.e officielle, je vais pas commencer à me prendre la tête sur "qu'est-ce qu'elle va penser" ou autre : c'est le problème de leur couple. C'est à son ami de la protéger, ou pas. Et si il ne la protège pas, ben de toute façon je le trouverais moins beau, alors... En fait je vais regarder uniquement le comportement de l'homme, pas celui de la femme, si je ne la connais pas. Et je refuse de faire une enquête pour savoir si oui le gars est en couple, et si c'est un couple libre ou pas, et si... c'est sa responsabilité à lui. Par contre je dis pas que ça n'a aucune conséquence : si je m'aperçois que c'est une personne qui se moque de blesser son "officielle", je vais me détacher. Mais pas à cause de l'officielle. À cause du fait que le gars est une personne méchante.
Et ensuite je suis passé à l'âne : le fait qu'à mon avis c'est illusoire de demander à des femmes dont l'homme est le moyen de survie d'être sororale de toute façon.
C'est peut être pour ça que c'était pas clair, j'ai parlé de deux situations différentes sans le dire assez clairement
?
Pour les femmes victimes, j'entendais dans le sens "êtres actifs, qui ne sont pas aliénées et qui ont une marge d'autonomie".
Ah d'accord, je pensais que ça faisais écho au débat qu'il y a souvent sur le refus de se définir comme une victime
.
Je parlais de naturalisation parce qu'on n'en est pas, en France en général, à ne dépendre que des hommes pour survivre. Dans le contexte de la tromperie, dire que les femmes ne peuvent être solidaires car victimes du système, c'est pour moi une naturalisation car on accepte les effets du système sans remise en cause et surtout, on oublie que dans notre contexte, on peut agir autrement. Je trouve l'argument trop gros
Là on est pas d'accord. Pour moi en France, certaines femmes dépendent des hommes pour survivre. Je sais pas exactement dans quelle proportion, faudrait faire une étude fine des stats de la pauvreté.
Mais j'en suis persuadée, et j'en connais qui, sans "leur" ami, ne s'en sortirais pas. C'est dramatique, mais pour moi ce contexte ne peut qu'impacter les relations sociales, et du coup, la possibilité d'être dans la sororité ou non.
Edit :
@skärgård Tu dis que l'argument de la pauvreté te paraît exagéré : à mon avis l'existence de femmes prostituées + des femmes sans abri montre "visiblement" (parce que là on connaît leur existence, et on sait qu'on a des femmes qui dépendent des hommes pour leur survie) que la pauvreté des femmes est suffisamment dramatique en France pour que ça grippe le système de sororité.
edit : suppr d'un passage et orthographe