Je suis contente de voir tous ces commentaires. J'ai vécu avec la dysorthographie sans jamais le savoir (à mon époque les dys ça n'existaient pas) et je pensais juste que j'étais bête. Bête car c'était si facile pour certains. Ma mère a tout tenté avec moi, elle n'a vraiment rien lâché et m'a entraîné, entraîné encore. Je connaissais toutes mes règles d'orthographes et de grammaires par cœur: et je ne les appliquait pas. Ou alors cela me demandait un effort surhumain. A ce jour, je n'ai aucun "automatisme" dans aucune langue. Mais j'ai appris à travailler sur mes fautes les plus fréquentes, à me relire. Au final, malgré des notes négatives en dictée, ça ne m'a jamais empêché de rien, j'ai toujours fini avec les plus hauts résultats et réussi tout ce que j'ai entrepris, même dans les études, dans les examens importants et à l'écrit. Je dois juste me relire pendant 1H là où les autres vont le faire en 20 min. J'ai adapté mes faiblesses (la forme) et je les ai compensé avec mes forces (le fond, la créativité, un esprit d'analyse et de compréhension rapide et un vocabulaire top niveau qui fait qu'on ne peut décemment pas me prendre pour une kikou). Jusqu'au Capes. Et je suis devenu prof. Longtemps je me suis dit : ce métier n'est pas pour toi, tu fais trop de fautes, tu ne peux pas enseigner une langue, c'est impossible tu n'auras pas de légitimité. Je remercie mes amis et ma famille de m'avoir poussé. Ils m'ont toujours dit que j'étais intelligente et que ce n'était qu'un détail mineur. Et donc, malgré ce, je suis prof et je pense même que cela m'aide d'avoir eu des difficultés pour encourager mes élèves.
Moi aussi j'ai eu le fameux prof (de fac en plus) qui refusait de corriger mes copies à cause des fautes. Il se moquait régulièrement de moi et m'avait prédit un sombre avenir. J'ai fini dans les premières au capes, il n'en revenait pas, me féliciter lui a écorché la bouche. J'aurai voulu lui écraser ma copie sur le visage hahaha. Je m'en délecte encore.
Bien sûr je fais des fautes, bien sûr parfois mes élèves me le font remarquer et j'ai honte, mais cela ne me donne pas moins de légitimité et je pense à tout ce que je sais, à toutes mes réussites et tout ce que je peux apporter. D'ailleurs, nombreux sont mes camarades de classe qui avaient 20 en dictée et qui n'ont rien fait de leur vie pour autant : alors ne nous bloquons pas nous même sur certains détails. Je voudrais donc dire à celles et ceux qui auraient soufferts, et qui souffrent encore de leur mauvaise orthographe de ne jamais baisser les bras. Si vous travaillez, vous réussirez.
La seule chose qui me chagrine, c'est un ami qui est grammar nazi. Je lui ai envoyé cette page pour tenter de lui expliquer ce que je vivais au quotidien car il me faisait souvent remarquer mes fautes (comme 99% de mon entourage, un peu comme les gens qui vous disent que vous avez un bouton sur le front, au cas ou vous n'aviez pas de miroir chez vous..). Il est un peu psycho-rigide, ce qui n'aide pas. Il m'a écrit un long mail pour me dire que mes fautes et le fait que je ne me relise pas à chaque fois quand je lui parle était un pur manque de respect et qu'il n'allait pas pleurer pour ma dysorthographie (et que tout ça c'était des excuses). Oui, c'est une excuse, c'est pour ça que je suis contente de n'avoir jamais su que la dysorthographie existait pendant ma scolarité. J'ai juste accepté d'être nulle et très bête et de ne pas avoir d'excuse qui agace les gens. Encore aujourd'hui si je dois expliquer mes fautes, je me sens comme les personnes en surpoids qui l'expliquent par un problème de santé. Je me sens malhonnête. Pourtant je sais que je n'y peux rien, je vous assure que j'ai fait tout ce qui était possible pour acquérir l'orthographe et la grammaire, et que je vivrais une vie bien plus paisible sans devoir me prendre la tête là dessus.
Quand j'ai vu qu'une d'entre vous disait : "Le problème c'est que travailler sur sa dysorthographie c'est se battre tous les jours avec les mots, se relire sans arrêt, c'est un travail épuisant, ingrat et imparfait. Et qu'on vous rappelle sans cesse cette imperfection, c'est très dur." Je me suis sentie enfin comprise. Je ne vais pas pleurer non, il y a d'autres problèmes plus graves, mais justement pourquoi rajouter de la haine, de la honte aux personnes qui font des fautes et qui ne peuvent pas s'en empêcher. J'avoue que le mail de cet ami m'a fait du mal, je m'en veux déjà tellement d'être comme ça, je me dis que je devrais faire des efforts tout le temps quand je m'adresse à quelqu'un mais je ne suis pas surhumaine, parfois je suis fatiguée, je veux juste communiquer et je ne me relis pas. Pour lui c'est une faute morale grave de ne pas me relire sachant mon orthographe déplorable. "Moi aussi je me relis et je vais voir les règles dans le Bescherelle" Non gars, non, tu ne peux pas te comparer à moi. Les fautes je ne les vois pas. Surtout si je viens de l'écrire. Je n'arrive pas à relire, à lire les mots. Tout est soudé dans mon esprit, je ne vois que le sens des mots et pas leur forme. Relire me demande de couper dans mon esprit chacun des mots, de les détacher de leur sens pour ne voir que des mots abstraits, et ensuite y appliquer des règles. Pour moi le pluriel n'a pas de sens, les mots qu'ils soient singuliers ou pluriels, d'un genre ou d'un autre, d'un temps ou d'un autre, ne sont que porteur du sens premier qu'ils ont. L'orthographe n'est que fioriture incompréhensible. Alors, te relis-tu comme moi ? Vis-tu l'orthographe et la communication comme moi ? Je ne crois pas. Mais ça il ne le comprend pas. C'est un trouble que je ne peux expliquer. Et encore il y a différent niveau de sévérité dans les dyslexies/ dysorthographies etc, et jamais je ne les comparerais. Si je te dis que je ne comprends pas. Si là ou pour toi cela à du sens, pour moi ça n'en a pas. J'ai l'impression d'être daltonienne, que l'orthographe est une couleur dans mon esprit que presque tout le monde voit, sauf moi. Mais ça, d'après ce que j'ai compris de mon expérience pour "convaincre" les gens, tant qu'on ne le vit pas, on ne peut pas l'appréhender. Je le comprend. Je comprend même qu'on puisse ne pas comprendre mais eux non, c'est rigolo.
Alors j'ai décidé de ne plus communiquer avec lui sachant que je ne pourrais jamais atteindre son niveau et son idéal. Cela m’agace de ne pas avoir réussi à lui faire comprendre, cela m’agace d'avoir dû en arriver là, cela m’agace qu'il ne se rende pas compte de la honte qu'il me fait ressentir et que je me fais ressentir moi-même tous les jours bien plus fortement. Mais je pense que des fois il ne faut pas s’embarrasser de personne fermée d'esprit et arrêter de se flageller sinon on n'avance plus.
Qu'auriez vous fait à ma place ? Devrais-je essayer encore de le convaincre ? N'aurais-je pas dû baisser les bras si tôt ? Je suis un peu déprimée de me rendre compte qu'il soit si difficile de convaincre des personnes sur le sujet de la dysorthographie, alors pensez l'homophobie, la lutte contre la stigmatisation des personnes en surpoids ou en situation de handicap...