Moi aussi, je lui en veux. Je ne suis pas non plus surprise. Mais surtout je suis triste.
L'Eglise Catholique et ses enseignements ont longtemps fait partie de ma vie. Et m'ont rendue malade, et m'ont appris à me haïr moi-même, parce que moi aussi je suis "déviante" et que mon identité, qui je suis et qui est-ce que j'aime, ne rentre pas dans les cases très restrictives de l'idée que se fait le catholicisme des êtres humains. L'Eglise Catholique m'a abandonnée, n'a jamais été avec moi, et j'ai fini par devoir lâcher prise et la laisser partir, pour survivre et pour être heureuse; jamais son message n'a rendu les gens heureux. Au début j'étais en colère, maintenant je suis un peu triste.
L'Eglise m'a fait du mal, et j'essaye encore de me libérer de ce qu'elle m'a fait.
Et, surtout je suis triste parce que, juste avant le moment où il parle de déviances, dans son homélie Mgr André Vingt-Trois dit ces mots, avec lesquels je suis d'accord:
On ne construit pas l’union de l’humanité en chassant les boucs-émissaires. On ne contribue pas à la cohésion de la société et à la vitalité du lien social en développant un univers virtuel de polémiques et de violences verbales. Insensiblement, mais réellement cette violence virtuelle finit toujours par devenir une haine réelle et par promouvoir la destruction comme moyen de progrès. Le combat des mots finit trop souvent par la banalisation de l’agression comme mode de relation.
Et je trouve ça tellement dommage qu'après avoir dit des choses comme cela, il fasse précisément ce qu'il avait décrit comme étant mal. Pourquoi ces lignes gratuites contre la déviance de la société, des moeurs et des gens? Pourquoi catégoriser des gens, leurs vies, leurs amours et leurs identités, comme des déviances qu'il rend responsables de ce qu'il croit être une société qui se "réduit" et qui, en fait, lui échappe? Pourquoi fait-il ce contre quoi il prêche?
Pourquoi est-ce qu'une Eglise Catholique qui se dit et se veut respectueuse de toute la Création et de toute la vie qui la peuple se montre-elle soudainement si réductrice envers elle, et pourquoi trie-t-elle ainsi les gens qui méritent d'y être et les autres qui, déviant, doivent abandonner qui iels sont pour mériter leur place? Au sein de l'Eglise, dans la communion, et dans le monde. Pourquoi est-ce qu'une Eglise Catholique qui déclare aimer tout le monde se montre aussi hostile et violente envers des gens qui sont différents?
Je n'attends pas à ce que l'Eglise change un jour. Elle a toujours causé du mal aux gens. Je suis juste triste de voir qu'elle fait le même mal qu'elle dénonce. Et à Mgr André Vingt-Trois, je lui renvoie ses propres paroles:
Ceux qui se drapent dans les atours de la religion pour masquer leur projet mortifère, ceux qui veulent nous annoncer un Dieu de la mort, un moloch qui se réjouirait de la mort de l’homme et qui promettrait le paradis à ceux qui tuent en l’invoquant, ceux-là ne peuvent pas espérer que l’humanité cède à leur mirage. L’espérance inscrite par Dieu au cœur de l’homme a un nom, elle se nomme la vie. L’espérance a un visage, le visage du Christ livrant sa vie en sacrifice pour que les hommes aient la vie en abondance. L’espérance a un projet, le projet de rassembler l’humanité en un seul peuple, non par l’extermination mais par la conviction et l’appel à la liberté.
Je ne peux pas croire qu'une Eglise qui professe que son Dieu pense que les personnes LGBT+ sont des déviances vouées à disparaître, que leur amour et leur genre et leur identité sont des péchés à expier, soit une Eglise qui agit pour le bien de tous et pour celui de l'humanité. Dieu ne souhaite pas ma mort. Dieu ne souhaite pas mon sacrifice au nom de vos idéaux, au nom de comment doit être un être humain selon vous. Un Dieu qui me déclare déviante, qui me rejette à cause de qui je suis, ne peut pas être le Dieu d'amour que vous proclamez haut et fort.
Et vos mots tuent, Mgr André Vingt-Trois, vous l'avez dit vous-même.
Les êtres humains sont qui iels sont, homosexuels ou hétérosexuels, transgenres ou cisgenres, infiniment divers, et lorsqu'on les laisse vivre iels sont heureux. C'est un fait. C'est un constat. Vous ne pouvez pas construire une humanité fantasmée, forcément hétérosexuelle et cisgenre, et dire ensuite que vous aimez l'humanité toute entière.