@Kaktus je pense que je me suis mal exprimée (enfin je sais que je me suis mal exprimée, j'ai eu du mal à rendre ma pensée claire), parce que je n'ai pas la vision du système de santé que tu as l'air d'imaginer que j'ai! Je ne pense pas que les professionnels de santé de manière individuelle cherchent à accaparer la connaissance et je visualise bien tout ce qui peut être fait pour travailler avec les patients, à les traiter comme sujets et pas comme objets
(je suis en moi même en train de faire des études au cours desquelles je suis en stage dans la NHS 70% du temps, donc je suis au premières loges pour voir ce qui peut être mis en place)
Ce que j'essaie d'exprimer, c'est que j'ai l'impression que certaines des valeurs et idéologies fortes dans notre culture occidentale contribuent à une organisation sociale qui va promouvoir la disparition de certaines connaissances. J'identifierais typiquement le fait de vouloir contrôler les choses, de vouloir toujours plus de sécurité, la confiance dans l'innovation/la technique/la technologie qu'on imagine faire mieux plus elles sont avancées, etc. d'un côté, et d'un autre côté un impératif économique qui fait qu'il faut faire les choses les plus efficientes possible, toujours faire le plus avec le moins, comme des éléments qui amènent à la situation de perte de connaissances que je décris.
Tu dis que ma maman ne connaissait pas les plantes grâce à un herboriste, en effet, puisqu'elle a grandi dans un endroit où je doute même que le concept "d'herboriste" existait. Par contre, comme le disait
@Tessy dans son message, là bas tout le monde connaissait certaines plantes et ce à quoi elles servaient, pas seulement parce qu'elles étaient présentes dans l'environnement, mais aussi parce qu'elles
servaient de manière concrète. La raison pour laquelle ma maman nous fait des tisanes de thym, sauge et miel chaque fois qu'on a mal à la gorge/un rhume, c'est parce que sa maman lui faisait la même chose, parce que c'était le remède de tout le monde à l'époque. Et elle sait comment cueillir et rouler une feuille d'ortie pour pouvoir la manger crue sans que ça lui fasse mal parce que c'est quelque chose qu'elle faisait jeune, parce que les orties étaient un aliment plus courant qu' ici et aujourd'hui, etc. Il y avait toute une utilisation pratique des plantes qui justifiait la transmission de connaissances à leur égard, au-delà de la simple curiosité et du "oh ça a l'air cool". D'ailleurs quand je regarde les éléments qu'elle m'a transmis, c'est justement ce côté pratique qui sous-tend ce que je sais vs. ne sais pas. Elle ne m'a jamais montré comment reconnaître l'oseille ou cueillir des orties parce que ce n'est pas quelque chose qui se faisait quand/là où j'ai grandi, par contre je sais reconnaître du plantain parce qu'elle nous en faisait frotter sur les brûlures d'ortie qui étaient courantes. Ce n'est à mon avis pas l'absence des plantes qu'elle connaît dans notre environnement commun qui a motivé l'absence de transmission (ne serait-ce que parce qu'on allait plusieurs fois par an là où elle a grandi), mais le fait que bah, à quoi ça allait nous servir de savoir que tel truc est de l'achillée millefeuille, tu peux en mettre dans ta salade et si tu le bois en tisane ça peut aider tes douleurs de règles vu que la salade on en avait qui poussait dans le jardin, et pour les douleurs on avait du paracetamol (surtout qu'il aurait fallu ajouter qu'il faut bien ne pas confondre avec d'autres plantes qui ont la même gueule mais sont toxiques).
> On vit dans un environnement qui non seulement n'encourage pas la transmission de ces connaissances (parce qu'elles sont jugées peu utiles aujourd'hui), et une culture qui décourage leur utilisation. Par exemple quand tu dis "les plantes ça peut être dangereux" ou que d'autres disent "c'est moins/pas efficace", pour moi ça relève des valeurs que je citais plus haut, qui valorisent la sécurité et le contrôle. Pareil le fait de se dire "les médicaments c'est mieux", ça relève en partie de l'adhésion à l'idée que les produits de la techniques et de la technologie sont "meilleurs" que des choses qui n'en proviennent pas.
(Et je précise ici que je dis ça sans jugement de valeur, je dis pas que ces valeurs et idéologies culturelles sont bonnes ou mauvaises, justes ou fausses, juste que je pense qu'elles existent et influent sur notre perception des choses!).
Ces perceptions qu'on a des plantes et de leurs alternatives, qui influencent déjà directement la manière dont on interagit avec, sont aussi la source de règles qui encadrent qui peut en faire quoi. Tu le dis toi-même, il y a des limites posées pour la sécurité des gens, qui vont empêcher certaines personnes de faire x ou y, ce qui va probablement encore limiter la transmission des savoirs. J'ai parlé "d'effets secondaires" dans mon premier message parce que je voulais essayer d'exprimer l'idée que ce n'est pas un truc qui est mis en place volontairement en mode "hihi les méchants de la médecine conventionnelle", mais que parce qu'on a une certaine vision du monde et de ce qui est plus important, on met en place un système qui va permettre de faire ce truc important, mais qui va aussi avoir comme conséquences (pas forcément anticipées/voulues) de rendre d'autres trucs plus difficiles.
Par exemple tu me dis que si je suis intéressée par les plantes, je peux demander à ma mère de m'apprendre ce qu'elle sait, ou choper des bouquins, ou autres. Je sais tout ça, et oui je
peux acquérir les connaissances de cette façon, mais ça va être des connaissances "hors-sol", qui ne font pas forcément hyper sens au vu de mon environnement actuel
je vis au milieu d'une ville de 9 millions d'habitants donc l'accès aux plantes dans leur environnement réel, on repassera, et vu qu'il y a plus ou moins les mêmes réglementations qu'en France, je n'y ai pas vraiment accès ailleurs non plus, et qui demanderaient beaucoup d'efforts pour être utilisables (et qui en plus ne seraient pas forcément valorisées). Du coup il faut vraiment avoir une grosse grosse motivation intrinsèque pour aller vers ces connaissances.
Ceci était un pavé, mais c'était pour expliquer ce que je voulais dire quand je parle d'une organisation sociale/une culture qui limite l'accès à ces connaissances.
Pour la question du pouvoir, je devrais faire un autre pavé pour expliquer ce que je veux dire, donc je vais peut-être pas partir du principe que vous avez envie que je vous impose ça

Je développerai si ça fait sens dans la conversation..
Simplement pour rapidement aborder la question de "pourquoi c'est dommage de voir ces savoirs disparaître" (parce qu'on pourrait se dire: bon, ils sont plus utiles aujourd'hui, osef) (et sans aborder la question du pouvoir, même si je trouve que c'est lié), au-delà du simple "c'est triste de voir des connaissances s'éteindre", il y a déjà des exemples dans des domaines médicaux/paramédicaux qui montrent que des fois nos valeurs culturelles nous ont fait penser qu'on avait trouvé mieux que ce qui se faisait avant, on a donc changé nos pratiques complètement, perdu des savoirs, et maintenant on se rend compte (grâce à la science) qu'on s'était planté, et on se trouve un peu comme des cons.
Par exemple pour ce qui est de l'accouchement, on sait qu'avec l'arrivée de la césarienne, et le fait qu'elles sont de plus en plus maîtrisées, on a pendant un temps poussé toutes les femmes avec un bébé en siège à accoucher par césarienne (parce qu'on valorise le contrôle, la sécurité*, la technique)(*l'impression de sécurité en l'occurrence) > on a eu une grooosse perte de compétences sur comment accompagner des voie basses en siège > c'est devenu plus dangereux d'accoucher par voie basse avec un bébé en siège parce que les praticiens sont inexpérimentés. Or il y aura toujours des bébés en siège non anticipés, des femmes qui VEULENT une voie basse (et la coercition à base de "votre bébé va mourir" est de plus en plus mal vue), ou des femmes pour lesquelles la césarienne n'est pas super indiquée. >> on l'a dans l'os. Similairement, quand est arrivé le monitoring continu pendant le travail on s'est dit "trop ouf, ça va grave sauver des bébés" et c'est un truc qui coche toutes les cases culturelles de contrôle, sécurité, technologie. On a mis ça en place à grande échelle > on a déshabitué les sage-femmes/médecins d'utiliser/développer les compétences alternatives. Or la plupart des grosses recherches qui ont voulu évaluer l'impact du monitoring continu ces dernières années (et je parle niveau dernier cochrane review) montrent que 1) ça sauve pas du tout de bébés, 2) ça augmente les risques pour la mère en entraînant plus d'interventions. >> On l'a un peu dans l'os, mais on ne veut pas trop y croire parce que le monitoring continu remplit tellement toutes les cases culturelles de ce qui est "mieux".
Et je vais m'arrêter là parce que j'ai vraiment écrit beaucoup trop, je suis désolée! J'arrivais pas à dire ce que j'essayais de dire en moins de mots :/