Je trouve cette histoire très intéressante. Non pas l'affaire de viol, qui en soit est plutôt tristement banale, mais le traitement médiatique qui en est fait.
Cette histoire est très révélatrice des mécanismes des médias et du public. A Madmoizelle, vous voyez la négation du viol sous l'angle du victime-shaming, ou encore le fait que la victime d'une agression sexuelle est un homme. Moi ce que je vois dans cette affaire, c'est que la victime c'est Shia LaBoeuf, et ça n'est absolument pas anodin.
Soyons clairs, Shia LaBoeuf a toujours été détesté par tout le monde : les médias, le public, l'industrie cinéma (qui lui a filé des rôles pourris pendant longtemps). Pour une raison inconnue d'ailleurs, il n'est pas si mauvais. Peut-être parce qu'il a commencé sa carrière dans une mauvaise sitcom?
En tous les cas, cette détestation a dû jouer sur sa façon d'appréhender ses relations aux médias, et depuis qq années il réagit de manière extrême : c'est devenu LE spécialiste du (bad) buzz. Il s'est construit un personnage détestable (et détesté!) de people sans talent prêt à tous les excès pour faire parler de sa personne. Peut-être qu'il est véritablement un artiste contemporain impliqué, je ne sais pas trop en fait. Mais ce que les gens retiennent de lui, ce sont ses apparitions "scandaleuses" et ses déclarations débiles dans la presse. Il a amorcé un virage artistique plutôt violent après des blockbusters, en apparaissant nu dans un clip de
Sigùr Ros. Puis il a joué dans Charlie Countryman et Nymphomaniac, films pas très fédérateurs. Il s'est mis à dégoiser toutes sortes de conneries dans la presse, avant de commencer une série d'apparitions/performances durant des raouts hollywoodiens... A tel point que certains journalistes ont commencé à se demander s'il ne refaisait pas le coup de
Joaquin Pheonix!
Au fond de moi, je suis persuadée que le "personnage" Shia LaBeouf est une construction totale, une sorte de double médiatique, un exutoire ou encore une blague. Mais que ce soit le cas ou non, là c'est carrément en train de lui jouer des tours.
C'est le syndrome du garçon qui criait au loup :
il a tellement tiré sur la corde médiatique, que personne ne le croit. Et si c'est vrai, alors il y a une morale à cette histoire : à force de faire le con, tu récoltes des problèmes (comme un viol bien mérité, par exemple). (personnellement je trouve que l'histoire du garçon qui criait au loup est une tartine de merde, mais bon...)
En parlant de son agression, Shia LaBeouf a livré son corps en pâture aux chiens. Évidemment qu'il va se faire déchirer. Et c'est terrible, parce que ça veut dire que les mentalités n'évoluent pas tant que ça. Au delà de l'affaire de viol, être différent, ou moqueur, ou simplement antipathique (Shia l'est souvent), est un crime dans notre société. Même un artiste n'a pas la liberté de dire "je vous emmerde" ou "je me fous de votre gueule" sans un retour de bâton violent. (on ne parle pas d'un Bill Crosby qui a violé des filles là, mais d'un acteur qui a envie d'exister - ouah le crime!) Le microcosme hollywoodien, si "ouvert" et "tolérant" à l'excentricité, se révèle être un beau trompe-l'oeil. Et les médias s'engouffrent dans la brèche, avec à leur suite nous, les quidams qui lisont la presse people, et tout le monde a une opinion valable sur cette affaire.
Shia a t-il eu tort? Je ne sais pas. La plupart des gens vous diraient qu'il a forcément tort sur un des tableaux : tort d'être célèbre, tort de faire le malin depuis des années, tort d'être un homme, tort d'avoir évoqué son viol... Va-t-il s'en mordre les doigts? Assurément. Les gens -frustrés, en colère, que sais-je?- vont lui faire boire la coupe médiatique jusqu'à la lie, soyez en sûrs.
Je suis curieuse, j'avoue, de voir comment cette histoire va évoluer. Est-ce qu'il va se retirer dans un monastère? Est-ce qu'il va pleurer son mal-être chez Oprah? Est-ce qu'il va se James Franco-iser et pondre un documentaire trash sur les viols de célébrités? Je sais que c'est très cynique, mais j'ai envie de voir la suite...