Ah vaste sujet qui remue des passions!
Je voulais rebondir sur cette idée de corps sain et de santé... parce que c'est quoi, en fait, un corps sain? C'est quoi les critères? Faut se fier au poids, aux analyses sanguines ou à l'électro-cardio/encéphalogramme ou...?
Par ailleurs, pour pousser le trait --> s'il s'agissait d'une photo d'une personne ayant un bras amputé qui dirait "fuck off les difficultés d'avoir un bras en moins, moi j'y arrive très bien comme ça", est-ce qu'on se demanderait si elle fait l'apologie de l'amputation? ou si elle a un corps "sain" et en bonne santé? ("parce que objectivement, il lui manque quand même un truc!")
S'interroger et parler de l'obésité au contraire, c'est très bien... mais le soucis c'est de le faire dans de bons termes, je crois.
Tout d'abord, l'obésité
n'est pas un trouble alimentaire!!! Elle en est parfois (mais pas systématiquement)
une conséquence. C'est très différent! Trop de gens ont un regard désapprobateur, pensant que les gens en surpoids sont des gens qui se laissent aller, qui n'ont pas de respect pour eux même etc...
Mais il ne suffit pas de "se bouger", de "faire attention" ou encore de "se faire violence parce que mais enfin, vous pouvez pas restez
comme ça". Certaines personnes obèses n'y pourront jamais rien. Quelque soit la cause/l'origine, l'obésité est la conséquence de quelque chose sur laquelle on a rarement de prise! Lutter contre l'obésité, bien sûr
dans certains cas, c'est possible. Mais savez-vous combien il faut trouver de ressources, de force, pour y arriver?! Grands dieux, mais tout le monde ne peut pas trouver et mobiliser toute cette énergie! Et alors que faire quand on ne l'a pas, quand on ne peut pas, quand on y arrive pas? Ne pas trouver cette force fait forcément de la personne obèse un être faible et sans volonté?
Parlons santé, et
risques. L'obésité, ce n'est pas comme si je prenais demain une voiture, que je fonçais sur l'autoroute à 250 km/h et que je me viandais contre un platane. Là, on pourrait me dire "elle a appuyé sur l'accélérateur, elle connaissait les risques". L'obésité c'est un état dans lequel pour quelque raisons que ce soit, je me retrouve MALGRÉ MOI, que je subis. Ce n'est pas un choix que j'ai fait ni un mode de vie que j'ai choisi!
Je suis obèse. Et ce qui m'y a menée plus que des prédispositions certes naturelles au surpoids, ce sont de simples mots, répétés à l'envi.
On me disait "fais attention, personne ne voudra de toi
comme ça!!!!". Et je ne comprenais pas... je
suis "comme ça"! Je ne sais pas comment être autrement?! Est-ce ma faute, à moi, si j'ai ce corps? C'est simplement mon corps et je suis une enfant. Et j'ai à peine les seins qui poussent que ce corps devrait déjà être parfait? désirable? et correspondre à ces fameux standards et ces attentes dont mon entourage me fait la victime?
Ok la santé physique est importante, mais la santé mentale, dans tout cela?
Et puis après, après avoir fait n'importe quoi, devenue adulte, quand le mal est fait, quand, de un peu plus grande/potelée que les autres, je suis passée au delà des 100 kg, quand toute ma vie on m'a convaincue que c'était de ma faute, que j'étais nulle de ne pas réussir à mincir, que ça conditionnait tous mes échecs, que je n'ai jamais réussi à me sentir désirable, que je n'ai plus d'estime pour moi. Après tout ça, lâché comme une dernière tentative désespérée de me "réveiller" : "tu sais, tu devrais quand même faire attention, ce serait quand même mieux... pour ta santé. Oh c'est un conseil que je te donne hein". Je sais pas, mais moi, je le vis comme un jugement déguisé! Et un jugement qui fait mal. Dès lors, il est vrai que je deviens plus sensible quand on m'oppose cet argument! Alors c'est peut-être cela qui ici a déchainé les passions
Dans la vie de tous les jours, je suis sans cesse ramenée à mon poids, sans répit. Parce que j'ai du mal à me saper, parce que des tas de gens absolument pas méchants du tout trouvent utiles de me dire que "ah oué mais t'es grosse" comme si je ne m'en étais pas aperçue, et qui ont tous une solution facile pour "m'aider" ("mais si, on mange que de la salade, on fait un peu de sport et hop facile"), comme si j'attendais que ça pour mincir et que c'était la soluce à tous mes problèmes. Et puis si j'ai pas envie d'abord?
Mincir n'est pas, n'est plus, mon but premier dans la vie. Mon but premier c'est d'éliminer le poids intérieur qui m'empêche de m'aimer quelque soit mes mensurations.
Alors oui, je comprends "
l'argument santé" (cela dit vous savez quoi? à la fin, on meurt tous...!), je comprends qu'il n'est pas méchant dans le fond.
Mais je sais. Oui, je sais, que ma santé est en potentiel danger, je sais que je suis essouflée que j'ai mal parfois. J'en suis la 1ère alarmée, désolée, horrifiée. Parfois j'ai peur même. Mais c'est pas la peur et la conscience de ce danger qui fera disparaitre ce poids extérieur et intérieur. Je ne vais pas avoir réglé tous mes problèmes demain! J'espère trouver les armes pour! Et même quand j'aurais trouvé les armes - si je les trouve - le combat sera long. Et pendant ce temps je serais encore obèse.
Du coup, peut-être qu'en attendant la fin de cette lutte (quelqu'en soit l'issue) voir des gens s'affirmer, s'afficher, s'assumer et me dire que je peux être heureuse, désirable, et m'aimer, me trouver belle, non pas
malgré mon obésité mais
avec mon obésité, bah ça me fait un putain de bien, ça me fait
une pause.
Trop gros ou
pas gros, malade ou pas, dans ce cas précis, on s'en fout!!! Il s'agit d'être en harmonie avec ce que l'on est!!!
Et c'est peut-être en y parvenant que la lutte devient un peu plus possible? C'est peut-être cela qui sauvera de l'obésité des gamin(e)s dans mon genre plus tard, grâce à un cercle vertueux où le regards des autres sur soi deviendrait bienveillant parce que notre propre regard sur nous-même le sera, et vice-versa?
Je peux comprendre la peur de voir ce message détourné de son contenu pour faire l'apologie d'un problème qui reste un problème de santé public.
Mais le débat est ailleurs!!!
Il est dans la perception de l'Autre dans son altérité, dans la discrimination justifiée par tout et n'importe quoi, dans la vision encore archaïque de la femme qui dès l'enfance doit se conformer à des standards qui sont d'ordre sexuels qui n'ont rien à voir avec l'enfance, dans l'éducation, dans l'industrie agro-alimentaire.
Mais le débat n'est sûrement pas dans une photo d'une femme qui se trouve belle!
Cette femme me fait simplement sentir pour quelques minutes que mon corps n'est pas la prison dans laquelle on m'a enfermée malgré moi. Prison dont je ne peux maintenant sortir que par moi-même (et si j'y parviens ce sera grâce, je crois, à ce genre d'initiative).
(Merci pour celle qui seront arrivée à bout de ce long témoignage).