Ce n'est pas le sens intrinsèque et exclusif du mariage (la "logique de l'institution"), même si Henri VIII avait déjà joué là dessus en son temps (... pour se marier avec Anne Boleyn qui lui plaisait plus) ! Pendant très très longtemps, le mariage avait pour vocation d'unir des familles pour créer des unions familiales politiques par-dessus le couple individuel. Le mariage a longtemps été un ressort politique en fait, qui avait peu de choses à voir avec la micro-famille (un père, une mère, des enfants), c'était une question de dynastie et de pérennité du pouvoir et des privilèges (ça avait un sens nobiliaire). Et, aussi, la pression pour procréer n'est pas la même dans une culture comme la nôtre où la mortalité infantile est quasi nulle, ou les soins, la médecine, la technologie, permettent d'élever un enfant sans trop se dire qu'il va mourir dans les cinq années à venir et sans devoir procréer encore et encore pour s'assurer qu'on aura une filiation (ce qui à mon avis explique la position religieuse du temps de Jésus/Mahomet jusqu'aux progrès modernes/contemporains de la médecine). De la même façon, on a quand même dépassé cette question de la procréation dans le couple/dans l'union, tout au long des XIXème siècle et XXème siècle. L'exemple le plus évident, c'est la pilule ou le stérilet, qui font que de nombreuses personnes mariés aujourd'hui rejettent la conception (ou de continuer à concevoir après un, deux ou trois enfants). Pourtant s'ils ont choisi d'être mariés, c'est bien qu'il y avait quelque chose dans le mariage qu'ils ne trouvaient pas ailleurs. A chaque fois je pense aux romans de Jane Austen à propos du débat sur le sens du mariage. Ce qui est en débat d'ailleurs, ce n'est pas "doit-on se marier pour avoir de beaux enfants vigoureux?" mais "doit-on se marier pour s'assurer une place sociale à notre faveur/des raisons financières" ou "doit-on se marier par amour?". Donc, oui, ça fait à peu près 150 ans que le mariage par amour est perçu comme une évidence pour beaucoup de gens. D'ailleurs aujourd'hui les gens se disent quand même rarement "je veux des enfants, alors je vais trouver la mère/le père de mes enfants et l'épouser pour procréer" mais plutôt "j'aime cette personne et je veux que ça soit le père/la mère de mes enfants". Et on le dit rarement sous cette forme hautement poétique : "t'as de beaux chromosomes XX, tu sais? ça te dit qu'on mélange notre patrimoine génétique?
). Tout ça pour dire que si on voit notre compagne/compagnon comme parent de nos enfants, ce sont pour ses caractéristiques morales et personnelles, parce qu'on pense qu'ensemble on sera de bons éducateurs. Dans ce sens, ni le mariage, ni l'adoption ne s'opposent à la relation couple/famille telle qu'on la pense aujourd'hui.
Et je pense que le PACS n'a pas le sens rituel fort du mariage, il est intéressant au niveau administratif bien plus que symbolique. Personnellement, si je ne veux pas me marier, c'est que je ne suis pas du tout attirée par l'idée d'une reconnaissance sociale forte de l'existence d'un couple pour moi. Se marier, c'est faire reconnaître l'existence de notre couple dans la communauté. Et c'est aussi pour ça que je suis en faveur du mariage des homosexuels, parce que tant qu'il n'y a que le PACS, il n'y a pas cette symbolique forte, et les homosexuels restent des exclus sociaux, des couples impossibles ou improbables au yeux de la nation. D'ailleurs, il me semble que quand on emménage avec quelqu'un, il est tout de suite présumé que deux personnes de sexes opposés sont en concubinage alors que deux personnes du même sexe sont a priori perçus comme des colocataires, ce qui implique un déni de l'homosexualité (entre autres choses).
Le PACS, c'était une mesure pour commencer à intégrer les homosexuels qui n'est pas suffisante pour reconnaître leur existence sociale. Si plusieurs filles parlent d'homophobie dans le rejet du mariage/adoption homosexuels, je pense que c'est aussi pour ça : la place donnée à l'homosexualité reste marginale tant qu'on ne reconnaîtra pas la solidité du couple homosexuel et sa capacité à être uni dans l'éducation des enfants. A mes yeux, ce n'est pas seulement un procédé discriminatoire, c'est aussi violent, c'est nier ce que sont les homosexuels, c'est-à-dire des personnes qui sont bien loin d'être socialement déviantes puisque l'amour, la conception du couple et de la famille est la même que chez les hétérosexuels majoritaires et que la seule chose qui change, c'est leur sexualité. Qui au demeurant ne regarde personne.