Bon je reviens commenter plus en détails. Le discours "les femmes child-free sont plus oppressées que les femmes qui veulent des enfants" me parait très "dangereux" parce qu'il créé une opposition qui me parait totalement artificielle et qui nie les problèmes de l'autre partie. Les FEMMES sont oppressées. Les child free subissent une pression sociale, de même que les mères. Il n'y a pas "les child-free oppressées au profit des mères" ou l'inverse. Le principe du sexisme c'est que quelque soit ton choix et tes efforts pour te conformer aux injonctions du patriarcat, tu es PERDANTE.
Les "privilèges" des mères sont des faux privilèges. La société valorise une image de la mère pour que les femmes concernées par la maternité ne se rebellent pas puisque c'est soi-disant "positif" mais ça va avec son lot d'oppression. C'est la même chose que les filles "garçons manqués" vs les filles "féminines". Ce n'est pas parce que le patriarcat dit qu'une femme porte des talons hauts, des robes et du rouge à lèvre qu'en portant tout ça tu gagnes des privilèges sur les autres femmes. Alors certes, on va vanter ta "féminité" alors qu'on va reprocher à celles qui ne se conforment pas de ne pas l'être mais tu vas aussi recevoir des commentaires sur le "trop", trop de rouge à lèvre, trop de jambes montrées, des talons trop hauts etc. et ça peut aussi être très aliénants que de se retrouver en talons, ça te fatigue, limite certains types de mouvements, rend plus difficile la marche sur certains terrains etc. Donc, se conformer au modèle vanté par le patriarcat ne donne pas de réels privilèges mais des faux privilèges comme avoir des compliments sur ton physique, te faire payer des verres ou récolter les sourires condescendants voire libidineux des vieux cadres au boulot plutôt qu'un regard indifférent.
C'est la même chose pour les mères et les femmes enceintes. Elles ne récoltent pas de privilèges. Elles peuvent éventuellement être valorisées dans CERTAINES CIRCONSTANCES, mais ce sera une valorisation de façade. Et de même que les femmes "féminines" vont être valorisées pour leur conformité mais certainement dénigrées dans d'autres domaines (il vaut mieux avoir l'air "garçon manqué" pour être jugée compétente dans des sphères vues comme masculines ou pour faire des activités physiques), les mères vont être valorisées pour leur conformité mais dénigrées dans d'autres domaines.
Les arguments que tu as exposés
@iableauco pour témoigner d'une oppression systématique des child free que ne subirait pas les mères, ce sont des arguments liés aux droits sexuels et reproducteurs ainsi qu'à la pression sociale sur le désir d'enfantement. Mais les mères sont situation de fragilité voire de discrimination en dehors de ces sphères, comme au travail, et même dans ces sphères elles subissent également des pressions (parce que même après 3 enfants, c'est dur de se faire stériliser, que le corps médical leur impose un modèle standard sans trop leur demander leur préférence, parce que si tu veux un gamin à 22 ans t'es bien jeune, à 37 t'es bien vieille, à 27 ans tu as une carrière à privilégier etc).
Même les exemples avancés par
@Lilliy ne sont pas des "privilèges". Si une mère est prioritaire sur certaines choses au travail (l'ordre de départ en congés, le planning horaire etc.) ou bénéficie de certaines choses dans la vie sociale (réduction d'impôts, allocations, siège spécial dans le bus, priorité en caisse, embarquement prioritaire en avion etc.), ce n'est pas un "privilège", c'est à dire une faveur gratuite. C'est une
compensation face à une contrainte ou à un coût. Par exemple, ne pas être prioritaire pour les congés n'a pas les mêmes conséquences pour une maman et une femme sans enfant. La célibataire sera sûrement saoulée de pas pouvoir partir avec ses potes ou son copain/sa copine le 15 août et de devoir prendre ses vacances sans eux en octobre parce qu'une maman a eu les vacances en août. C'est relou mais bon, ya sûrement moyen de gérer, et les conjoint/les amis peuvent peut-être s'arranger s'ils sont sans enfants également. En revanche, une maman qui passe après une autre salariée ne pourra pas profiter de ses vacances avec ses enfants car ils doivent respecter des périodes scolaires prédéfinies, devra payer une nounou/une colo/le centre de loisirs pour les faire garder toute la journée au mois d'août, et si elle ne peut prendre ses congés qu'en dehors de la période scolaire, ça veut certainemnt dire qu'elle devra rester à la maison pour être là le soir quand les enfants rentrent de l'école, et ne pourra donc pas partir en vacances. La priorité sur le départ en congés n'est donc pas un "privilège" mais une manière de limiter les contraintes des parents. Je comprends que ça saoule de passer second mais pour des gens qui veulent lutter contre les inégalités sociales, je trouve que se plaindre de passer après les parents dans ce genre de situation n'est pas très logique.
Si on était à stricte égalité face aux congés, aux places dans les bus, aux impôts... les parents seraient clairement défavorisés par leur vie familiale et c'est plutôt positif que la société les aide à s'occuper de leurs enfants (je le rappelle, les enfants sont la catégorie la plus vulnérable de notre société, c'est normal d'en prendre soin collectivement).
Pour prendre un autre exemple pour illustrer ma manière de voir les choses.
La femme cadre subit le sexisme, tout comme la femme caissière.
Pourtant, au niveau de la classe sociale, la femme cadre est favorisée et la femme caissière structurellement infériorisée.
Alors oui c'est vrai mais cette comparaison n'a rien à voir avec le débat child-free/femme enceinte/maman
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Tu dis toutes les femmes subissent le sexisme mais elles subissent différemment les inégalités économiques. C'est exact, sauf que du coup, on parle de deux oppressions différentes, l'oppression du genre et l'oppression de classe. Les child-free et les mamans ne sont ni des classes, ni des orientations sexuelles, ni des genres, ni des ethnicités etc. Les oppressions qu'elles subissent restent dans la catégorie du sexisme, il n'y a pas une dominante et une dominée (même si on peut parfaitement remettre en cause la théorie dominante/dominée hein!) parce que si au dîner de Noël Grand-Mère va dire plus de bien de sa petite-fille maman que de sa petite-fille child-free, ou que les magazines vont vanter la Mamma, il est fort possible que dans la progression professionnelle au sein de l'entreprise Mme Child-Free soit favorisée face à Mme Quatre Enfants. Aucune des deux ne domine l'autre en permanence, ça dépend des situations et ce n'est donc pas structurel. A l'inverse, sur l'échelle des classes économiques, la caissière ne dominera jamais la femme cadre. Si la femme cadre subit certaines oppressions (elle est noire et la caissière est blanche par exemple), ce n'est pas son statut de femme cadre qui est "mouvant" mais un autre facteur qui affecte sa position sociale.
Donc dans ton exemple, les deux femmes subissent le sexisme. Les effets du sexisme vont être plus ou moins violents en fonction des autres privilèges qu'elles peuvent mobiliser pour compenser, mais elles sont bien toujours infériorisés par rapport aux hommes. La femme caissière n'est opposée à la femme cadre que sur le plan des classes sociales, pas sur le plan des genres. Or, je ne vois pas en quoi mères et child-free sont opposées avec des intérêts divergents. Elles appartiennent au même groupe et ont les mêmes intérêts : gérer leur corps et leur plan de vie selon leur volonté.
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Sinon j'ai vu pas mal revenir "et pourquoi Beyoncé elle dérange pas quand elle est enceinte?". Mais perso, je trouve que les photos de grossesse de Beyoncé sont justement intéressantes parce qu'elles sortent un peu des clichés habituels.
Souvent, la photo de grossesse classique est centrée sur le ventre avec une femme qui semble en retrait, regarde son ventre, comme si elle disparaissait derrière son futur bébé. A l'inverse, sur sa photo la plus célèbre et sur d'autres, Beyoncé regarde la caméra franchement, avec un regard qui semble dire "je reste la reine", ou elle regarde sa fille, mais jamais son ventre (enfin j'ai pas vu les photos où elle regarde son ventre s'il y en a!). Et son ventre n'est pas parfaitement rond, de face, entièrement exposé comme un roi, il est à moitié couvert sur plusieurs clichés (par des fleurs, un tissu, ses cheveux), de profil. En plus, dans plusieurs des clichés, le décor est si esthétique et extravagant que ça décentre vraiment le regard du ventre en lui-même. Sur certaines photos, on est plus attirés par son rouge à lèvres, ses cheveux et sa lingerie que son ventre.
En bref, dans ses photos Beyoncé me donne vraiment l'impression d'être contente de partager une situation importante pour elle, mais sans pour autant se définir comme "une femme enceinte". On dirait que sa grossesse est limite un état comme un autre, comme elle posterait des photos stylisées de l'inauguration d'Obama ou d'un autre moment essentiel de sa vie. Je pense que c'est en partie ce qui explique que ces photos aient autant buzzés et n'aient pas dérangé des gens habituellement dérangés par les photos de grossesse : Beyoncé réussit à s'affirmer comme un individu qui se trouve être enceinte et non comme une femme qui a basculé dans le statut "enceinte". On dirait aussi qu'elle ne se définit comme ni fragilisée, ni adoucie, ni magnifiée par la grossesse, elle reste la même femme belle et affirmée qu'elle est sur ses autres photos.
Et c'est un peu ça que je regrette que MadmoiZelle ne perçoive pas dans la grossesse/la maternité, que ce n'est pas une "casquette" ou "un statut à part" mais juste une facette de la vie de plusieurs femmes, sans exclure le reste de leur vie, et qui peut donc être traité comme ça, sans se prendre la tête.