« Madame Gorafi », la preuve que la presse féminine n'est pas morte

[Clemence Bodoc]

Question (que je me pose) : comment dénoncer le sexisme de la presse féminine en général ? Je conçois qu'en le faisant par la satire, pleins de gens ne suivent pas. Mais en prenant les femmes par la main pour leur expliquer en quoi elles ne devraient pas prendre ces articles au 1er degré (notamment sur les régimes et autres injonctions, cf les tweets de Valérie CG justement), je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est hyper infantilisant...

Après tout, que celles qui veulent suivre des régimes pour avoir "un corps de rêve avant la plage" fassent bien ce qu'elles veulent. Les infos sont là, un peu partout, pour aiguiller celles qui d'elles-mêmes, veulent entendre un autre son de cloche. Et je milite pour qu'on puisse se moquer de celles et ceux qui continuent de diffuser ces injonctions (= la presse fem).

Est-ce qu'il y a des femmes en dommage collatéraux des tirs lancés contre le sexisme de la presse féminine ? Certainement. Sont-ce des pertes acceptables, au regard du grand dessein que constitue la dénonciation, par tous les moyens (donc y compris la satire, mais pas uniquement), du sexisme ordinaire ? Écoutez, si on parlait de balles réelles, je répondrais non, bien entendu. Mais comme on parle de blagues, oui, je considère que ces dommages collatéraux sont acceptables (c'est juste mon avis hein )

Quant aux petits misogynes qui prennent le Gorafi au 1er degré : ce sont les véritables dindons de la farce, et rien ne me satisfait davantage que d'en choper un en flagrant délit de bêtise. On a largement vanné Christine Boutin pour avoir cité le Gorafi au 1er degré, je me tape un fou rire équivalent à chaque petit bas de plafond qui prendra Madame Gorafi au 1er degré également.

Est-ce que l'humour est la réponse, la seule arme, la meilleure arme, contre le sexisme ordinaire ? Certainement pas. Est-ce que ça peut être UNE arme dans notre arsenal ? J'en suis convaincue. Est-ce que parfois, utilisé à mauvais escient, ça fait plus de mal que de bien ? Je le pense aussi. Quid de Madame Gorafi, du coup ? Cf mon précédent paragraphe. Mais ce n'est que mon avis, pas une vérité intangible

 

[Métalik]

A la lecture des titres : AAAAAAAh ça va être trop drôle !

A la lecture des contenus:

En fait c'est "trop vrai". L'article sur les astuces de cuisine des chefs d'état et assimilés, je suis certaine que ça pourrait vraiment sortir, du coup ça me fait de la peine. Le truc sur "Sabine cette mère de famille qui quitte son boulot et ensuite travaille chez elle", pareil. J'en connais pas beaucoup des femmes en couple qui sont réellement aidées dans leur foyer
Le "6 débardeurs chics pour nourrir les démunis" m'a gêné, tout comme "que faire si votre rencard crie Allah ou Akhbar". Pareil pour le "réussir à avoir l'air pauvre en portant des ballerines à 300€".

Je salue l'initiative décalée, ça change, mais je pense que je ne serais pas cliente.

 

[Dies Irae]

Alors, voilà le lien du "About", du Gorafi Madame.

Ce que je comprends : "on écrit des trucs sexistes mais comme on sait que c'est sexiste, alors ça fait que ça dénonce le sexisme". Par quelle magie ?

 

[Dies Irae]

Question (que je me pose) : comment dénoncer le sexisme de la presse féminine en général ? Je conçois qu'en le faisant par la satire, pleins de gens ne suivent pas. Mais en prenant les femmes par la main pour leur expliquer en quoi elles ne devraient pas prendre ces articles au 1er degré (notamment sur les régimes et autres injonctions, cf les tweets de Valérie CG justement), je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est hyper infantilisant...

Après tout, que celles qui veulent suivre des régimes pour avoir "un corps de rêve avant la plage" fassent bien ce qu'elles veulent. Les infos sont là, un peu partout, pour aiguiller celles qui d'elles-mêmes, veulent entendre un autre son de cloche. Et je milite pour qu'on puisse se moquer de celles et ceux qui continuent de diffuser ces injonctions (= la presse fem).

Est-ce qu'il y a des femmes en dommage collatéraux des tirs lancés contre le sexisme de la presse féminine ? Certainement. Sont-ce des pertes acceptables, au regard du grand dessein que constitue la dénonciation, par tous les moyens (donc y compris la satire, mais pas uniquement), du sexisme ordinaire ? Écoutez, si on parlait de balles réelles, je répondrais non, bien entendu. Mais comme on parle de blagues, oui, je considère que ces dommages collatéraux sont acceptables (c'est juste mon avis hein )

Quant aux petits misogynes qui prennent le Gorafi au 1er degré : ce sont les véritables dindons de la farce, et rien ne me satisfait davantage que d'en choper un en flagrant délit de bêtise. On a largement vanné Christine Boutin pour avoir cité le Gorafi au 1er degré, je me tape un fou rire équivalent à chaque petit bas de plafond qui prendra Madame Gorafi au 1er degré également.

Est-ce que l'humour est la réponse, la seule arme, la meilleure arme, contre le sexisme ordinaire ? Certainement pas. Est-ce que ça peut être UNE arme dans notre arsenal ? J'en suis convaincue. Est-ce que parfois, utilisé à mauvais escient, ça fait plus de mal que de bien ? Je le pense aussi. Quid de Madame Gorafi, du coup ? Cf mon précédent paragraphe. Mais ce n'est que mon avis, pas une vérité intangible

Il y a une différence gigantesque de degré de lecture entre Christine Boutin qui ne connaît pas le Gorafi et donc prend un article sans aucun recul, et la grande masse de gens qui savent très bien ce qu'est le Gorafi, savent pertinemment que c'est "du second degré", et en rient. Je ne parle pas des gens qui vont s'offusquer en disant "heureusement que le gouvernement Valls ne fait rien enfin il faut s'occuper de chômage !!", mais qui vont s'esclaffer parce que c'est drôle de dire que les meufs font une affaire d'état de l'état de leur vernis.
Ce qui m'ennuie c'est pas les "petits bas de plafond", c'est tous ceux qui se sentent légitimés dans leur sexisme parce qu'on le présente comme une blague. Et là c'est pas eux les dindons de la farce, c'est les meufs, encore les meufs, toujours les meufs.

Je cite un de mes potes : "Ça ne déconstruit aucun code de la presse, au contraire ça les utilise joyeusement dans un contexte prétendu absurde ou exagéré. J'essaie d'analyser au mieux mes réactions typiques de mec. Souvent, je dois réfréner des conneries, certaines sortent encore de ma bouche, d'autres me parasitent malgré un travail d'autocritique.
Et je pense qu'en lisant les premiers titres de Madame Gorafi, plusieurs pensées me sont venues, et pas celles que j'aime à me voir formuler, alors je ne vois pas comment cet humour qui fait d'abord appel à mes réflexes misogynes peut permettre à des mecs de changer de perspective."

 

[Aamu.]

Merci @Dies Irae

 

[Clemence Bodoc]

je ne vois pas comment cet humour qui fait d'abord appel à mes réflexes misogynes peut permettre à des mecs de changer de perspective."

Je ne pense pas que ce soit le but du Gorafi. (Ils ne le revendiquent d'ailleurs absolument pas). C'est pour ça que je parle de l'humour comme d'une cartouche dans notre arsenal anti-sexiste, et pas comme l'alpha et l'omega du plan de bataille.

Tu ne peux pas comprendre en quoi c'est du second degré si tu ne vois pas le problème au 1er degré. Et je sais bien qu'on a un désaccord à ce niveau, par exemple : moi je pense que c'est neutre, que ceux qui ne voient pas le problème au 1er degré, qu'ils se sentent légitimés ou non par ce type de blagues, ça ne change rien. (Comme les jeux vidéo, un peu : c'est pas parce que tu joues à des jeux violents que tu vas sortir tuer des gens. C'est parce que t'es déjà un type capable de sortir tuer des gens que tu finis par le faire. Je ne crois pas que la violence soit "la faute aux jeux vidéo", de la même façon que je ne pense pas que l'humour "légitime" des convictions/comportements misogynes).

Néanmoins, j'aime pas les jeux vidéo violents, et j'aime pas l'humour misogyne. Mais je rigole à gorge déployée quand PlayerLambda découpe un mec au scalpel , et quand le Gorafi déplore l'inertie de Valls face aux ongles cassés.

Pour moi, l'humour, c'est un miroir déformant de la société. Miroir parce qu'il nous renvoie nos propres travers, déformant parce qu'il grossit le trait, certains traits, et souvent pas les plus flatteurs. Qu'il y ait des gens pour voir "la réalité" dans cette image déformée, j'en doute pas une seule seconde. Pour moi, ça permet justement de conforter tous les autres dans l'idée que cette impression de la réalité est quand même vachement défoncée... C'est le bouffon du roi, en fait : pouvoir dénoncer, "planter des graines" dans la tête des gens, sans toucher à l'ordre établi (parce que c'est pas le rôle du bouffon de mener la révolution).

Il y a des humoristes qui utilisent l'humour comme une arme, et je les big uppe à l'infini. Il y en a qui cherchent à faire rire le roi, au détriment de la plèbe opprimée, et je les ignore. Et il y a tous ceux qui sont au milieu, ni allié ni traître, et je décide au cas par cas si je les trouve drôles ou pas.

 

[Julicoeurne]

Je suis assez partagée sur ce Gorafi Madame.
J'avoue que les titres m'ont fait rire parce que c'est carrément ça !
Mais je crains aussi le côté "Moquons nous des femmes qui se posent ces questions ; qui se retrouvent dans ce genre d'articles ; qui lisent ce genre de magazine"

Genre, le titre "Mon copain ne m'a pas parlé depuis trois ans, puis-je fréquenter quelqu'un d'autre ?", j'imagine déjà les réflexions du type "c'est vrai que les femmes se prennent la tête comme ça, et qu'elles ne savent pas lâcher l'affaire quand elles ont été amoureuses, ah la la, qu'elles sont cruches les femmes quand même "

Je suis pas certaine que Le Gorafi ait réalisé la double lecture qui peut être faite de leur parodie

 

[Clemence Bodoc]

Je suis pas certaine que Le Gorafi ait réalisé la double lecture qui peut être faite de leur parodie

C'est une excellente question, que j'ai posée à un autre auteur pas plus tard que la semaine dernière, mais j'peux pas encore en parler donc re-poke moi après le 10 février stp je reviendrai raconter un truc intéressant (j'ai signé un embargo, don't ask )

 

[Multicolorielle]

Comme pas mal ici, je trouve que cela ressemble plus à des articles qui rient des femmes plutôt que qui rient de la presse fem. C'est ça le souci en fait.

Comme @Moonshade, ça me laisse perplexe. J'aurais préféré un "Monsieur Gorafi", pour une fois.

 

[Andy_]

Je suis d'accord avec @Julicoeurne, j'ai pensé la même chose en parcourant le site. J'étais déjà assez perplexe face au Gorafi, aucun article n'a réussi à me faire rire voire juste sourire, je trouve juste ça très lourd. Je n'aime pas bien les "dérives" que ça peut engendrer, sous couvert d'humour, certain•e•s sont capables de tout et ça m'agace de passer pour la rabat-joie parce que je n'ai pas adhéré à tel article. Ça me fait penser à l'article bien lourd et pas drôle du tout sur les véganes qu'avait publié Golden Moustache. Ouais, je sais, "c'est de l'humouuuuuuur" mais non, même pas, c'est juste creux.

Globalement, ça me fait le même effet avec tous les articles présents sur Madame Gorafi, notamment celui-là. Je ne vois pas du tout à quel moment c'est drôle, ça me met même mal à l'aise pour être franche.

Bref, ce genre d'humour ne fonctionne pas du tout avec moi.

 

[DivideMeByZero]

Je suis moi aussi plus que critique sur cette initiative et je doute qu'elle atteigne son but de remise en cause de la presse féminine sans que ça se fasse au détriment des femmes (si c'est son but).
La preuve que c'est plutôt foiré c'est que Madmoizelle c'est de la presse féminine, en ligne certes mais de la presse féminine quand même, et pourtant la rédaction applaudit l'idée des deux mains sans se remettre une seconde en question. À mon avis la réaction chez le reste de la presse féminine sera la même, saluer l'initiative ou au mieux ne rien dire, mais ça m'étonnerait que ça les pousse à modifier leurs façons de faire. Même si franchement je ne demande qu'à avoir tort.

 

[Dies Irae]

Je ne pense pas que ce soit le but du Gorafi. (Ils ne le revendiquent d'ailleurs absolument pas). C'est pour ça que je parle de l'humour comme d'une cartouche dans notre arsenal anti-sexiste, et pas comme l'alpha et l'omega du plan de bataille.

L'ennui c'est que c'est comme toutes les oppressions : à partir du moment où tu ne te bats pas expressément contre, alors tu les entretiens, parce que tu choisis de laisser par défaut l'ordre établi. Dans le cas qui nous préoccupe, malgré toutes les bonnes intentions des auteurs (dont je doute personnellement mais c'est une autre histoire), l'utilisation exclusive de clichés sur les femmes ne fait rien d'autre qu'entretenir l'existence de ces clichés, puisqu'on les exploite et les montre encore une fois. Toute utilisation d'un cliché ne peut faire que le renforcer.

Du coup, que peut-on faire, tu te demandes ? Eh bien l'exact contraire de tout ça. Si on veut rire, on rit des oppresseurs (et bordel il y a de quoi faire), et on montre que les femmes sont autre chose que ça.