Je pense qu'on sous-estime beaucoup l'humain en partant du principe que certaines choses resteront éternellement inchangées, et que si on ne tente rien, évidemment, on n'aura jamais de résultats satisfaisants. Faire évoluer la perception de certaines choses, offrir plus de visibilité, s'indigner publiquement sans peur de voir les gens nous tourner le dos, c'est avancer, évoluer, et aller vers une amélioration des choses - et ce dans absolument tous les domaines.
Je trouve également dommage qu'on cherche sans cesse à hiérarchiser les causes (et sur ce point, je ne te vise pas toi personnellement, j'en profite pour rebondir). Je prends l'exemple que tout le monde reprend en ce moment, pour le terme "mademoiselle" retiré des formulaires administratifs. Je me suis exprimée sur madmoiZelle, au nom de la rédac, en la défaveur de cette décision - d'une part parce que je n'avais pas saisi entièrement la teneur du débat (je pensais à l'époque qu'il s'agissait d'éradiquer le terme "mademoiselle" tout court), mais plus le débat a avancé, plus mon point de vue a évolué (c'est tout l'intérêt des débats sur madmoiZelle, toujours extrêmement enrichissants). Ce qui m'a profondément agacée, même si j'ai moi-même fait cette remarque au départ, c'est l'argument "non mais vous avez pas plus important à gérer ? y a des causes plus graves hein".
J'ai fini par comprendre qu'effectivement, il n'y a pas de "grandes" ou de "petites" causes. L'évolution ne se joue pas qu'à grande échelle, ni dans l'immédiateté, mais également dans les petits détails (linguistiques, sociologiques, médiatiques, publicitaires, les petites merdes du quotidien, etc). Pour reprendre l'exemple du racisme, le langage évolue - on ne dit plus "nègre" en parlant d'un noir, par exemple, et ces petits "riens" font partie d'un tout, c'est un échelon en plus. Si il y a de plus en plus de "soulèvements", de personnes "scandalisées", de "débats", ce n'est pas pour rien. C'est bien signe que les temps sont en train de changer, que ça devient nécessaire, et que beaucoup de gens supportent de moins en moins ces "petits riens" qui ne font que nous enfermer dans des carcans rétrogrades. Sur la question du féminisme, il y a énormément de progrès à faire - déjà pour que les femmes acceptent qu'elles sont toutes féministes par définition, du moins à l'échelle occidentale (sinon, tu rends ton chéquier, ta carte d'élécteur, t'enfiles ton tablier et tu restes à la maison, en gros) et que le féminisme n'est pas là pour diviser les femmes mais pour les rassembler (après il y a celles qui rejettent cette idée de "sororité, toutes ensemble, solidarité yéyéyé", mais ça ne fait pas d'elles de "mauvaises féministes" pour autant).
Je m'éloigne à fond la caisse du débat, et je vais m'arrêter là sinon j'y suis encore demain, mais je pense qu'il est grand temps qu'on retire nos oeillères, qu'on s'ouvre un peu et qu'on réalise que oui, les petits riens font de grands touts qui agacent, qui nous freinent et qui nous font du "mal". Après, qu'on soutienne ou non chaque cause défendue (le "mademoiselle", la pub jugée sexiste...), ça ne devrait pas donner lieu à des réponses du genre "pfff, relou ces féministes, toujours à tout critiquer, jamais contentes, mal baisées, chiennes enragées, blablabla" - mais plutôt à une forme d'ouverture d'esprit. Le réflexe ne devrait plus être de pointer du doigt celles qui râlent, mais de prendre du recul sur la situation et de se demander, vraiment, pourquoi ça fait autant chier ces gens là, d'où ça vient, à quoi ça renvoie et si finalement, y a pas un fond de "vérité" dans tout ça.
(je re-précise que cette réponse ne s'adresse pas uniquement à toi, j'en ai profité pour exposer un peu plus mon point de vue sur les questions soulevées)