Ahah tu m'as fait trop rire!
C'est clair que quand je vois les ados d'aujourd'hui, j'ai juste envie de les espionner pour rigoler de leurs passions dignes d'un Harlequin moins l'action!
Moi et ma meilleure amie aussi ont a été des ados psychopathes de l'amour.
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Moi j'étais pas amoureuse du beau gosse du lycée, j'étais amoureuse de l'intello cool. Vous savez, celui qui réussit l'exploit d'être respecté voire adulé par les racailles rebelles alors qu'il est toujours premier de la classe, qu'il connait par coeur son cours d'Histoire et aime ça, et qu'il dit souvent "vous êtes immatures les gars" quand ses potes foutent le bordel en classe. Bref, ce mec, je l'admirais.
Je suis tombée amoureuse de lui en 4e et ça a vite tourné à l'obsession.
Une fois, il a été absent 15 jours parce qu'il était parti en voyage avec ses parents. J'ai déprimé tout le temps, j'avais peur qu'il ne revienne jamais, je mettais des croix dans mon calendrier pour chaque journée que je passais sans lui.
Je le regardais tout le temps en classe. Je crois qu'il m'a grillée plusieurs fois et je ne voulais surtout pas qu'il le sache mais je n'arrivais pas à m'en empêcher.
Je me souviens avoir découpé des extraits du journal télé parce qu'il y avait une série qui passait avec un héros qui s'appelait comme lui et du coup, son nom apparaissait dans le résumé et ça me transportait de le lire.
Un jour, il m'avait emprunté mon livre de latin et avait ECRIT UN MOT dessus!!!! Un truc hyper sensuel du genre "salut, j'écris sur ton livre de latin". Bouleversée, j'ai photocopié la page après avoir recopié son mot dans mon carnet. Et comme ça ne suffisait pas à retranscrire la vraie émotion du moment, j'ai fini par l'arracher (même si ma mère voulait revendre le bouquin) et la garder dans ma boite à souvenirs.
J'écrivais aussi le contenu de toutes nos discussions, ce qui ressemblait souvent à :
- Hé Morgane! T'as une gomme?
- Oui. Tiens.
- Merci.
Il faut dire que je n'osais pas lui adresser la parole en première et c'était un vrai exploit dont je me réjouissais des semaines quand j'osais lui demander de me prêter un stylo. Je ne lui disais même pas bonjour la plupart du temps, alors qu'il était ami avec une copine...
A la fin, je souffrais réellement le martyre, surtout que je ne l'ai dit à personne pendant des années. Je m'enfermais dans ma salle de bains, je mettais le chauffage au maximum pour être dans une ambiance bizarre et je recopiais dans mon journal intime des très longs passages des
Liaisons Dangereuses, des poèmes de Lamartine et des dialogues des pièces de théâtre classique car je trouvais que ça parlait trop bien d'amour tragique, comme le mien.
Mon amour passionné a duré deux ans et il s'est arrêté en Seconde car on n'était plus dans la même classe.
Mais même si ça parait ridicule et sur-dimensionné, ça m'a vraiment rendu malheureuse à l'époque... Je veux bien croire que les ados ont un cerveau nevrosé!
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Ma meilleure amie, elle, avait plus d'ambition. Dès la 6e, elle avait jeté son dévolu sur le beau gosse du collège, un gars de 5e qu'on surnommait avec beaucoup d'originalité "X".
Je remets les choses en perspective. J'étais en 6e ya une quinzaine d'années (oui j'ai plus de 25 ans) : à l'époque, yavait pas de Facebook, pas de skyblogs, pas de MSN, pas de téléphone portable avant 18 ans, et la plupart des ados n'ont même pas su utiliser Internet avant 14 ou 15 ans, et alors c'était surtout pour dire "ASV" sur le chat de Caramail. Du coup, les méthodes de stalking du beau gosse, c'était vraiment à l'ancienne, de l'ARTISANAL pur, un travail de détective de haute volée!
Grâce à une enquête de fond, ma copine a réussi à apprendre le nom et la classe du beau gosse.
Du coup, on s'est infiltrées dans la salle des cahiers de classe pour pouvoir découvrir sa date de naissance et son emploi du temps. Ben oui, sans Facebook et Internet, découvrir une date de naissance c'était une vraie victoire, on avait l'impression de toucher à de la news hyper perso.
Grâce à l'emploi du temps, on a pu rester plus tard à la fin des cours pour guetter sa sortie. On l'a suivi jusque chez lui pour noter son adresse. On a même essayé de découvrir son code de porte d'entrée mais c'était trop dur de faire ça discrètement donc on s'est contentées de l'adresse.
Ma copine a commencé à lui envoyer des lettres. Elle lui disait qu'elle l'aimait et qu'elle voulait sortir avec lui. Au début c'était anonyme, puis en prenant en assurance et en arrivant en 5e, elle a commencé à les signer de son nom et de son numéro de classe. Elle lui envoyait des cartes postales de chaque endroit où elle allait en vacances.
Je précise qu'ils ne s'étaient alors jamais parlés.
Au bout d'un moment, frustrée de voir qu'il ne répondait jamais à son courrier, elle a fini par joindre sa photo pour qu'il sache bien qui elle était. Mais comme il ne venait toujours pas lui parler, elle est allée le voir en lui demandant cash s'il voulait sortir avec elle. Il a répondu qu'il ne sortait pas avec des filles plus jeunes mais elle ne s'est pas découragée pour autant.
Il y avait une nouvelle dans la classe, une fille de 13 ans qui avait l'air d'en avoir 18.
Ma copine l'a approchée, lui a parlé du beau gosse et l'a convaincue de sortir avec. Grâce à cette fille, elle a pu obtenir le numéro de teléphone (fixe) du mec et à partir de là, on l'a appelé souvent pour entendre sa voix avant de raccrocher en gloussant. Parfois, on tombait sur sa mère, on demandait à lui parler et on raccrochait quand il disait "Allô?".
Yen a qui ont porté plainte pour harcèlement pour moins que ça...
Elle l'appelait aussi à son anniversaire (avant elle avait envoyé des cartes postales) et cette fois le lui souhaitait vraiment. Il disait merci bonne journée, sans poser plus de questions. Il ne demandait pas comment elle connaissait son numéro, ni sa date d'anniversaire... Il disait juste "merci d'y avoir pensé".
Au fil des ans, elle n'a jamais lâché l'affaire, même si elle est sortie avec un ou deux mecs entretemps, et elle a réussi à se rapprocher un peu du beau gosse.
En 4e, elle le coinçait dans les escaliers pour lui dire bonjour et lui faire la bise, même s'il était pressé ou en pleine conversation.
En 3e, c'est lui-même qui lui disait bonjour.
Avec le recul, je ne comprends pas comment il n'a pas plus flippé. Il ne l'a jamais envoyée balader alors qu'elle connaissait tout de sa vie sans Facebook et sans lui avoir vraiment parlé! Mais je crois qu'il recevait d'autres lettres et appels d'autres filles, que c'était son quotidien d'être espionné.
Après, ma copine a changé de lycée et elle a oublié le beau gosse. Mais ça ne l'a pas empêchée de l'ajouter, une fois adulte, sur Facebook et il lui a même écrit un "hé ça fait longtemps! tu vas bien?" sur son mur.
On s'est dit que le nous de 6e aurait tué pour avoir ça