Quand je la vois elle, je me prends ma vie en plein visage, très fort, c'est une gifle, une grosse gifle douloureuse. Elle est avec quelqu'un de formidable, ils vivent ensemble dans une jolie maison, une maison avec un jardin (un jardin, putain, un jardin!) et elle a un enfant dans le ventre, un enfant qui va naître, qui sera son enfant, leur enfant. Elle est capable d'avoir un enfant. Capable d'être en couple. Capable d'être heureuse. Elle a tout. Elle n'a rien fait pour et elle a tout. Comme si tout lui était dû, comme si c'était normal.
Et moi je me bats avec ma vie et avec ce que je suis, et je la hais, je la déteste, quand soudainement je vois dans son regard plus que de l'orgueil, quand je vois cette espèce de bonheur qu'elle jette en pâture à ma figure, quand elle expose ce bonheur de vitrine devant ce que je suis de petit, de misérable putain que je la hais, et que je me hais aussi, je me hais d'avoir un corps incapable d'être en couple et de faire un enfant, je me hais de ne pas vouloir de ce bonheur, de cette vitrine qui cache une boutique dans laquelle je ne voudrais jamais rentrer.
Et puis en ayant un enfant de lui, elle me le vole davantage. Elle me le prend définitivement. Je la déteste, oui. Je l'aime et je la hais. C'est mon opposé, mon antithèse, c'est la femme et moi l'ombre, c'est le mieux et je suis le pire.