Perso mon corps j'ai aucune envie de l'écouter, parce que ce qu'il me dit ne me plaît pas : non seulement il met tous les mois en place un petit nid douillet pour accueillir un embryon dont je ne veux pas, mais en plus ça entraîne pour moi des douleurs, des saignements hémorragiques, des migraines, des sautes d'humeur... Il se trouve que les hormones permettent de le "faire taire" sur tous ces plans là, et je suis ravie d'avoir la possibilité de le réduire au silence, honnêtement.
Prôner l'écoute du corps c'est bien beau mais c'est oublier qu'on peut vivre sa "condition biologique" comme quelque chose de très violent ou juste de très désagréable, et que le patriarcat peut aussi nous renvoyer à cette condition là d'ailleurs.
Alors autant je comprends qu'on veuille "faire taire" son cycle si il est source de souffrance physique - ou si on est trans, en toute logique - mais par contre...
Je ne comprends pas qu'on rejette le cycle hormonal sous prétexte qu'il est là pour procréer : si on va par là, on devrait souhaiter supprimer toute libido également, puisque la libido, elle est là pour nous pousser à faire des bébés aussi.
Moi je pense qu'on peut accueillir sa libido et ne pas désirer / faire d'enfant, donc je pense qu'on peut accueillir son cycle sans pour autant désirer / faire d'enfants.
C'est comme ça : notre corps animal est conçu pour se reproduire, c'est juste à nous de choisir ce qu'on fait de ça. Est-ce qu'on se reproduit ou pas, est-ce qu'on bayze ou pas, mais le corps, lui, il est fait comme ça. C'est quand même positif d'être dans l'acceptation de son corps, et rien ne nous oblige à "obéir" à ses projets animaux : on peut sublimer toute sa libido dans l'art ou le sport de haut niveau si on n'a pas envie de bayzer, on peut ne jamais pondre de gosse mais bayzer tout plein, bref, on est libres.
D'autre part ce n'est pas la première fois que je lis l'idée que accepter son cycle / sa nature cyclique, c'est revenir à la condition d'utérus sur pattes dans laquelle nous place le patriarcat.
Or je pense que c'est plus compliqué que ça.
Certes, le patriarcat adore nous renvoyer à la cuisine pondre des marmots, mais le patriarcat cherche aussi à nous détourner de la connaissance de nos propres corps, en dévalorisant ce qui est "féminin" vs ce qui est "masculin"
(Désolée j'essaye d'être toujours inclusive mais là je vois pas comment le dire autrement, vu que c'est une distinction que fait le patriarcat)
J'entends par là : les règles c'est dégoûtant, une femme quand elle a ses règles elle est : (cochez les cases correspondantes) pas performante / susceptible / pleine de sautes d'humeur / incapable de faire la mayonnaise, donc une femme ce n'est pas "régulier" dans ses performances, donc le cycle c'est une faiblesse.
Ce qui est bien, c'est d'être "linéaire", chaque jour comme la veille, donc être un homme c'est bien (ils ont des hormones aussi mais elles ne fluctuent quasiment pas), être cyclique c'est nul.
D'ailleurs (c'est toujours M. Patriarcat qui cause), quand elle a pas ses règles, la fâme a des "pertes blanches", et c'est dégoûtant aussi. Souvent c'est des mycoses (pathologisation d'un phénomène non-pathologique). Et puis "pertes" ça évoque une absence de contrôle, une sorte d'incontinence.
Enfin, bon, c'est vrai, parfois c'est une sécrétion non-pathologique, liée au cycle (comme les règles), mais c'est beurk quand même, alors on va appeler ça "glaire cervicale" (note de l'auteur : la glaire est une sécrétion du corps, pathologique ou physiologique - sauf que la seule qui soit physiologique, c'est la cervicale, celle du cycle féminin. Les autres sont liées à des infections, des virus, des pathologies.) C'est bien, ça évoque du méchant molard de raclure de rhume, c'est au moins aussi dégoûtant que les règles.
Sauf que voilà, moi je suis pas d'accord avec tout ça : les règles, les fluides vaginaux qu'on retrouve périodiquement au fond de sa culotte, les variations d'humeur et d'énergie au fil du cycle, c'est pas dégoûtant, ni faible, c'est juste un corps en bonne santé.
C'est pas plus dégoûtant ni faible que la libido.
C'est bien d'être "linéaire", mais c'est bien aussi d'être "cyclique", et ça le patriarcat voudrait nous faire croire que non, y'en a un mieux que l'autre.
Je ne juge personne, j'ai moi-même "fait taire" mon cycle des années durant, parce que j'enviais les hommes et leur régularité, je trouvais pénible les sécrétions rouges ou blanches, les sautes d'humeur... j'étais donc sous hormones contraceptives en continu, et ça m'allait bien, et je n'avais pas d'effet secondaires.
Enfin je croyais, parce que quand j'ai arrêté les hormones artificielles, j'ai retrouvé une libido digne de mon adolescence, de l'énergie, de l'enthousiasme, de la colère, j'ai eu l'impression de rajeunir.
Or c'est peu probable, n'est-ce pas, de rajeunir.
La seule explication est donc la suivante : en fait je n'étais pas vieille.
Mon couple n'était pas "usé". Mais la contraception hormonale me mettait dans un état que je qualifierais de sous-dépression : c'est pas une dépression non plus, j'étais normale, pas triste, ni rien, mais libido faiblarde, énergie faiblarde, enthousiasmes rares, colères, affirmation de moi : rares aussi. Le truc c'est que ça avait été tellement progressif, au fil des années, que j'attribuais ça à l'âge.
Or non, ce n'était pas l'âge, puisque je me retrouve toute entière maintenant.
Du coup, je comprends que ce cycle que je méprisais parce qu'il faisait de moi quelqu'un d'"irrégulier", ben en fait, c'est lui aussi qui me donne cette énergie, cette libido, cette puissance émotionnelle et physique, même si ça varie au fil du mois.
Les hormones, c'est un truc vraiment hyper important dans le corps humain : et enlevez ses hormones à un homme, il va être surpris de découvrir en creux l'influence qu'elles ont sur lui, en fait.
Pour celleux qui ont un utérus, c'est plus (+) visible, mais c'est pareil.
Personnellement je ne prône pas nécessairement l'écoute / l'acceptation de son corps à tout prix, et je trouve très normal de vouloir le réduire au silence si on est trans, ou s'il y a souffrance physique.
Mais dans les autres cas, et quand le cycle n'est pas douloureux (les règles ça l'est toujours un peu, mais ce sont des contractions musculaires, c'est normal, ce n'est pas une pathologie comme l'endométriose par ex.), je dis que d'une certaine manière c'est jouer le jeu du patriarcat de rejeter son cycle. Parce que ça lui fait peur, au patriarcat, ce cycle qu'il ne comprend pas, ces êtres étranges qui sont une semaine pleins d'énergie et la semaine suivante pleins de désir, et la semaine d'après pleins de colère.
Alors il le dévalorise un maximum, pour que ça devienne honteux, faible, dégoûtant, pour qu'on s'en détourne.
Et c'est dommage.
Parce que, comme toutes les hormones humaines, c'est une source d'énergie considérable. Si certain.e.s sont bien avec la contraception hormonale, tant mieux ! Mais je trouverais positif qu'on valorise les méthodes non-hormonales (DIU, symptothermie, préservatif), parce que quand même, ce n'est pas "rien" dans l'équilibre corporel, les hormones.
Moi je dis : à quand les cycles en liberté et les porteurs de testicules en slip chauffant ?
D'autant que le slip chauffant, ça ne perturbe pas leurs hormones, ça inhibe localement la production de spermatos, c'est tout. Ça pourrait être un équivalent du DIU.
Mais c'est pas pour demain je crois ; et encore moins la pilule pour homme, je crois qu'ils ne voudraient pas voir leurs hormones chamboulées... et ils ont raison, en plus.
Ps :
@Poacée l'idée c'est pas de ne bayzer que dans les périodes non-fertiles, c'est de bayzer quand on veut, mais avec préservatif pendant la période fertile... pour les Madz qui sont au préservatif tout le temps par exemple, ça peut être intéressant...