Bon, second post parce que hier j'étais un peu agacée et je n'ai même pas pris le temps de dire qu'au final, je trouve ça cool que Camille ait osé entreprendre ce qu'elle veut, et je lui souhaite beaucoup de courage et de chance (malheureusement, ça joue aussi).
L'aspect "flou" de son projet ne me semble pas forcément très dérangeant, parce que j'imagine que si elle a fini par se lancer, c'est qu'elle est soutenue par ses parents/amis et qu'elle peut prendre le temps de chercher ce qui lui convient le mieux. En tout cas, qu'elle sent qu'elle peut le faire (il faut bien ça pour être motivé). Donc tant mieux, c'est vraiment cool. Effectivement, je suis la première à penser que les regrets, ça peut (ou non d'ailleurs) pourrir une vie, alors j'approuve forcément. Si on peut, c'est vraiment dommage de ne pas sauter le pas.
Mais comme beaucoup l'ont dit avant moi, ce que je trouve vraiment dérangeant, c'est l'aspect injonction. Après, si je me fie à ce que je connais du lectorat de Madmoizelle, on est plutôt des personnes de classe moyenne, et je pense que c'est exactement la population qui a le plus de chance de chercher à "réaliser son rêve".
Je crois que c'est totalement naïf de croire que tout le monde peut se permettre de vivre de sa passion, parce qu'un milieu social, ce n'est pas qu'une question d'argent. Désolée pour mes connaissances socio de seconde main, mais pour oser entreprendre un rêve professionnellement précaire, encore faut-il avoir un bon réseau - si ce n'est lié à sa passion, au moins amical et familial pour nous soutenir -, et avoir un peu d'expérience dans la pratique de sa passion pour être capable d'évaluer si on a du talent ou non - donc avoir eu le temps matériel de pratiquer ce qu'on veut faire auparavant.
Sans compter qu'il faut aussi avoir été élevé avec l'état d'esprit entrepreneur qui va avec. Dans certaines familles vraiment pauvres où on se soucie de savoir si on va pouvoir manger le soir, on n'attend qu'une chose : que ses enfants puissent devenir indépendants, qu'ils trouvent du travail. Bien sûr, il y a aussi des parents qui jouent le jeu de l'ascenseur social ou du rêve individuel dans les milieux pauvres et encouragent leurs enfants à faire des études ou à suivre leurs passions et heureusement - mais je pense malgré tout que pour de nombreuses personnes, laisser tomber son travail pour se lancer dans de l'incertain semble un pari beaucoup trop dangereux du fait de leur vécu, et ça me semble presque cruel de leur dire que si leur job n'est pas une source d'épanouissement, ils passent à coté de leur vie.
Ce qui m'a le plus gêné dans les injonctions et l'aspect prescriptif à la seconde personne de cet article, c'est (comme je le disais hier) que certaines personnes ont des tas de centres d'intérêts mais pas de passion et sont satisfaites de bosser dans un job qui leur plaît bien mais sans plus et pouvoir regarder leurs séries préférées ou lire, ou gribouiller, ou aller se promener, ou faire du sport, etc., en rentrant chez eux, ça les rend heureux. Mes parents n'ont pas choisi leur métier par passion, est-ce que ça veut dire qu'ils sont malheureux? Je ne pense pas. Je pense aussi qu'il ne faut pas avoir de regrets, ça ne veut pas dire que parce qu'on n'est pas passionné par son métier, on aura des regrets pour autant.
Personnellement, je suis très individualiste (depuis mes 16 ans je me fais cette réflexion que je veux travailler dans quelque chose que j'aime vraiment, que je veux me réaliser, etc.), et la difficulté pour moi ça a été de choisir entre tout ce qui m'intéresse (lettres ou sciences? anglais ou philo? etc.), parce que mes parents m'ont incitée à m'intéresser aux choses, à la culture, à être curieuse. J'ai adoré mes études et je suis encore curieuse de voir comment va évoluer ma vie. Mais j'ai énormément de chance derrière, j'ai l'éducation que m'ont donnée mes parents, j'ai le soutien de mes amis, et la foi qu'ils ont tous en moi.
Enfin, ça me semble absurde de prétendre qu'on sera passionnée tout le temps par ce qu'on fait parce qu'on a choisi ce qui nous convenait. Il y a toujours des cotés hyper relou à tous les métiers, toutes les formations. Passer des examens, se faire un réseau, se vendre, etc., c'est rarement fun. La raison pour laquelle on lâche tout par passion, c'est parce qu'on estime que les cotés pénibles valent largement les cotés positifs. Si on lâchait tout dès que c'est moins marrant, on ne ferait rien.
Donc au fond, même suivre un rêve, ce n'est pas de l'idéalisme, c'est du calcul (conscient ou intuitif). Moi-même, je fais passer la passion, la créativité et les amis en premier, mais ce n'est pas pour autant que je ne peux pas comprendre que pour d'autres, ce qui passera en premier ce sera la famille ou le confort, la stabilité, le couple, le luxe, etc - du fait de leur personnalité, ou leur vécu, ou leur éducation. C'est pour ça que j'aurais largement préféré un vrai témoignage à la première personne plutôt qu'un texte jonché d'apostrophes et d'impératifs en majuscules. Et non, ce n'est pas une simple question formelle, parce que ces passages à la seconde personne représentent bien un tiers ou la moitié du texte, et le propos d'une adresse directe n'a rien à voir avec le propos d'un témoignage. Effectivement, peut-être que c'est une simple question de maladresse, mais ça change le sens du texte.