Concernant Bloqués donc, on voit quand même deux pauvres mecs dans un appart pourri, qui font très loosers. Ils parlent de femmes en terme d'escalators et d'escaliers, mais on voit surtout deux mecs qui n'ont pas été capables de sortir avec une femme depuis x temps. Le contexte est assez important non ? On fait la même blague sur deux beaux gosses, blancs, en train de boire un coktail dans un bar hype tout en draguant outrageusement et avec succès, je pense que ça me gênerait. Là on voit deux loosers pour qui au final la femme est un contexte assez lointain. Tous les sketchs ne sont pas au même niveau je suis d'accord. Mais au final, j'ai l'impression qu'on avance aussi sur des oeufs, en permanence, sur ce qu'on peut dire ou faire, ce qui reste bien pensant ou pas.
J'ai beau avoir lu les 5 pages de commentaires, j'ai du mal à comprendre. Enfin je comprends le côté " les beaufs ne verront pas le second degré, ça va les encourager ", mais bon au bout d'un moment ces personnes là ne changeront jamais parce qu'elles ne le souhaitent pas et verront un assentiment à leurs pensées dans tout ce qui leur passe devant les yeux.
Quand aux oppressés ( puisqu'on parle de blagues oppressives ), c'est vrai que c'est nul si certaines se sentent humiliées par un texte. Mais ça ne sera pas toujours le cas ? Si on ne peut rire que de pizzas et de ni oui ni non, on n'y perds pas un peu?
J'adore Madz, j'y passe pas mal de temps, mais au final j'ai parfois l'impression, surtout en lisant les commentaires, qu'il y a une catégorie très forte et que si tu n'y rentres pas, t'es insensible/oppressif.
Concernant la parité au Petit journal, j'avoue m'être fait la réflexion hier ( je viens juste de recommencer à le regarder ) : on envoie Martin Weil au Burkina Faso et suivre les Syriens aux frontières, et quand on trouve une journaliste femme, on l'envoie au salon de l'auto ( même si j'aime bien Martin, là n'est pas la question ).
Pour Catherine et Liliane, je trouve que les acteurs font du bon boulot et ce depuis quelques temps maintenant, donc je pense qu'ils ont " légitimé " leur place. Même si je suis d'accord qu'on manque de diversité au Petit Journal.
Dans les échanges Twitter et Facebook sur
Bloqués, j'ai vu beaucoup de gens brandir OSS 117 avec Jean Dujardin et dire "S'il sortait aujourd'hui, les féministes se plaindraient du sexisme du héros et ce film serait interdit de sortie!". Alors je reconnais que ça fait bien longtemps que je n'ai pas vu OSS 117 mais pour moi, le héros de Jean Dujardin a beau représenter une sorte de James Bond beau gosse, pour le coup, le second degré fonctionne et le film le ridiculise sans qu'il n'en prenne conscience.
Il y a plein de moments où on réalise qu'il est plein d'illusions sur son rôle et sur la France et le décalage de ses rêves de grandeur avec notre époque créé un effet comique : dans les années 2000-2010, un mec qui idolâtre Charles de Gaulle, forcément, on se rend compte qu'il n'est pas réellement "cool" (

). Quand le gars dit "le général de Gaulle a dit que tous les Français avait résisté pendant la guerre!", si tu connais un peu l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, tu te rends compte qu'il se fait des illusions, qu'il est dans le déni. Et si tu ne connais même pas l'Histoire, le regard mal à l'aise de son interlocuteur et sa réponse évasive te font bien comprendre que notre héros est un benêt.
Après avoir construit les caractéristiques ce personnage trop sûr de lui, un peu ridicule, et qu'on lui place une espionne bien meilleure à qui il dit que "les femmes ne doivent pas porter des choses lourdes", tu ris. Non pas parce que "c'est vrai qu'avec sa petite robe moulante, elle ne pourrait pas porter des choses lourdes!" mais tu ris du héros parce que son sexisme est ridicule, qu'il se croit meilleur que l'héroïne alors que non.
Idem, il me semble que les réflexions colonialistes et racistes qu'il fait le ridiculisent lui, parce que ce que te montre l'image, la réaction des gens autour, tes propres références, tout concourent à montrer que ce qu'il est dit est ridicule.
Un autre exemple qui fonctionne bien dans ce sens c'est Le Gorafi.
Concernant
Bloqués, le second degré ne fonctionne pas du tout pareil parce que justement, les deux héros ont les
mêmes références que le jeune lambda. Quand dans le sketch d'ouverture le mec dit "si j'étais riche, j'achèterais tous les éléments du menu McDo séparément", je ne me dis pas "il est ridicule", je me dis "c'est vrai que c'est fun, ce serait marrant de faire ça". Le premier sketch nous montre des jeunes un peu comme nous, il pose le décor sur la connivence. Contrairement à Jean Dujardin, Orelsan et Gringe vivent des choses comme nous, ils évoluent dans des milieux similaires, ont des préoccupations similaires.
C'est loser d'avoir la flemme de faire le ménage? Ben le truc c'est que je pense que 70% des jeunes qui vivent en coloc détestent faire le ménage. Ce sketch fait appel à
notre vécu, ils s'appuient sur nos réflexions quotidiennes. Et quand ils introduisent les femmes "bonnes ou pas bonnes" qui vont les motiver à nettoyer, il n'y a rien qui t'ai permis de mettre de la distance entre eux. Beaucoup de mecs parlent comme ça avec leurs potes et en voyant ça, beaucoup ne vont pas se dire "la vache, ça craint ces deux mecs, quels losers!". Ils vont se dire "ahah, ouais grave, ça serait une bonne motivation!" parce qu'ils ont besoin de motivation pour le ménage ET qu'ils parlent des femmes comme ça eux aussi sans que jamais vraiment personne ne leur explique à quoi point ça craint.
Il y a bien un moment où on nous appelle à prendre leur discours avec des pincettes : quand un des héros dit un truc un peu fou (généralement Orelsan), l'autre le regarde avec perplexité. Le problème c'est que cela signifie que cet autre personnage est censé avoir un certain sens du raisonnable, il n'est donc pas si ridicule! D'autre part, quand il ne réagit pas, cela donne l'impression qu'il n'y a donc aucune raison d'être perplexe.
Je ne pense pas qu'Orelsan et Gringe soient vus comme "deux gros losers" avec mépris et ridicule. Ils sont peut-être deux losers mais comme je dirais à mes potes "purée, qu'est-ce qu'on est des losers!". Ce sont des losers qui nous ressemblent, auxquels on peut s'identifier. Leur appart est en bazar mais... pas tant que ça finalement. Ils sont mous mais... ils ont quand même l'esprit vif. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai accroché à leurs premiers sketches qui, comme ceux de Bref, font appel à cette impression que le héros et nous, on peut se comprendre.
Dans OSS 117 à l'inverse, il faut être bien à côté de la plaque pour trouver que Jean Dujardin est tout-à-fait dans le vrai et qu'on se retrouve en lui.
Il ne s'agit pas de beaufs vs gens raisonnables. L'expression "beauf" (un produit de la police du bon goût qui valorise les classes privilégiées et sa culture) est souvent une belle excuse pour mettre à distance le racisme, le sexisme, l'homophobie. Le beauf, c'est ce mec un peu mythique du "bar PMU" qui ne fait pas partie de notre entourage, c'est le "tonton aviné", "le gars des classes populaires" ou le "vieux libidineux". En réalité, il n'y a pas besoin d'être beauf pour avoir des croyances sexistes ou racistes et c'est bien ça le problème croire que "seuls les beaufs comprendront le sketch ainsi"... les beaufs n'existent pas, les beaufs c'est nous tous!
Pour l'équipe du Petit Journal, oui, j'adore Martin Weill, j'adore Catherine et Liliane, j'adore Yann Barthès. Je n'ai aucune envie qu'ils soient "remplacés" par des femmes "pour les quotas". Le problème c'est qu'ils étaient déjà là la saison d'avant, que l'émission s'est allongée, que des nouveaux sont arrivés et qu'au lieu d'ouvrir la porte à des femmes et des personnes pas blanches cools ça au contraire abouti à remplacer la SEULE femme qui était aussi la SEULE personne non-blanche par un mec blanc (parce que oui, ya bien un mec asiatique qu'on voit dans les sketches d'Eric et Quentin quand ils ont besoin de mettre un Chinois et un mec à la peau mate pour faire l'Arabe mais ils sont là "pour dépanner" pas de plein droit).
Pourtant, ce remodelage de l'émission aurait été le moment idéal pour diversifier l'équipe...
Même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'article, je l'ai trouvé bien construit et objectif. Mais je ne comprends pas les reproches que l'ont fait au Petit Journal... Pour dire, je le regarde presque tous les jours, et jamais je ne me suis dit "Il n'y a que des hommes blancs." tout comme si je regarde un programme avec une autre catégorie de la population, je ne vais pas me dire "il y a beaucoup de *remplacer par telle population*". Ca ne me semble pas anormal, les présentateurs/acteurs/humoristes et journalistes dans le Petit Journal sont là parce qu'ils font bien leur boulot. Je ne vois pas pourquoi on devrait y intégrer de force un "quotat" ( je n'aime pas ce terme, mais c'est celui qui est employé dans les entreprises... ) de femmes, ou d'ethnies différentes... Comme le disait
@Locke par rapport au Grand Journal, ça c'est un véritable exemple d'un programme qui a perdu son intérêt humoristique, et qui, je trouve est bien, bien plus limite concernant le sexisme...
Mais tu sais, c'est normal que tu ne te sois jamais dit ça car ça ressemble beaucoup à notre structure sociale. Les hommes blancs sont médiatiquement dominants dans les médias : on trouve ça normal, on y est habitués. Du coup, c'est difficile de spontanément se dire "tiens, ils sont très nombreux!" : ils sont TOUJOURS en majorité! Sauf dans les émissions "pour femmes" qui ont des sujets spécifiques du genre "la mode, le shopping, les enfants" etc.
Après, je veux bien partir du principe que tu es une personne vraiment vraiment indifférente aux genres et aux couleurs mais la majorité des gens ne sont pas comme toi. Ceux qui trouvent les quotas ridicules s'étoufferaient s'ils voyaient une émission composée uniquement de participants noirs, arabes et asiatiques et grogneraient s'il n'y avait que des femmes dans une "émission sérieuse" ou satirique. Il suffit de regarder comme les gens réagissent face aux compositions des équipes de France de foot et de rugby : en foot, on s'indigne qu'il y ait si peu de blancs et en rugby, on commence à trouver que ça dérive comme le foot car il y a de plus en plus de noirs. Quand on avait juste le capitaine qui était métis et un ou deux joueurs noirs, tout le monde était content et trouvait l'équipe de rugby assez diversifiée comme ça, expliquant que les noirs ne jouent pas au rugby de toute façon et que ça représentait donc bien l'état du sport. Mais maintenant, les dents commencent à grincer parce qu'il y a de plus en plus de noirs. Alors que ça reste quand même bien en-dessous de la moitié de l'équipe qui est poutant censée représenter toute la France métropolitaine et d'outre-mer.
Et bien sûr, on ne choisit pas les sportifs sur leur couleur mais c'est quand même fou de se dire que dans un des rares domaines où on peut plus ou moins VRAIMENT évaluer les compétences sur des choses assez objectives (le nombre de passes, de points marqués, la vitesse en course, la puissance de frappe etc.), on se retrouve avec un nombre plus important de non-blancs que dans des domaines où on décide très aléatoirement qui est meilleur que qui.
Bref, je prends l'exemple du sport mais c'est pareil partout : si tu vas à une conférence informatique où tu as une majorité de femmes et de noirs, les gens vont dire "pff, ils ont voulu faire politiquement correct en ne prenant que des femmes et des noirs!" et non "attends, moi je suis contre les quotas, on ne va pas prendre des hommes blancs juste pour prendre des hommes blancs!".
Bref, je t'assure que si toi tu ne te rends pas compte des couleurs et des genres, c'est loooooin d'être le cas de tout le monde et c'est justement ça qui explique pourquoi les milieux les plus influents sont souvent très blancs et très masculins.