Tout à l'heure j'étais à la caisse et une dame (je ne saurais trop dire quel âge elle avait mais elle était plutôt jeune) a demandé au couple me suivant si elle pouvait passer, en montrant sa carte prioritaire (je ne l'avais pas vu au départ donc j'avoue que je me suis demandé sous quel prétexte elle passerait devant nous
); elle expliquait très gênée que la caisse prioritaire était fermée et qu'elle ne pouvait pas passer aux caisses automatiques car elle avait visiblement un article qui était sous une boîte en plastique très rigides (en gros un super antivol, je ne sais pas si vous voyez); et qu'elle ne savait pas comment faire passer ce genre d'article à la caisse.
Les gens l'ont laissé passer et la caissière lui a redemandé (elle n'avait pas tout suivi) si elle ne pouvait pas passer aux caisses automatiques, la dame a dû réexpliqué qu'elle avait un article particulier, la caissière a dit "mais quelqu'un va vous aider", la dame a dû réexpliquer (
) qu'elle avait attendu et qu'il n'y avait personne. Je me suis poussée pour la laisser passer et elle m'a redemandé à moi si elle pouvait bien passer à quoi j'ai répondu que bien sûr.
Ça m'a fait penser à la vidéo de Margot de la chaîne YT
Vivre avec sur la carte prioritaire, et à quel point c'est déjà difficile de devoir demander. J'ai pas compris pourquoi la caissière a insisté, a fait des atermoiements (elle n'était pas antipathique du tout, juste prise au dépourvu je crois) : elle a la carte prioritaire, elle passe, et un point c'est tout.
Ça n'a pas duré longtemps, quelques poignées de secondes, mais ça a dû lui paraître long, et à sa place je sais que ça m'aurait ruiné mon humeur et mon sentiment personnel de dignité pendant plusieurs heures. J'avais envie de lui dire que je la comprenais, et qu'elle était dans son droit le plus strict.
------
Sinon j'ai regardé ce numéro de l'émission
Philosophie, animé par Raphaël Enthoven sur Arte, portant sur le handicap. Autant j'ai apprécié ce que disait Hibon sur la vulnérabilité et le fait qu'on est dans une société de la performance et que c'est pour ça que le handicap met mal à l'aise, autant toute la partie sur l'humour...moui.
Par ailleurs Enthoven fait référence à une lettre de Spinoza qui dit en substance qu'un aveugle qui se plaint de sa condition, ne le fait que parce qu'il se compare à ceux qui ont la vue; mais qu'il aurait totalement tort car "c'est parce qu'il se compare qu'il se plaint alors que son essence individuelle est d'être ce qu'il est" (je cite le résumé d'Enthoven). Bon à la limite, on peut réfléchir à ça. Ensuite il dit en gros :
l'aveugle qui se compare serait dans la situation de quelqu'un d'inconsolable de ne pas avoir d'ailes dans le dos; si tout le monde avait des ailes dans le dos, on souffrirait, nous, de ne pas en avoir, parce qu'on se compare.
- Bon déjà, perd la vue ensuite on verra si tu peux philosopher sur la cécité et te sentir légitime à dire si oui ou non c'est grave et si on a le droit de s'en plaindre.
- Ensuite il n'a rien compris cet homme. Si tu vis dans un monde où tout le monde a des ailes et pas toi et que tu te plains, ne pas l'accepter risque certes de te rendre malheureux, même si le sentiment d'être différent, marginalisé voire exclu peut se comprendre. Mais si tu vis dans un monde où tout se trouve dans les airs, et où il faut
en plus des ailes pour tout faire, et où personne ne fais rien pour que tu puisses avoir accès aux mêmes choses, aux mêmes droits que les autres, et bien oui, c'est normal de se révolter.
Ce mec-là pose en philosophe mais faut surtout vraiment qu'il descende du monde des idées hein
(au moyen de ses petites ailes platoniciennes)