Ce qui m'ennuie dans le présent débat, c'est que
@La femme de Frank essaie de fournir des explications développées, et qu'on lui répond par du sarcasme ou des gifs assassins. Je sais qu'on n'est pas censé faire de la pédagogie à plein temps et alors je suis mais pleiiinement d'accord, sauf que quand on transforme cet argument militant fort en excuse pour ne pas développer sa pensée, c'est à mes yeux suspect.
De plus, je commence à saturer de cette vision binaire du monde entre d'un côté les déconstruits et de l'autre les... construits, les autres, le commun des mortels, la plèbe imbécile quoi. Ca me semble d'un grand orgueil de s'affirmer déconstruit. Le sexisme, le racisme, l'homophobie, la transphobie, le classisme, nous l'avons intégré, nous baignons dedans, c'est comme l'air qu'on respire, tout vicié qu'il soit on n'y échappe pas, et tout le monde s'accorde à le dire mais alors quand on voit les débats militants, on a l'impression que c'est plutôt "tout le monde sauf moi qui suis entièrement déconstruit.e et ça me donne l'autorisation de prendre tout le monde de haut".
Je ne suis pas en train de dire qu'on n'a pas le droit d'être en colère, d'être agacé, énervé, de réagir par le cynisme ou par l'agressivité. Au contraire, ces réactions sont bonnes et saines. Je vis l'oppression moi aussi et j'en souffre aussi et je m'accorde bien plus souvent qu'à mon tour le droit de réagir par le sarcasme. Sauf que quand ces attitudes sont systématiques, on s'empêche soi-même de réfléchir de manière approfondie.
Personne ne détient la clé d'interprétation du monde, personne ne possède le grand totem de la déconstruction, qui protège contre tout propos oppressif ou tout simplement déplacé, il serait bon de revenir à un peu d'humilité plutôt que réagir par une indignation
systématique qui me semble être un bon moyen de ne pas progresser dans sa réflexion et donc dans sa... déconstruction.
@mag1angel Je suis d'accord pour dire que la société fonctionne en termes d'oppression, là où il me paraît difficile d'être binaire c'est qu'à l'intérieur même de l'oppression, il y a encore oppression. Combien a-t-on vu d'homosexuels considérer que les "tantes", les "tantouzes", les "tapettes" font honte à la cause homosexuelle ? Que les "camionneuses" sont des caricatures d'un autre temps qui lèsent la cause lesbienne ? J'ai récemment lu quelque chose sur l'antisémitisme gay, qu'on retrouve chez des auteurs homosexuels tels que Jouhandeau ou même Genet ("L'abjecté abjecteur, quelques réflexions sur l'antisémitisme gay des années 1930 à nos jours", communication de Didier Eribon). Du coup, classer le monde entre d'un côté "les opprimés" et de l'autre "les autres" me semble être une vision discutable.