J'habite à la campagne, alors je ne prends pas trop les transports en commun (enfin un peu le train mais le matin, tout le monde ronque, donc...).
Cependant, j'ai été étudiante, dans une autre vie, et je me souviens une anecdote.
Je rentrais de chez une amie au centre-ville à chez moi, un peu en banlieue. Je prends donc le tram (on est à Nantes). En face de moi, une dame, genre 45 ans, sur un strapontin. Il fait déjà nuit, car on est en hiver, même s'il n'est pas très tard (genre 21- 22h). Le tram est pas bondé, mais pas mal plein.
A un arrêt montent deux types, un peu cas sociaux, peut-être des SDF, l'un complètement mort bourré, son copain un peu mieux, mais à peine. Le bourré, incapable de tenir debout dans un tram en marche, prend la place à côté de la dame.
Pas méchant, le type essaie de taper la discute avec la dame, comme un gars bourré qui causerait à quelqu'un au comptoir. Sauf que la dame est terrifiée. Faut dire que ça ne sent pas très bon, le mélange bière/vomi. Il est à la limite de lourd (genre j'essaie de dragouiller, gentiment s'il avait été sobre, mais ce n'est pas le cas), et dans cette situation, je me rends compte, ça peut tourner un peu n'importe comment, surtout si la dame s'énerve ou reste dans son coin, parce qu'il insiste quand même pour avoir des réponses, même s'il ne monte pas le ton... Encore! Forcément, bourré comme un coing qu'il est, il se rend pas compte que la dame a peur. Le pote un peu moins bourré se rend compte qu'un truc va pas, sans trop pouvoir analyser la situation, essaie de calmer le jeu: -héhé, laissela dame machin! Ménon, onfait que causer, paulo! Mais je crois que tu l'embête, là!" La dame, terrifiée, ne dis rien.
Je me penche, fixe le mec dans les yeux, et dit, coupant la conversation de bourrés: "Je crois qu'il a raison, votre copain, vous vous êtes bien amusés tous les deux, mais elle elle est pas trop dans le trip, là la dame.... Je crois vous lui faites un peu peur." La dame me jette un long regard d'espoir-terrifié. Quelques personnes qui surveillaient la situation se tournent vers moi. Le gars "Habon vous croyez? Je hoche la tête. Mais je voulais pas faire peur moi! Je sais, je réponds. C'est pas grave, hein, c'est normal de pas voir la réaction des gens quand on sort des bars! Mais mieux vaut causer avec les copains dans ce cas. Eux ils savent, ils vous connaissent!"
Au final, il a fini par se taper la discute avec son pote le paulo plutôt qu'avec la dame, qui a quand même supporté l'odeur, la pauvre, et on a dû le réveiller pour qu'il sorte au bon arrêt, avec son copain.
Tout ça pour dire que oui, la pédagogie ça marche. Dans certaines situations (et je ne suis pas sûre que ça ait servi, il a sans doute tout oublié le lendemain, y compris d'avoir harcelé la dame!). En l’occurrence, plusieurs facteurs à mon avis ont favorisé ce dénouement:
-Il y avait pas mal de gens (faut savoir faire, quand ça dégénère, les interpeller en particulier genre "vous à la casquette!" et gueuler bien fort, et dans ces conditions, ils viennent aider. Si on reste dans son coin, les humains sont des moutons... Mais si on sait faire, ils servent quand même de protection!).
-Le type ne menaçait pas la dame, c'était visible qu'il était inconscient de la situation. La mauvaise intention n'était pas là, et c'était clair. Dans sa tête, il ne faisait que gentiment causer avec une dame, et ne s'était pas rendu compte que quelque chose clochait. Ce n'est parfois pas le cas.
-Paulo était mon allié. Tout seul il n'arrivait pas à gérer son copain, mais avec moi pour verbaliser, j'avais les mots, et lui, c'était son copain. A nous deux, on faisait un copain sobre... Donc on gérait la situation.
-J'ai une grande expérience de la gestion des gens bourrés. (dans une vie encore plus lointaine, je fus étudiante en Belgique. A Liège. Avec les week ends dans le Carré, pour ceux qui connaissent). Je sais à peu près quoi dire et comment. Là je n'étais pas directement visée, mais à la place de la dame, j'aurais pu faire la même chose, et je peux l'affirmer sans trop de prétention. Surtout que je pouvais invoquer la foule en cas de dérapage, donc zéro trouille. (Sans la foule, un peu trouille quand même; mais un mec bourré à ce point, ce n'est pas très dangereux, sauf quand c'est armé... Tu es toujours plus rapide que lui!)
Sans tous ces facteurs, j'aurais sans doute invoqué le premier des quatre, au moment où il aurait levé le ton, et je n'aurais, je pense, pas été la seule, parce qu'au moins trois-quatre personnes surveillaient la scène. La pédagogie, c'est mieux, tant que ça se fait dans le calme, et que vous pouvez invoquer la foule en cas de dérapage. Dans le cas contraire, sans la foule, la fuite ou la baston me semblent préférable. (choix dépendant de la carrure du harceleur, de la vôtre et de votre capacité à courir vite... Avec possibilité de faire les deux dans le désordre). Dans le cas de Clémence, ne connaissant pas les intentions, n'ayant ni allié ni foule à invoquer, je crois que j'aurais déguerpi... Trop grande prise de risque à mon goût... Heureusement, le second facteur était là, même si le connaître n'était pas évident! Mais qui sait, peut-être Clémence l'a-t-elle inconsciemment décodé dans l'attitude corporelle de ce Bilal!
Pour moi, la pédagogie s'impose toujours... A partir du moment où la situation le permet. C'est à dire si on est certaine de s'être mise en sûreté, avant.