J'avoue que j'ai survolé quelques réponses alors si je me répète, hésitez pas à me le dire :
Je suis prof depuis quelques années et... J'ai eu une scolarité assez mauvaise.
J'étais première de la classe mais : je me suis fais harcelée des années alors que les profs fermaient les yeux, j'ai eu deux profs de math qui m'ignoraient purement et simplement (je suis dyscalculique...) et j'ai eu des profs de sport qui m'ont humilié publiquement en encourageant les harceleurs de ma classe à s'acharner sur moi (ça implique de me déshabiller devant la classe en sport... Avec le recul je me dis que j'aurais du appeler la police, BREF).
Alors pour les autres profs qui viennent excuser les comportements des profs, je suis d'accord qu'il y a de la pression dans ce métier. MAIS. Dans la classe, quoi qu'il arrive, la seule chose qu'on peut contrôler entièrement, c'est nous et nos réactions. C'est con à dire mais c'est comme ça. Et mine de rien, on est des adultes. On connait la psychologie, le développement moral, le développement du cerveau et les causes sociales derrière certains comportements (au moins dans le pays où j'enseigne). Et sincèrement, ouai j'ai déjà eu des gamins qui ont dit des trucs immondes, qui ont balancé des meubles dans ma classe car ils en avaient marre. Mais à la fin, dans l'histoire, ce sont des gosses qui ne peuvent pas toujours contrôler leurs émotions. Certains ont souffert de négligence étant bébé ou enfant et du coup, y a rien qui réagit comme les normes sociales. C'est de sa faute ? Pas tellement quand on y pense...
Ça me rappel l'effet de Lucifer, la prison de Standford tout ça. Quand on a une administration qui nous couvre quoi qu'il arrive et qu'on est face à des gens qu'on doit contrôler malgré tout, je pense que les abus peuvent arriver assez facilement. Et ça me désole.
Pendant mes recherches professionnelles sur le comportement, j'ai lu un super témoignage. La prof avait un élève particulièrement difficile dans sa classe et un jour, elle a été observée par un collègue (c'est très courant dans les pays anglo-saxons) et l'élève a fait le bordel malgré le fait que la prof lui avait demandé d’être calme. Et quand elle lui a dit qu'elle n'était pas sure de quelle sanction appliquer, l'élève lui a répondu "traitez moi comme l'élève le plus studieux de la classe." Et je sais qu'il y en a qui vont sauter au plafond, mais c'est juste je trouve. Revenir chaque jour en se disant que c'est un nouveau jour et qu'il faut oublier les griefs des jours précédents c'est des fois impossible mais il faut essayer. Et aussi se rendre compte que les gamins c'est des humains, ils ont des jours avec et des jours sans et que des fois, faut les laisser tranquille. Je suis pas une fine psychologue mais quand je suis à ma porte pour accueillir les gamins, je vois qui est en forme et qui il ne faut pas trop déranger pour une raison X ou Y.
C'est là que je me rends compte que là où je bosse on est quand même au top. On a des aménagements pour les élèves timides (possibilité de répondre par écrit pour les questions...), les élèves autistes (des pièces de stimulation ou d'isolation sensorielles...), les élèves en difficulté (des assistants en classe...)... On accepte que tout le monde n'est pas à la même enseigne pour progresser et aussi, on accepte que deux élèves n'auront pas les mêmes compétences donc c'est pas super de mesurer une seule chose. On a une liaison avec les écoles primaires et on a des dossiers détaillés de chaque élèves pour savoir comment ils sont et si leur comportement a changé lors du passage au collège. On s'observe, on a une obligation de s'auto-évaluer régulièrement, d'aller à des développements professionnels, on nous motive à faire de la recherche, à partager nos trouvailles...
Aussi je crois qu'un truc que je me FORCE à faire malgré que ça me plait pas sur le moment, c'est d'admettre que je me suis trompé. C'est un truc pas facile à faire devant 30 gamins, mais je me force car j'aime pas ce rapport de force. Je préfère voir mes élèves comme des collaborateurs avec qui on va arriver jusqu'à la fin de l'année tous ensemble en s'entraidant. Et je pense que la France doit repenser tout ce qui concerne l'école. Les protocoles sur le harcèlement, le rapport prof-élève, les programmes, les stratégies d'enseignement, de résolution des conflits... Tout. Car moi, quand j'y étais, ça marchait pas. Juste, non. J'étais première de la classe et pourtant, j'ai commencé à boire de l'alcool très jeune pour être saoule à l'école car le harcèlement et l'obstination de l'école à faire semblant de rien voir était trop horrible, les profs m'ont persuadé que les sciences c'était pas pour moi alors que maintenant je découvre qu'IL N'Y A PAS UNE SEULE FAÇON D'APPRENDRE.
Enfin voilà. Le monologue d'une convertie aux méthodes d'enseignement alternatives.