La réalité c'est que beaucoup de femmes et beaucoup de personnes tout court ont un vrai problème avec des hommes érotisant leur propre corps (je ne parle pas de dick pics). Avez vous déjà demandé un nude à un homme ? Inversement, combien de fois vous en as t-on demandé ou en avez-vous fait ? Et si vous êtes ici, c'est que vous être probablement féministe et avez donc déconstruit certains shémas imaginez vous bien que la femme qui est pas trop là dedans, ça doit être encore moins. Combien de likes va recevoir une photo suggestive de femme à poil comparé à celle d'un homme en général ? Et ce n'est pas juste les hommes qui likent. J'ai juste un homme dans mes abonnements twitter et des photos suggestives (pas forcément sexuelles ceci dit) de femmes dénudées, j'en vois défiler tous les jours. Cette position d'objet désiré et sexualisé a toujours été féminine et la seule manière dont on a appris les hommes à s'érotiser ou se sexualiser, c'est par leur bite. C'est triste mais c'est comme ça. Bref, pour moi, ça ne rentre pas dans la "masculinité toxique" , seule l'hypersexualisation sociétale est à blâmer là ou alors montrer ses énormes fesses refaites sur Instagram, pour être admirées (quand ce n'est être pas être sources de complexes) par des femmes et désirées par des hommes, c'est de la féminité toxique aussi.
Je trouve ton message intéressant mais j'ai envie de nuancer un peu. Je ne suis pas sûre qu'il y ait un tel problème dans l'érotisation du corps masculin en soi, mais plutôt dans le message que cette érotisation va ou non renvoyer.
Il y a plusieurs calendriers d'hommes nus qui ont pas mal de succès, et à une époque, le calendrier des dieux du stade (rugbymen et autres sportifs photographiés totalement nus) se vendait extrêmement bien. Quand il a été lancé au début des années 2000 je crois, ça a eu un succès fou auprès des femmes parce que c'était une des première fois qu'un produit aussi grand public (on le trouvait partout, exposé sur toutes les tête de gondole de la Fnac et du Leclerc, en publicité dans les journaux etc.) érotisait aussi ouvertement le corps des hommes et les offrait au regard des femmes. Perso, j'en ai acheté plusieurs éditions pour moi ou des copines (c'était un cadeau entre copines très populaires) et ça m'est arrivé très souvent que la vendeuse ou la caissière me lance un regard approbateur ou fasse un commentaire enthousiaste en voyant le calendrier. Je me souviens même d'une vendeuse qui devait avoir 60 ans et une alliance alors que j'en avais peut-être 20 qui était en mode "ah c'est super ce calendrier, pour une fois que vois des messieurs nus, je l'ai commandé pour Noël!"
Par contre, je me souviens que les hommes hétéros étaient très mal à l'aise avec ce calendrier et que beaucoup de femmes étaient gênées par le style des images car il y avait quelque chose de très "homoérotique" dans les images. Ce n'est pas une grosse surprise car ce calendrier avait été lancé par le président du club Stade Français Max Guazzini dans le cadre d'une campagne plus générale visant à populariser le rugby auprès d'un public moins habitué des stades, comme les femmes parisiennes, en cassant un peu ce côté "virilité toxique" qu'on pouvait associer aux sportifs, et il se trouve que Max Guazzini est gay donc ce n'est pas surprenant qu'il y ait un côté homoérotique dans les images.
Mais c'est assez marquant de repenser au fait que les gens étaient vraiment très très gênés par ce côté "gay" des images. Aucun des sportifs photographiés nus n'était connu comme étant gay, mais ils posaient souvent dans des poses un peu lascives, offertes, qui rappelaient les images de femmes nues, plus courantes. C'était différent du côté "vrai bonhomme très fort et dominant" qu'on avait l'habitude de voir dans l'imagerie hétéro, avec les posters d'hommes torses nus, d'acteurs, etc. qu'on voyait habituellement.
Je me souviens de plusieurs commentaires de femmes qui étaient gênées non pas par la sexualisation des hommes, mais par le fait qu'ils adoptaient des codes "féminins" dans leur sexualisation (et ne parlons pas des hommes qui n'osaient même pas regarder mes calendriers! j'en avais accroché un dans ma chambre, et tous les hommes détournaient pudiquement le regard quand ils passaient devant, une fois, un gars avec qui on était en vacances, s'était même mis en colère et avait arraché le calendrier que mes copines et moi on avait accroché dans notre chambre car il trouvait ça "dégradant" alors que c'étaient des photos artistiques professionnelles, pas du porno!).
Bref, certaines éditions du calendrier avaient un côté moins "homoérotique" avec des hommes qui posaient de manière moins lascives, plus en mode "c'est moi l'homme et c'est moi qui domine sexuellement, je suis un sportif très très musclé qui peut te contrôler tellement je suis fort" plutôt que "je suis beau et ouvert aux regards, je suis musclé mais c'est pour le plaisir de tes yeux" et je me souviens que ça dérangeait moins les hommes.
Beaucoup de gens aussi clamaient que le calendrier était en réalité "pour les gays" et que les femmes "se faisaient avoir" en croyant que ça leur était destiné, un peu comme si c'était plus acceptable d'imaginer d'autres hommes en position de voyeur que des femmes qui se comporteraient comme ça vis-à-vis des hommes.
Donc en fait, j'aurais tendance à dire que ce n'est pas tellement l'érotisation des hommes qui dérange que le fait que cette érotisation soit tellement associée au féminin qu'elle peut les "faire passer pour gays" ou casser les frontières entre homosexualité/hétérosexualité et force virile/sensualité féminine.
Là, dans ce challenge Twitter, je trouve qu'on reste quand même dans des codes hétéro-compatible avec la bite-dominante-et-puissante au centre. Des hommes qui poseraient selon les codes féminins dans un but érotique (et non dans un but de dénonciation de l'objétisation des femmes comme on voit surtout avec ce genre de photos "subersives" d'hommes lascifs), je pense que les réactions seraient très différentes. C'est à mon avis pour ça que la seule érotisation avec lesquels les hommes se sentent vraiment à l'aise, c'est celle de leur bite qui est construite dans l'imaginaire comme un outil de puissance et de domination. Celle de leurs fesses, de leur corps, etc., c'est quelque chose qu'ils n'ont pas appris à maitriser car on leur a toujours appris à ne pas brouiller les lignes entre féminin et masculin, hétéro et homo pour conserver leur place dans la société et les rapports de genre.
Et du coup, je veux bien croire que cette imagerie du challenge Twitter ne dérange pas les hommes (puisqu'il ne s'agit pas d'hommes en position passive), alors qu'elle dérange les femmes (qui sont mal à l'aise avec le symbole de la bite mise au centre), mais il faudrait voir ce qu'il en serait avec des hommes qui poseraient par exemple nus allongés sur une peau de bête avec un shampooing sur leurs fesses et un regard provocateur vers la caméra, là je pense que les femmes ne se sentiraient pas agressées... mais les hommes probablement beaucoup plus.