Y'a des jours comme ça, où je réalise à quel point j'ai de la chance d'avoir une famille comme ça...
Mes parents sont divorcés depuis 1999, mais ils ont toujours été incroyablement respectueux l'un envers l'autre. Mon père déboule toujours quand ma mère a besoin de lui, que ce soit pour lui donner des conseils lorsqu'elle est sur le point de se faire licencier abusivement, pour lui taper des mails quand elle ne sait pas comment formuler les choses, pour lui négocier des petits prix quand il sent qu'elle va se faire arnaquer sur quelque chose, pour lui dire des belles choses quand il voit qu'elle doute de tout... Et réciproquement, ma mère a beau être parfois horriblement irritée par mon père, il suffit qu'elle le voit pour que son énervement retombe et qu'elle me sorte "ah quand même papa... enfin je veux dire ton père (mon père ne supporte pas qu'elle dise "papa" pour parler de lui haha), c'est quelqu'un de bien". Et elle est toujours là pour l'écouter, avec énormément de pudeur quand même, quand il vit une grosse déception sentimentale ou professionnelle, ou quand il est en période de remise en question (je crois que j'ai hérité de lui cette handicapante faculté). Je crois que ma mère est la femme que mon père a le plus aimé de sa vie, et surtout, celle qu'il aimera jusqu'à la fin de ses jours. Et j'ai l'impression que c'est un peu pareil pour ma mère même si elle s'en défendrait peut-être par fierté/pudeur. Et franchement je suis fière que mes parents aient autant de bienveillance l'un envers l'autre après toutes ces années, sans qu'il y ait une ambiguité amoureuse entre eux, comme s'il y avait quelque chose de plus fort encore qui les unissait : mon frère et moi.
Je pense que j'ai eu les meilleurs parents du monde... C'est peut-être pour ça que j'ai du mal à prendre mon envol et à me casser définitivement de chez ma mère, et pas juste pour un voyage.
Et pour être dingues, ils sont dingues, mais bizarrement ce soir c'est pas leur dinguerie qui m'inspire, c'est un tout.
Mon père a bossé pendant 30 ans dans des métiers hyper stressants, en tant que cadre, que dirigeant d'entreprise, bref des boulots où il avait la responsabilité d'équipes, où le sort des employés était entre ses mains... Il a commencé à 14 ans avec juste un bepc en poche, il en a chié des années pour gagner une situation confortable, qui fait qu'il y a eu des périodes où il gagnait extrêmement bien sa vie. Et puis un jour il s'est dit merde, il faut que réalise mes rêves, je veux pas arriver à la retraite sans m'être épanoui dans ce que je fais. Et il a tout laissé tomber, les postes à responsabilité, les voitures de fonction, les salaires fixes... Pour ouvrir son cabinet de psychotérapeuthe énergéticien. Parce qu'il a passé sa vie à vouloir aider les autres, et que c'est ça qu'au fond de lui il a toujours voulu faire. Du coup il s'est bougé le cul, il a fait des formations, il a passé son diplôme de chamane, a fait un emprunt pour pouvoir payer son cabinet... Et moi, quand je l'ai vu tout plaquer pour vivre son truc, j'ai été à la fois admirative de sa détermination, et à la fois hyper sceptique... Je trouvais ça irresponsable, un peu fantaisiste, d'arrêter un job où tu as une situation très raisonnable pour faire quelque chose sans aucune certitude derrière et aucune rentrée d'argent fixe. Et finalement quand je regarde aujourd'hui, 2 ans plus tard, je suis trop fière de lui et de ses choix. Il n'a quasiment plus un rond, il mange un jour sur deux, il a presque arrêté de prendre la voiture, il vit du rsa parce que ses consultations ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins même s'il commence à se faire une bonne réputation, mais il est libre. Il est libre et je crois qu'il est heureux. Et finalement putain, je trouve ça courageux. Et puis avoir un père qui travaille dans les médecines parallèles, alternatives, même si moi étant donné que je suis sa fille et que j'ai toujours tendance à vouloir être sceptique sur ce que font mes parents, je ne le reconnais pas complètement, ce qu'il fait est fascinant, et incroyablement efficace en plus. Quand j'entends les gens qu'il a aidés parler de lui, ou que je vois la façon dont ils le regardent, je me dis qu'il a trouvé sa voie... Je trouve ça vraiment beau, et je me rends compte avec tous les voyages que j'ai faits récemment que l'admiration (un peu inconsciente) que j'ai pour lui doit être vraiment communicative. Parce que je crois qu'il ne se passe pas un voyage sans que je parle de lui, et que les gens me disent "ton père a l'air d'être quelqu'un de bien".
Et ma mère, c'est complètement autre chose, je passe mon temps à me foutre d'elle (c'est notre mode de fonctionnement à mon frère et moi, on la vanne sur tout et sur rien, et je pense que c'est parfois pesant pour elle) mais c'est juste indescriptible à quel point je la trouve géniale. Depuis qu'elle s'est remise à travailler il y a 10 ans, elle n'est jamais restée plus d'1 an dans une boite. Je pense qu'elle a été sans exagérer dans 8 jobs différents en 10 ans. Mais alors c'est une putain de battante, elle se donne à fond à chaque fois, elle ne se ménage jamais, et je crois que c'est la femme que j'admire le plus au monde. Elle un courage impressionnant, quand je me regarde à côté, moi pauvre glandue qui se repose sur ses facilités scolaires, qui ai laissé tomber le permis après 2 échecs en m'auto inventant l'excuse que j'étais trop cérébrale pour y arriver, et qui ne fais que des petits tafs en remplacement à droite à gauche au lieu de me chercher un vrai boulot pour l'aider financièrement, je me dis que je devrais m'inspirer de son énergie et de son courage au lieu de me complaire dans la facilité.
Mon frère, mieux vaut pas que je commence à en parler parce que lui c'est la pépite... Il a 18 ans, mais il a une maturité hallucinante. C'est le genre de mec qui ne se rend pas compte qu'il est merveilleux, et j'aime ce genre de personnes. Il est beau, il est grand, il est fort (vous le verriez vous comprendriez) (haha s'il lisait ce que j'écris sur lui là il hésiterait entre se gerber dessus et éclater de rire nerveusement, on n'est pas très compliments dans la famille), il est intelligent, il est incroyablement gentil, il est drôle, et ce blaireau trouve le moyen de complexer par rapport à des gamins de son âge, dont il envie un peu l'immaturité et la capacité à ne pas se prendre la tête je pense.
Après, ils sont tous dingues à leur façon... Ma mère c'est le genre à cuisiner les potirons décoratifs sans se rendre compte qu'il y a quelque chose qui cloche, c'est le genre à pleurer devant un reportage sur Tokyo Hôtel (moi aussi ça me dépasse), le genre à être contente quand elle voit que je lui ai piqué tout son carnet de tickets restos parce qu'elle "a l'impression de pouvoir m'aider sur quelque chose", le genre à dire "est-ce possible to have a cofé por favor" en espagne, c'est le genre à être tellement marrante que parfois c'est limite si je me demande pas si mes potes viennent pour la voir elle...
Mon père, c'est(c'était, avant qu'il ne fasse un travail sur ses nerfs) le genre à demander à rencontrer le cuistot de buffalo grill quand le serveur lui a soutenu que son steak de 100 grammes en faisait bien 280, c'est le genre à vouloir arrêter toute forme d'alimentation physique pour ne plus se nourrir que de sourires et d'eau fraiche (alors qu'il n'y a pas plus amoureux de la bonne bouffe que lui, autant dire que cette lubie n'aura pas duré bien longtemps), le genre à me proposer qu'on se prépare des space cakes ensemble, le genre à faire venir chez lui des personnes rencontrées dans un parc 5 minutes plus tôt, le genre à sentir quand je pense fort à lui et à "m'envoyer de la lumière" (ce sont ses termes, et ça commence à devenir contagieux
) à distance quand je suis perdue avec ma meilleure amie en haut d'une montagne en écosse chez un gourou rencontré en stop sans réseau et sans moyen de s'enfuir....
Bon voilà, ça m'arrive très rarement, mais là j'ai envie de parler d'eux... Peut-être parce que je sais qu'on va finir par s'éloigner, et que ça me renvoie tout ça à la face. Mais je sais que dans leurs cœurs de gentils fous, j'aurai toujours ma place. Toujours !